Un manque de moyens et de connaissances culturelles sur les Inuits clame une enquête publique actuellement en cours au Québec

Un Centre de justice des premiers peuples a ouvert ses portes en avril 2017 à Montréal. L’organisme offre notamment des services d’accompagnement juridique culturellement adaptés et des services de soutien financier pour le transport aux Premières Nations, aux Métis et aux Inuits, qui sont surreprésentés dans le système de justice pénale. (Radio-Canada)
Les services juridiques qui sont offerts aux communautés autochtones en milieu urbain au Québec sont sous-financés et ils accusent un retard par rapport à d’autres provinces canadiennes, ont dénoncé des témoins à la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec : écoute, réconciliation et progrès, qui tient ses audiences à Montréal.

Un Centre de justice des premiers peuples a ouvert ses portes en avril 2017 à Montréal. L’organisme offre notamment des services d’accompagnement juridique culturellement adaptés et des services de soutien financier pour le transport aux Premières Nations, aux Métis et aux Inuits, qui sont surreprésentés dans le système de justice pénale. Le Centre offre également des programmes de prévention et de réinsertion sociale.

Mais le Centre – dont le financement de 180 000 $ provient du gouvernement du Québec, de la Ville de Montréal, mais aussi d’une fondation privée (McConnell) – arrive à peine à employer deux coordonnateurs à temps plein, soutient Vivien Carli, membre du conseil d’administration. Le Centre ne peut même pas se payer un directeur, ajoute-t-elle.

En guise de comparaison, le Aboriginal Legal Services of Toronto, qui offre des services similaires en Ontario, emploie une soixantaine de personnes, en plus d’avoir mis sur pied sa propre cour. Son financement provient en grande partie du gouvernement ontarien.

« Comment devons-nous mettre un terme à la marginalisation des peuples autochtones quand nous pouvons à peine fonctionner? », a déploré Vivien Carli, mardi, lors des audiences qui ont lieu au Palais des congrès de Montréal.

Depuis le début des audiences de la Commission présidée par Jacques Viens, en juin, il a maintes fois été question du système de justice canadien, mal adapté, selon des témoins, aux réalités et à la culture autochtones.

Le processus traditionnel de règlement de conflit favorise l’entente à l’amiable et la réparation directe plutôt que les peines d’emprisonnement. La communauté mohawk d’Akwesasne a récemment créé son propre système de justice fondé sur la réparation, mais elle fait figure d’exception.

Les Autochtones ont en outre peu de ressources à leur disposition en milieu urbain.

« Nous savons que de sortir quelqu’un de son environnement, sans aide, ne peut que mener au désastre. Pourquoi les Autochtones ne peuvent-ils pas développer leur propre système? », a demandé Vivien Carli.

Elle a également déploré le peu de données recueillies par le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) par groupe ethnique. Impossible donc de savoir, par exemple, le nombre de contraventions distribuées aux Autochtones, ou d’avoir des informations spécifiques sur les contrevenants inuits.

Pour plus d’empathie des policiers

Des travailleurs communautaires ont en outre parlé devant la Commission de la nécessité de former adéquatement les policiers sur la culture et l’histoire autochtones afin qu’ils fassent preuve de plus d’empathie et de compréhension quand ils sont témoins de certains comportements.

David Chapman, directeur du foyer Open Door, près du square Cabot, au centre-ville de Montréal, a donné l’exemple d’une jeune Inuite qui a longtemps fréquenté son refuge. Fille de deux survivants des pensionnats autochtones, la femme, aujourd’hui dans la trentaine, a été violée à 9 ans par son oncle, a eu son premier avortement à 10 ans, et a commencé à boire à 8 ans.

« À Montréal, elle avait des comportements problématiques : elle buvait, elle se disputait, elle dormait dans le métro, elle urinait dans la rue. Elle pourrait être vue comme une menace indisciplinée. Mais il faut regarder son histoire. C’est déjà extraordinaire qu’elle se lève chaque jour et persévère », a-t-il dit.

« Je me sentais comme un animal »
Sarah Papialuk estime que les policiers devraient être mieux formés pour comprendre davantage les réalités autochtones. (Radio-Canada)

Originaire du Nunavik, Sarah Papialuk a été prise en charge par la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ). Elle s’est retrouvée à Montréal, loin de sa famille, seule. « J’avais peur et je n’avais personne à qui me confier », a-t-elle témoigné devant la Commission.

La jeune femme, actuellement en cure de désintoxication à Montréal, a récemment passé 11 mois au centre de détention Leclerc, à Laval, où elle dit avoir souffert d’être la seule détenue inuite. Elle a été confrontée au racisme, aux moqueries, et plus généralement au manque de compréhension des autres détenues et des gardiennes, dit-elle.

« Les gardes ne voulaient pas me parler car je ne parle pas français. Ils se foutent de notre culture », a-t-elle affirmé devant la Commission.

Au Nunavik, Sarah Papialuk a été maintes fois arrêtée alors qu’elle était en état d’ébriété. Parfois, les policiers la laissaient dans une cellule pendant des heures sans lui fournir de couverture ni de papier hygiénique. « Je me sentais comme un animal », a-t-elle déclaré à la Commission.

La jeune femme estime elle aussi que les policiers devraient être mieux formés pour comprendre davantage les réalités autochtones.

La Commission, qui est basée à Val-d’Or, tient ses audiences à Montréal jusqu’à vendredi.

Laurence Niosi, Radio-Canada

Pour d’autres nouvelles sur les Autochtones au Canada, visitez le site d’Espaces autochtones.

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