Arrêt d’un programme de repas et de collations pour enfants autochtones au Yukon

Le programme Yukon First Nation Education Directorate (YFNED), qui a fourni quotidiennement des repas chauds et des collations dans les écoles et les garderies de 13 communautés rurales du territoire au cours des 5 dernières années, a suspendu ses services après que sa demande de financement au titre du principe de Jordan a été rejetée par Services aux Autochtones Canada (SAC).
Melanie Bennett, directrice générale (DG) du programme, avertit que cela aura une incidence extrêmement négative sur près de 900 enfants et jeunes partout au Yukon, car « il est difficile de fonctionner, non seulement dans le domaine de l’éducation, mais aussi dans la vie en général, lorsque l’on a constamment faim ».
Or, de nombreuses familles autochtones, en particulier dans les communautés rurales, souffrent souvent de la faim en raison du coût de la vie et de l’éloignement géographique, affirme Melanie Bennett, DG du YFNED.

Un refus au nom de nouveaux critères
Le principe de Jordan permet de garantir aux enfants autochtones un accès égal aux services financés par le gouvernement canadien, quel que soit leur lieu de résidence, et sans se laisser entraver par des conflits de compétence.
Plus tôt cette année, Ottawa a annoncé des changements aux critères d’admissibilité au financement en vertu du principe de Jordan. À la lumière des nouveaux critères, il a jugé que le YFNED ne remplissait pas les conditions requises.
Pourtant, selon Melanie Bennett, ce programme de nutrition en milieu rural, qui existe depuis cinq ans, répondait à tous les critères.
Dans un communiqué publié cette semaine, le YFNED affirme que SAC est « très mal informé à son sujet ».
De plus, selon lui, le ministère ne « comprend pas la réalité de l’insécurité alimentaire et des inégalités importantes qui existent dans les communautés autochtones isolées du Yukon ».

Le YFNED pour un réexamen de sa demande
Melanie Bennett affirme que le YFNED a fait appel de la décision du gouvernement fédéral et qu’il demande également que sa demande soit réexaminée.
Le gouvernement a 30 jours pour répondre avant que l’affaire ne soit portée devant la Cour d’appel fédérale, indique Mme Bennett.
Elle fait remarquer que la décision du gouvernement canadien obligeait également le YFNED à réduire d’autres services qu’il offrait, notamment son programme de paniers de Noël destiné à la fois aux familles urbaines et rurales.
Melanie Bennett affirme par ailleurs qu’elle perdait désormais le sommeil en sachant que des familles du Yukon ne bénéficieraient plus de cette aide.
Nous avions quelque chose qui fonctionnait très bien, affirme Melanie Bennett, DG du YFNED. C’est précisément pour cette raison que le principe de Jordan a été adopté et inscrit dans la loi, afin que les enfants [autochtones] ne soient pas privés de quoi que ce soit.
Un programme considéré comme vital
Alexa Nagano est membre de la Première Nation Trʼondëk Hwëchʼin de Dawson City. Élève en douzième année à l’École Robert Service, elle profitait du YFNED, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.
Nous n’avons plus de repas scolaires. Mon père et moi devons désormais acheter des collations et des repas chauds, alors que nous pourrions dépenser cet argent pour payer nos factures d’électricité et de chauffage, déplore-t-elle.
Le chef Dylan Loblaw, du Conseil des Dénés de Ross River, insiste sur le fait que sa communauté a besoin de programmes tels que le YFNED. Il estime que la fin de ce programme est un « échec du Canada ».
Je suis déçu et très frustré, dit le chef Dylan Loblaw, du Conseil des Dénés de Ross River. Ici, au Yukon, nous sommes confrontés à une grande insécurité alimentaire… Cela va rendre les choses encore plus difficiles pour les familles moyennes.
Le député du Yukon, Brendan Hanley, dit avoir constaté de ses propres yeux les effets positifs du programme sur les enfants et les familles de tout le territoire. « Je soutiens pleinement l’appel lancé par le YFNED », indique-t-il.
SAC s’explique
CBC/Radio-Canada a contacté SAC, mais personne n’était disponible pour répondre aux questions. Dans une déclaration écrite, le ministère a déclaré que le principe de Jordan « n’est pas destiné à remplacer l’aide au revenu du gouvernement ou les programmes universels ».
[Le principe de Jordan] peut aider les familles en leur versant des compléments de revenu pour payer leur loyer, leurs courses ou leurs factures d’électricité, par exemple, à titre de mesure d’aide temporaire visant à éliminer les facteurs de risque immédiats pour les enfants, explique SAC dans un communiqué.
Il précise également que les demandes au titre de ce principe sont examinées au cas par cas et que toute demande rejetée peut faire l’objet d’un appel.
Toutefois, les décisions d’appel peuvent être contestées « en déposant une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale », ajoute SAC.
Avec les informations de Chris MacIntyre
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