Passage du Nord-Est : un premier voyage sans brise-glace pour transporter du gaz naturel liquéfié

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Le navire-citerne Christophe de Margerie dans le port de Sabetta, en Russie. (Olesya Astakhova/Reuters)
Pour la première fois de l’histoire, un navire-citerne transportant du gaz naturel liquéfié a traversé le passage du Nord-Est sans l’aide d’un brise-glace. Cette route maritime au nord de la Russie permet de passer de la Scandinavie à l’Asie en passant par l’Arctique.

Le « Christophe de Margerie », un navire-citerne russe de 300 m de long, est le seul bateau commercial destiné à transporter du gaz naturel liquéfié (GNL) à être doté d’une structure pour briser la banquise. C’est ainsi qu’il est devenu le premier navire commercial à traverser le fameux passage du Nord-Est sans être accompagné d’un brise-glace de la garde côtière russe.

Le méthanier, baptisé en l’honneur de l’ancien PDG de Total, mort tragiquement dans un accident d’avion à Moscou en 2014, a fait le voyage entre la Norvège et la Corée du Sud en à peine 19 jours, soit en une semaine de moins que le trajet passant par le canal de Suez.

Le Christophe de Margerie est doté d’une étrave renforcée qui lui vaut d’être le plus gros navire commercial à avoir reçu la certification Arc7, ce qui veut dire qu’il peut naviguer dans des étendues de glace ayant jusqu’à 2,1 m d’épaisseur. Lors de ce voyage entre l’Europe et l’Asie, le navire a pu maintenir une vitesse moyenne de 14 noeuds, malgré une banquise de plus d’un mètre d’épaisseur à certains endroits.

En 2016, 19 passages de nature commerciale ont été effectués le long de cette route maritime nordique. Mais chaque fois, les navires étaient accompagnés par un brise-glace.

Les effets des changements climatiques
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Le président russe, Vladimir Poutine, rend hommage à l’équipage du méthanier brise-glace « Christophe de Margerie » dans le port de Sabetta, en Russie. (Olga Maltseva/Reuters)

L’étendue de la banquise arctique décline de façon régulière depuis environ trois décennies.

Les scientifiques attribuent ce phénomène à la hausse des températures sur la surface du globe et dans les océans. Ce réchauffement climatique a permis l’ouverture de nouvelles routes commerciales comme le passage du Nord-Est, au nord de la Sibérie, et le passage du Nord-Ouest, au nord du Canada.

Cette année, la superficie de banquise de l’Arctique a atteint un minimum record pour une troisième année de suite, selon les données satellites du US National Snow and Ice Data Centre (NSIDC), basé à Boulder au Colorado.

Jusqu’à récemment, les navires pouvaient emprunter le passage du Nord-Est de juillet à septembre ou octobre, environ. Mais le Christophe de Margerie pourra le faire beaucoup plus tard.

« Éventuellement, avec ce type de brise-glaces méthaniers, on va pouvoir circuler dans la zone toute l’année et donc lier le gaz norvégien vers les marchés asiatiques », dit Joël Plouffe, un expert de l’Arctique au Centre interuniversitaire de recherche sur les relations internationales du Canada et du Québec (CIRICQ) de l’École nationale d’administration publique (ENAP).

Tout porte à croire que la tendance au rétrécissement de la banquise va se poursuivre et le gouvernement russe compte bien en profiter.

Lors de son voyage, le Christophe de Margerie s’est arrêté dans le port méthanier de Sabetta, où l’équipage a été accueilli par nul autre que le président russe Vladimir Poutine. « C’est un grand moment pour l’ouverture de l’Arctique », a-t-il dit sur le pont du navire.

Le propriétaire du navire-citerne, la compagnie Sovcomflot, compte profiter du rétrécissement de la banquise pour livrer du gaz naturel liquéfié russe aux marchés asiatiques. La compagnie prévoit commander une flotte de 15 navires-brise-glaces similaires qui pourront faire le voyage entre l’Europe et l’Asie.

Risques pour l’environnement

L’augmentation éventuelle du trafic maritime dans le passage du Nord-Est soulève des inquiétudes quant aux effets sur l’environnement. Un déversement d’hydrocarbures dans les eaux froides de l’Arctique rend beaucoup plus complexe une opération d’urgence, d’autant que les équipes et les infrastructures d’intervention sont loin.

Il y a un peu de laissez-faire où les compagnies maritimes ont un peu carte blanche, alors que les États n’ont pas les capacités pour bien réglementer ces « transits » qui augmentent.

 Joël Plouffe.

La glace et l’eau glacée compliquent grandement la tâche des équipes de secours, surtout lorsqu’il s’agit de pétrole.

À ces basses températures, les bactéries qui agissent normalement comme agents de biodégradation du carburant sont beaucoup moins actives. Aussi, lorsqu’il s’agglutine à la glace, le pétrole devient pratiquement irrécupérable.

Mais il n’y a pas que les déversements qui posent problème. Avec l’augmentation du trafic dans cette zone arctique, les navires laissent leurs traces dans un écosystème fragile qui est mal connu.

« Nous n’avons pas toutes les données pour comprendre ce que seront les effets de l’augmentation du transport maritime dans les eaux arctiques », explique M. Plouffe.

C’est sans compter un autre phénomène dont on parle assez peu, mais qui commence à soulever des inquiétudes : le tourisme arctique, dont la croissance phénoménale ne s’essouffle pas.

« Les règles sont-elles assez développées et adaptées à ces nouvelles conditions? Ce n’est pas toujours le cas, dit Joël Plouffe. C’est très nouveau et ça avance très rapidement, et souvent l’État n’est pas capable de suivre cette évolution rapide. »

Étienne Leblanc, Radio-Canada

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