Face aux critiques, les compagnies aériennes mettent en avant les progrès technologiques qu'elles ont réalisé ces dernières années leur permettant de moins polluer.(Photo : Paul Chiasson/La Presse canadienne)

Une relance verte pour l’aviation canadienne?|L’avis des compagnies aériennes

Dans un rapport publié mardi, l’Association internationale du transport aérien (AITA) dépeint un portrait encore plus négatif que prévu quant aux répercussions de la pandémie de COVID-19 sur les compagnies aériennes. 

L’organisme international annonce une baisse de leur chiffre d’affaires de 60 % comparé à l’année dernière.

La crise de la COVID-19 a menacé la survie de l’industrie du transport aérien et les livres d’histoire retiendront 2020 comme la pire année financière pour le secteur, a souligné l’AITA qui regroupe 290 compagnies aériennes.

Ainsi, elle prévoit que le chiffre d’affaires du secteur aérien atteindra 328 milliards de dollars en 2020, contre 838 milliards en 2019.

Au Canada, les compagnies aériennes demandent au gouvernement de Justin Trudeau de les aider pour survivre à la crise. 

Toutefois, pour de nombreuses ONG environnementales, une aide fédérale doit être accompagnée de contraintes écologiques. Elles demandent également à ce que les compagnies s’engagent davantage pour respecter la planète et atteindre les objectifs établis lors de l’Accord de Paris, soit limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C.

Face à ces critiques, les compagnies aériennes mettent en avant les progrès technologiques qu’elles ont réalisés ces dernières années pour moins polluer.

Mieux consommer

Interrogées par Radio Canada International (RCI), les trois plus grandes compagnies aériennes du Canada (Air Canada, WestJet et Air Transat) et le Conseil national des lignes aériennes du Canada (CNLA) ont tous parlé de leurs progrès en ce qui a trait au rendement énergétique.

La première compagnie au pays, Air Canada, a indiqué avoir amélioré ce rendement de 19 % entre 2009 et 2019, soit une amélioration de 2,1% par an.

Elle évoque également le renouvellement de sa flotte avec notamment l’Airbus A220, « fabriqué au Canada et très économe en carburant ».

De son côté, WestJet possède « l’une des flottes les plus jeunes et les plus économes en carburant d’Amérique du Nord ».

« Selon les données de Boeing, le rendement énergétique et les émissions de nos avions 737 de la prochaine génération (séries 600, 700 et 800) sont environ de 15 à 30 % inférieurs, par siège, à ceux de la flotte de la série 737-200 que nous avons remplacée entre 2000 et 2003 », peut-on lire sur son site Internet.

Les principales compagnies aériennes tablent beaucoup sur le renouvellement de leur flotte pour améliorer leur rendement énergétique. (Photo : Darryl Dyck/La Presse canadienne)

La compagnie évoque également l’utilisation d’ailettes, des extensions de bout d’aile qui réduisent la consommation de carburant jusqu’à 2,7 % par vol sur les avions des séries 737 700 et 800. Elle souligne également ses achats de moteurs qui réduisent la consommation de carburant jusqu’à 1 % pendant leur cycle de vie.

Air Transat avance également l’achat de nouveaux modèles d’avion, les Airbus A321neo qui ont des émissions, un bruit et une empreinte énergétique nettement inférieurs à ceux de l’ancienne génération.

Dans sa réponse à notre demande, le CNLA mentionne le Plan d’action du Canada pour réduire les émissions de gaz à effet de serre provenant de l’aviation. Ce dernier rappelle que de 2008 à 2018, l’aviation canadienne a amélioré son rendement énergétique de 2 % par an en moyenne.

« Cet objectif a été largement atteint grâce à des investissements importants et continus de plusieurs milliards de dollars dans de nouveaux avions et le renouvellement de leur flotte par les principales compagnies aériennes du Canada, mais aussi grâce aux programmes en matière de rendement énergétique des différents membres du CNLA. »Conseil national des lignes aériennes du Canada

Le CNLA avance également le rôle joué par les aéroports et les services de contrôle du trafic aérien dans « la réduction de la consommation de carburant grâce à l’amélioration des procédures de navigation et à l’efficacité énergétique des installations et des équipements aéroportuaires ».

