Une Inuite du Nord-du-Québec est admise au sein de l’Ordre du Canada
Les enjeux qui touchent les Autochtones du Nord canadien sont de plus en plus mis en lumière dans l’ensemble du pays, mais malgré tout, certaines de leurs réalités sont toujours méconnues au sud du 55e parallèle et demeurent absentes des engagements électoraux. C’est ce que déplore l’Inuite Minnie Grey, qui a reçu ce mois-ci l’une des plus prestigieuses distinctions honorifiques civiles au pays.
« Il y a tellement d’aspects que les gens méconnaissent. […] Plusieurs personnes voient souvent l’Arctique et les peuples inuits comme étant différents et loin d’eux alors que nous sommes [aussi] des Canadiens qui voulons faire notre part pour constituer un bon pays », assure Minnie Grey.
Originaire du village nordique de Kangirsuk, Minnie Grey est l’une des six Autochtones à avoir reçu l’insigne de l’Ordre du Canada ce mois-ci. C’est son travail en matière de protection du mode de vie des Inuits et ses initiatives dans le secteur de la santé qui lui ont valu cette distinction honorifique.
Créé en 1967, l’Ordre du Canada est l’une des plus prestigieuses distinctions honorifiques civiles au pays. La gouverneure générale, qui est la représentante de la reine Élisabeth II, attribue chaque année l’Ordre du Canada à des citoyens qui se sont démarqués pour leurs « réalisations exceptionnelles », leur » dévouement remarquable envers la communauté » ou une « contribution extraordinaire à la nation ».
La gouverneure générale du Canada, Julie Payette, a procédé à la remise des insignes de 39 récipiendaires le 6 septembre à Rideau Hall, à Ottawa. « Être honorée par cette distinction signifie pour moi que je représente ma communauté et ses habitants », rapporte-t-elle en entrevue téléphonique avec Regard sur l’Arctique, depuis le village nordique de Kuujjuaq.
Impliquée au sein de sa communauté
Au début des années 1980, Minnie Grey a été vice-présidente de la Société Makivik, un organisme inuit créé au terme de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois et dont la mission vise à promouvoir le développement social, économique et culturel des Inuits du Québec.
Elle a ensuite été directrice générale du Centre de santé Tulattavik de l’Ungava, situé à Kuujjuaq, avant de devenir vice-présidente du Conseil circumpolaire inuit. « J’y ai beaucoup appris sur les enjeux internationaux et sur des dossiers sur lesquels le Conseil circumpolaire inuit travaille toujours aujourd’hui », se souvient-elle.
Celle qui est directrice générale depuis une quinzaine d’années de la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik, la région la plus septentrionale de la province du Québec, est aussi à l’origine de politiques en matière de santé mentale et de prévention du suicide chez les jeunes Autochtones.
Autodétermination du Nunavik
En avril 2011, son implication comme négociatrice en chef au sein du référendum sur l’autodétermination du Nunavik a changé le cap de sa carrière.
Au terme de discussions entre le gouvernement fédéral, le gouvernement du Québec et la Société Makivik, les Inuits ont refusé à 66% qu’un gouvernement régional puisse administrer les finances, l’éducation, les soins de santé et les affaires municipales sur leur territoire. Ce que Minnie Grey voyait comme une grande avancée pour les populations inuites n’a toutefois pas suscité le résultat escompté.
« J’étais déçue et j’avais l’impression d’avoir gaspillé dix ans de ma vie pour qu’autant d’efforts finissent par ne pas porter fruit », se remémore Minnie Grey.
Enjeux électoraux
À l’approche des élections générales au Québec, Minnie Grey espère que le prochain candidat élu dans la circonscription d’Ungava, située au nord du 49e parallèle, sera suffisamment renseigné sur les enjeux qui touchent de près les communautés.
« À chaque fois qu’un nouveau député est élu ou qu’un nouveau gouvernement est [formé] […], je veille à ce que la nouvelle administration soit informée sur les populations avec qui elle s’apprête à travailler », soutient-elle. À l’arrivée d’un nouveau candidat, Minnie Grey ajoute qu’elle et ses collègues ont même introduit une formation éclair non officielle afin d’apprendre aux nouveaux venus les rudiments de la culture inuite.
Parmi ses suggestions au nouvel élu, elle cite entre autres la création d’emplois pour les Inuits dans le secteur de la santé, l’installation de nouvelles maisons pour faire face à la pénurie de logements ou encore la construction d’un hôpital régional capable d’offrir des soins spécialisés pour éviter le transfert de patients vers le sud de la province.