Les pays de l’OTAN dépensent-ils assez pour leur armée?

Des soldats américains lors d’un exercice conjoint de l’OTAN en juin 2018 en Lituanie. (Ints Kalnins/Reuters)
La récente menace du président américain de revoir l’engagement des États-Unis au sein de l’OTAN si les autres pays membres ne haussent pas leurs dépenses militaires ne date pas d’hier et ce n’est pas le seul défi auquel fait face l’organisation. État des lieux.

Plusieurs médias, dont le New York Times, ont récemment fait état de lettres envoyées par Donald Trump à d’autres chefs d’État, dont le premier ministre canadien Justin Trudeau et la chancelière allemande Angela Merkel, dans lesquelles il critique le manque de contribution financière de certains pays à l’OTAN. Un sujet qui risque d’être abordé lors du prochain sommet de l’organisation, la semaine prochaine, à Bruxelles.

Plus précisément, le président américain souhaiterait que les pays membres accordent une plus grande partie de leur PIB aux dépenses militaires, une critique formulée à plusieurs reprises, rappelle le professeur titulaire au département de science politique et directeur du Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal, Frédéric Mérand.

« La position des États-Unis depuis toujours est de dire qu’ils dépensent autour de 3 % [de leur PIB] et que beaucoup d’États européens sont autour de 1 % et ne font donc aucun effort pour la défense collective », explique-t-il.

Lorsqu’il était candidat à la présidentielle américaine, M. Trump avait même décrit l’OTAN comme obsolète, position qu’il a nuancée depuis son entrée en fonction.

Les dépenses militaires des pays de l’OTAN

« Il n’y a rien de nouveau dans la critique de M. Trump, les administrations américaines ont déploré le manque de financement des alliés de l’OTAN depuis longtemps », ajoute le professeur au département des études de la défense du Collège militaire royal du Canada, Éric Ouellet.

M. Ouellet explique que depuis plusieurs années, les membres de l’OTAN se sont entendus sur la proportion de 2 % du PIB qui devrait être allouée aux dépenses militaires. Chiffre qui n’a été atteint que par une poignée de pays membres : la Grèce, le Royaume-Uni, l’Estonie, la Pologne et la Roumanie.


Selon Frédéric Mérand, les pays qui n’atteignent pas cette cible font valoir qu’ils contribuent autrement au succès de l’OTAN. « Certains pays dépensent moins dans le militaire, mais offrent plus en aide publique au développement. D’autres vont dire qu’ils ne dépensent pas tant que ça, mais qu’ils dépensent mieux », illustre-t-il.

Des visions différentes de l’OTAN

La décision de certains pays d’accorder 2 % de leur PIB à la défense militaire n’est pas nécessairement dans l’intérêt direct de l’OTAN, souligne aussi M. Mérand. Dans le cas de la Grèce, le professeur indique que les sommes investies dans l’armée peuvent très bien l’être pour des raisons nationales, comme se protéger face à la Turquie.

Il en va de même pour les États-Unis, qui doivent mener leurs opérations militaires à l’extérieur de la zone de l’Atlantique, soit dans le Pacifique, en Asie ou au Moyen-Orient. « Les Européens disent [aux États-Unis] : “Vous dépensez plus de 2 %, mais c’est pour vos ambitions militaires, que nous ne partageons pas” », mentionne M. Mérand.



« Ce n’est pas vrai que ça leur coûte de l’argent, par contre. Les dépenses militaires américaines seraient à peu près les mêmes s’ils ne faisaient pas partie de l’OTAN. »

Frédéric Mérand, directeur du Centre d'études et de recherches internationales de l’Université de Montréal

Pour Éric Ouellet, il devient de plus en plus difficile pour les États membres de justifier une hausse des dépenses militaires, étant donné qu’il n’y a plus de menaces directes et mortelles contre l’OTAN.

Les tensions entre les pays membres sont également attribuables aux divergences d’opinions quant aux objectifs que doit atteindre l’Alliance. « Pour les pays de l’Europe de l’Est, c’est clair que la mission de l’OTAN, c’est de se défendre contre les Russes », explique M. Mérand. « Mais ce n’est pas nécessairement un avis partagé par les Américains, pour qui l’OTAN est une organisation qui a une portée beaucoup plus globale. »

L’OTAN n’est pas près de disparaître

Malgré les menaces de Donald Trump, mettre fin à l’OTAN demeurerait surprenant.

« C’est une organisation qui a réussi à faire des choses exceptionnelles », estime Éric Ouellet. « On a 28 pays qui sont capables de fonctionner ensemble avec des structures de rangs militaires identiques. D’un point de vue strictement militaire, c’est absolument extraordinaire, ce que l’OTAN a réussi à faire au fil des ans. »

La question sera plutôt de savoir comment l’organisation réussira à tempérer les volontés individuelles de chaque pays membre.

Rencontre entre les ministres des Affaires étrangères des pays membres de l’OTAN. (John Thys/Getty Images)

« Des deux côtés, les pays voudraient le beurre et l’argent du beurre », résume Frédéric Mérand. « Les États-Unis voudraient pouvoir se retirer militairement de l’Europe, tout en s’assurant que les Européens demeurent des alliés très très proches et continuer d’utiliser les bases allemandes qui sont bien utiles pour les déploiements au Moyen-Orient. De l’autre côté, les Européens veulent être plus indépendants, mais sans avoir à se doter de capacités militaires réellement autonomes. »

Ce qui est mis en péril avec les récents propos du président américain, c’est la réelle collaboration des États membres en cas de crise militaire. « Ce qui est nouveau avec Trump, c’est que pour la première fois depuis 1989, on a un président américain qui laisse planer le doute sur sa détermination à respecter l’article 5 », explique-t-il en faisant référence à l’article selon lequel lorsqu’un pays membre est attaqué, tous les autres doivent se porter à sa rescousse.

« L’organisation disparaîtrait le jour où un pays membre de l’OTAN se ferait attaquer et qu’aucun autre pays membre ne se porterait à sa défense », prédit Frédéric Mérand.

Jean-Philippe Guilbault, Radio-Canada

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