Controverse autour de la traversée d’un Franco-Suisse dans le passage du Nord-Ouest
Le navigateur franco-suisse Yvan Bourgnon est au cœur d’une controverse au sujet de sa traversée du passage du Nord-Ouest, en 2017, un périple lors duquel il comptait devenir la première personne à franchir cet espace maritime en solitaire, sur un catamaran de sport dépourvu d’habitacle, sans assistance et sans poser le pied sur la terre ferme. Il dément toutefois les allégations de tricherie dont il fait l’objet en France depuis plusieurs semaines.
En entrevue avec le réseau anglais de Radio-Canada, Yvan Bourgnon affirme n’avoir ni menti ni triché durant sa traversée d’environ 7500 kilomètres de l’Alaska au Groenland. Il assure notamment n’avoir jamais prétendu que ce périple lui ferait battre le record mondial.
Il avait cependant affirmé le contraire lors d’une entrevue à l’émission Dessine-moi un dimanche, sur les ondes de Radio-Canada, le 1er septembre 2017. « C’est le premier [périple dans le] passage du Nord-Ouest à la voile en solitaire et pour durcir encore plus le défi, c’est une tentative avec un catamaran de sport dépourvu de toute cabine et de tout habitacle. La seule petite protection que j’ai, c’est une mini-tente qui fait 50 centimètres de haut et un mètre de large et qui ne me permet pas vraiment de bouger », avait-il dit.
Sur son site web, le marin affirme aussi être devenu « le premier skipper [capitaine d’un bateau de plaisance, NDLR] à achever la traversée du passage du Nord-Ouest en solitaire dans un catamaran de sport, sans habitable ni assistance ».
Yvan Bourgnon fait les manchettes en France depuis plusieurs semaines. Dans une enquête parue le 26 septembre, le quotidien Le Figaro rapporte qu’il a embelli certains aspects de son parcours, triché en s’arrêtant plusieurs nuits dans la collectivité de Taloyoak, dans le centre du Nunavut, puis tenté de dissimuler cet arrêt.
« Raconter, faire vivre l’histoire pour la partager, lui donner du sens, faire ressentir l’instant, c’est la nature même de la narration d’aventure et en aucun cas cela ne mérite d’être accusé de tricherie et de mensonge », dit Yvan Bourgnon en entrevue avec CBC.
« Nous l’avons regardé se diriger vers l’horizon »
Le maire de Taloyoak, Chuck Pizzo-Lyall, se souvient de sa rencontre avec Yvan Bourgnon en août 2017. Il estime que son passage dans la collectivité a duré environ une semaine.
« J’étais en train de boire un café dans l’un des hôtels locaux. Yvan se trouvait avec son partenaire qui s’occupait de la logistique, Pierre Guyot », raconte-t-il.
« Ils avaient besoin d’un bateau pour les remorquer vers un petit port que nous avons dans la communauté », ajoute-t-il, en évoquant des conditions météorologiques défavorables durant cette période.
« Je lui ai offert de le suivre à distance, mais il préférait que personne ne le suive pour ne pas être distrait pendant son voyage », poursuit Chuck Pizzo-Lyall. « Nous l’avons regardé se diriger vers l’horizon. »
Yvan Bourgnon assure néanmoins n’avoir jamais tenté de dissimuler son arrêt de plusieurs nuits à Taloyoak. Il en fait état dans ses mémoires Conquérant des glaces, un livre publié en 2018 aux Éditions Arthaud. Il relate notamment avoir été freiné par de forts vents et une barrière de glaces.
Procédures judiciaires en toile de fond
Au même moment, il est au cœur d’un litige qui l’oppose à la société de production française 10-7 Productions et au réalisateur Pierre Guyot depuis octobre 2019. Ce dernier a réalisé plusieurs documentaires portant sur ce marin.
Le procès vise à déterminer qui détient les droits sur les images filmées pendant le voyage d’Yvan Bourgnon pour les utiliser dans deux documentaires.
Joint à Paris, l’un des avocats représentant Pierre Guyot, Me Jean Aittouares, rapporte que son client souhaitait que les contretemps rencontrés par le navigateur durant son voyage, comme l’arrêt de plusieurs jours à Taloyoak, figurent dans le documentaire, mais Yvan Bourgnon lui aurait demandé de ne pas les inclure.
En faisant cette escale, le marin mettait les pieds sur la terre ferme et dérogeait ainsi à l’un des critères du défi qu’il s’était lancé.