WestJet parle également de ses nouvelles infrastructures afin d’améliorer son rendement énergétique. La compagnie aérienne souligne la construction de son siège social à Calgary selon les normes LEED (Leadership in Energy and Environmental Design), mais aussi l’utilisation de véhicules pour transporter les bagages. Ils sont alimentés par des piles au lithium polymère.

Le siège social de WestJet à Calgary, en Alberta, a été construit selon les normes LEED. (Photo : Jeff McIntosh/La Presse canadienne)

Développer et utiliser un carburant propre

Tous les acteurs de l’industrie se rejoignent également sur la nécessité d’utiliser et de développer le carburant d’aviation durable (SAF en anglais).

« Le SAF sont le principal moyen de générer des réductions importantes des émissions de carbone dans l’aviation commerciale à moyen terme. Diverses études montrent que l’utilisation du SAF peut réduire les émissions de carbone jusqu’à 80 % », écrit notamment le CNLA.

Cet objectif est partagé par l’AITA qui a demandé mercredi aux gouvernements « de soutenir le développement du carburant d’aviation durable comme étape essentielle pour atteindre l’objectif de réduction des émissions nettes à des niveaux inférieurs de moitié à ceux de 2005 d’ici 2050 ».

« Nous savons depuis longtemps que la transition énergétique vers le SAF change la donne », a déclaré par voie de communiqué Alexandre de Juniac, chef de la direction et PDG de l’AITA. « Mais les transitions énergétiques ont besoin du soutien des gouvernements. Le coût du SAF est trop élevé et les approvisionnements trop limités. »

« Cette crise est l’occasion de changer cela. Mettre en place des fonds de relance économique pour le développement d’un marché SAF à grande échelle et compétitif serait une triple démarche gagnante : créer des emplois, lutter contre les changements climatiques et connecter le monde de manière durable. »Alexandre de Juniac, chef de la direction PDG de l'AITA

Selon l’organisme international, le SAF sont en moyenne de deux à quatre fois plus chers que les combustibles fossiles, la production mondiale actuelle étant d’environ 100 millions de litres par an, ce qui ne représente que 0,1 % de la quantité totale de carburant consommée par l’industrie.

Ainsi, l’AITA estime qu’un investissement des gouvernements permettrait de porter la production de SAF à 2 % (6-7 milliards de litres). Cela représente le minimum nécessaire pour ramener le prix de ces carburants aux mêmes niveaux que les combustibles fossiles, indique l’organisme.

Alexandre de Juniac a demandé mercredi aux gouvernements « de soutenir le développement du carburant d’aviation durable (SAF) comme étape essentielle pour atteindre l’objectif de réduction des émissions nettes à des niveaux inférieurs de moitié à ceux de 2005 d’ici 2050 ». (Photo : Denis Balibouse/Reuters)

Au Canada, le CNLA promeut les richesses du pays qui seraient favorables au développement du carburant d’aviation durable.

« Le Canada dispose d’importants avantages naturels dans le développement du SAF, notamment des matières premières durables, des technologies de production disponibles sur le marché et une industrie aérienne engagée, dévouée et de premier plan au niveau mondial. »Conseil national des lignes aériennes du Canada

Le conseil critique ainsi le manque d’action du gouvernement fédéral dans ce domaine en le comparant notamment aux actions prises dans d’autres pays (États-Unis, Union européenne et Royaume-Uni).

Il relève toutefois le travail réalisé par chaque compagnie aérienne pour développer ces carburants.

Air Transat, par exemple, indique avoir signé un accord d’achat avec le Consortium SAF+ en juillet dernier qui lui « donne la priorité sur les achats de carburant d’aviation durable de sa raffinerie dans un horizon de 5-6 ans ». Il s’agit là du premier accord de commercialisation de SAF au Canada.

