Les Inuits et les Autochtones du Canada face à l’appropriation culturelle

L’affaire « Hal Niedzviecki », l’ex-éditorialiste au magazine Write, publié par la Writer’s Union of Canada, rappelle une réalité de plus en plus visible : la récupération d’éléments ou de symboles traditionnels autochtones, sans avoir pris en compte le contexte historique, sans même s’être renseigné sur sa signification culturelle.
En décembre dernier, l’« affaire » Joseph Boyden avait secoué les médias sociaux au Canada alors qu’une enquête du Réseau de télévision des peuples autochtones (APTN) révélait que l’identité de cet écrivain canadien n’était pas aussi claire qu’il le prétendait. Celui-ci revendiquait, outre des ancêtres écossais et irlandais, des ascendances amérindiennes. L’histoire avait causé peu de remous au Québec.
De nouveau un débat enflamme le Canada anglais sans grandes répercussions dans l’est du pays, où pourtant les exemples d’appropriation ne manquent pas.
Pow wow

En avril 2015, l’annonce d’une nouvelle émission à la télévision de Radio-Canada avait suscité la controverse, son titre : Pow wow. Il n’en fallait pas plus pour faire réagir l’auteure innue Natasha Kanapé Fontaine qui avait publié un texte adressé au diffuseur public et dans lequel elle expliquait que « le terme risque d’être vidé de son sens, si on utilise ce mot-là à des fins de divertissement. On a l’impression que dans ce cas-ci, ça risque d’être utilisé dans un cas d’inconscience, d’ignorance, de l’histoire et de l’impact et du colonialisme sur les Premières Nations du Québec et du Canada. »
Le diffuseur avait finalement renommé cette nouvelle émission.

En décembre 2015, la chanteuse Natasha St-Pier lançait le vidéoclip d’une chanson qui se voulait un hommage à la culture acadienne. On la voyait portant une coiffe autochtone et était entourée de capteurs de rêves. Les réactions n’ont pas tardé à fuser.
Dignité et respect
D’autres exemples litigieux ont surgi depuis et « mine de rien ça arrive souvent », me dit Natasha Kanapé Fontaine, en précisant qu’au Canada anglophone les Autochtones font déjà partie des milieux artistiques et littéraires « et l’on voit avec ce débat que les écrivains autochtones demandent beaucoup plus de dignité et de respect des voix, alors que le Québec accuse du retard dans l’inclusion des Peuples autochtones. »
Soit l’intention à la base est bonne soit il y a une ignorance du passé historique et du concept même d’appropriation culturelle, poursuit Natasha Kanapé Fontaine. Elle précise que ce débat se déroule dans un contexte où les Autochtones reprennent la parole et connaissent du succès dans la réaffirmation identitaire et la place qu’ils prennent dans la sphère médiatique ou ailleurs.
L’appropriation des cultures du Nord

Chez les Inuits, les problèmes liés à l’appropriation ne sont pas nouveaux et prennent diverses formes. À commencer par le design du kayak, qui a permis à plusieurs non-Autochtones de s’enrichir, précise Natan Obed, le président d’Inuit Tapiriit Kanatami, qui représente près de 60 000 Inuits au Canada. En entrevue à CBC News, il ajoute que les vêtements inuits ont « inspiré » nombre de designers. Et que dire des entreprises qui utilisent les noms à caractères inuits pour leurs marques, dont les résultats suscitent bien souvent la controverse, poursuit-il.
« Certains invoqueront la liberté de parole, sans comprendre les enjeux liés au concept d’appropriation culturelle et sans tenir compte des sensibilités, précise Natan Obed. « Au-delà de la liberté de créer, il y a une méconnaissance des enjeux touchant la réalité des Autochtones, qu’elle soit historique, politique, sociale ou culturelle », conclut-il.