Le Consortium SAF+ est en train de finaliser la fabrication d’une usine pilote dans l’est de Montréal pour fabriquer du kérosène à partir de dioxyde de carbone (CO2). Le procédé consiste à capturer le CO2 produit par les grands émetteurs industriels et à le convertir en carburant synthétique pour les avions d’affaires en utilisant un procédé appelé Fisher Tropsch (FT).

La compagnie met aussi en avant le fait qu’elle a déjà réalisé deux vols en utilisant du SAF.

Air Canada développe quant à eux la recherche et le développement « de ces carburants à faible teneur en carbone par l’étude de l’évolution des traînées de condensation et de l’utilisation du SAF, ainsi que par l’évaluation de la filière canadienne des biojets ».

La compagnie est d’ailleurs partenaires de WestJet et d’Air Transat pour le « Sky’s the Limit Challenge » du gouvernement canadien, doté d’un budget de 14 millions de dollars, qui consiste en deux concours distincts portant sur la production de biojets, dont les gagnants devraient être annoncés au début de 2021.

La compagnie rappelle également qu’elle continue à soutenir le développement de SAF au Canada.

Le CNLA ajoute à cela la livraison de nouveaux avions avec un mélange de SAF qui sont notamment rendus neutres en carbone par l’achat de compensations pour les émissions restantes. Le conseil rappelle que le premier vol de démonstration en Amérique du Nord avec pour objectif de réduire les émissions de CO2 de plus de 40 % par rapport à un vol normal a été réalisé au Canada et que les compagnies participent à plusieurs projets de recherche sur le sujet.

Développer le marché du carbone aérien

Air Canada et WestJet, les deux principales compagnies aériennes au pays, cherchent à développer un marché du carbone pour l’industrie aérienne.

WestJet s’est associée à Carbonzero pour offrir à ses clients la possibilité de contribuer à réduire les effets des changements climatiques en achetant des crédits carbone lors de leurs voyages.

Ce concept est partagé par l’Association internationale du transport aérien qui développe CORSIA (acronyme de l’anglais Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation, en français Régime de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation internationale). 

CORSIA a été créée en 2016 par l’OACI, l’organisme des Nations unies qui fixe les normes applicables aux voyages aériens internationaux. Il devrait commencer à fonctionner en 2021. Il s’agit d’un régime mondial de mesures obligeant les compagnies aériennes participantes à acheter des crédits carbone. 

Le programme CORSIA a été créé par l’OACI en 2016 et consiste en un régime mondial de mesures obligeant les compagnies aériennes participantes à acheter des crédits carbone. (Photo : Paul Chiasson/La Presse canadienne)

Les compagnies aériennes achètent de pareils crédits afin de compenser l’augmentation de leurs émissions. Ils proviennent de projets environnementaux désignés dans le monde entier.

Le programme est appuyé par Air Canada et par Ottawa.

Pour aider les compagnies aériennes à respecter CORSIA, l’AITA a lancé mercredi la Bourse carbone de l’aviation (Aviation Carbon Exchange en anglais ou ACE), un nouvel « outil important pour aider les compagnies aériennes à respecter leurs engagements en matière de climat » pris dans le cadre du programme de l’OACI ou pris personnellement.

« ACE est la première place de marché centralisée en temps réel qui est intégré à la Chambre de compensation de l’IATA (ICH) pour le règlement des fonds sur les échanges de compensations carbone », indique l’organisme international dans un communiqué.

« Les compagnies aériennes sont sérieuses dans leur engagement à réduire les émissions. Et elles ont besoin d’un outil fiable pour accéder à des crédits carbone de qualité en temps réel. ACE sera un outil clé pour aider les compagnies aériennes à gérer efficacement ces importantes transactions. »Alexandre de Juniac, chef de direction et PDG de l'AITA

Nous reviendrons plus en détail sur le programme CORSIA dans le prochain article consacré aux initiatives entreprises par les organismes internationaux pour réduire les émissions de GES du secteur de l’aviation.

Note : Cet article s’inscrit dans une série de quatre articles sur la relance économique verte de l’aviation canadienne.

Voici les deux précédents articles :

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