La jeunesse inuit au cœur de la souveraineté arctique

Manu Kunuk se sent chez lui sur les terres et le littoral d’Iqaluit. (Samuel Wat/Radio-Canada)

Le regard perdu dans l’horizon, Manu Kunuk songe à la manière dont sa ville natale, Iqaluit, est devenue un foyer de tensions géopolitiques.

Malgré l’incertitude actuelle qui règne à l’échelle mondiale, il est convaincu que la voix des Inuit, en particulier celle des jeunes, doit se faire entendre dans les décisions concernant l’Arctique.

« Nous sommes l’avenir du territoire. Nous serons les dirigeants de demain. »

Une citation de Manu Kunuk, jeune Inuit d’Iqaluit

Selon Manu Kunuk, la souveraineté arctique commence par la préservation du territoire et de la population qui y réside.

Selon une perspective coloniale, la souveraineté est souvent associée aux démonstrations de force militaire, aux dépenses en défense nationale et aux projets d’infrastructure.

Cette approche est étrangère aux Inuit, de l’avis de Nolan Qamanirq, un jeune d’Arctic Bay. Il n’existe pas de mot inuktitut correspondant à souveraineté, précise-t-il.

« Aujourd’hui, le terme est vide de sens et est utilisé pour désigner une présence militaire, des autorisations minières et des corridors de transport, plutôt que les priorités des communautés inuit. »

Une citation de Nolan Qamanirq, jeune Inuit d’Arctic Bay

Alassua Hanson trouve que les politiques s’engagent rarement auprès des communautés nordiques. (Samuel Wat/Radio-Canada)

Alassua Hanson a également remarqué des similitudes entre la manière dont le gouvernement fédéral a cherché à asseoir sa souveraineté dans l’Arctique et l’histoire coloniale de la région.

« Le gouvernement avait tenté de s’emparer du Nunavut par le biais des missionnaires, alors que les Inuit souhaitaient simplement préserver leur territoire, dit-elle. »

Avec l’augmentation des discussions sur la souveraineté lors de rassemblements, de conférences et de sommets, Alassua Hanson estime que le sujet de la souveraineté de l’Arctique canadien devrait être abordé plus souvent dans les écoles et les organisations pour la jeunesse.

Absence de communication

Pendant la récente campagne électorale, des représentants des trois principaux partis politiques canadiens ont tous fait le déplacement à Iqaluit pour annoncer des investissements dans les forces armées.

Toutefois, il semble que tous les responsables régionaux n’en aient pas été informés. Par exemple, le premier ministre du Nunavut, P.J. Akeeagok, n’a pris connaissance de l’annonce du Parti conservateur du Canada que le jour même.

Lors de leur passage dans la région en mars, les libéraux ont annoncé leur projet qui consiste à mettre en place des carrefours de soutien opérationnel du Nord, dont un à Iqaluit.

De nombreux dirigeants canadiens considèrent cette ville comme un lieu stratégique pour les missions arctiques, du fait notamment de son aéroport et de son port maritime capable d’accueillir simultanément la marine et l’aviation.

Iqaluit héberge également l’un des principaux sites d’opération avancés des Forces armées canadiennes.

Iqaluit abrite une base d’opérations avancée de l’Aviation royale canadienne. Il s’agit d’une installation de déploiement pour les aéronefs et les équipages de soutien en mission dans le Nord. (David Gunn/Radio-Canada)

Malgré l’importance stratégique que revêt son territoire natal, Manu Kunuk a de la difficulté à trouver des informations pertinentes au sujet des mesures de souveraineté qu’Ottawa a mises en place.

Il souhaiterait qu’il y ait des consultations publiques fréquentes à ce sujet pour que la communauté soit au fait des développements.

C’est aussi le souhait d’Alassua Hanson. Selon elle, les militaires qui viennent à Iqaluit, ainsi que les personnes qui assistent aux conférences sur la sécurité en Arctique, pourraient mieux s’intégrer à la communauté.

« Ils pourraient distribuer des denrées alimentaires et organiser des séances d’information, suggère-t-elle. »

« Ils pourraient être plus présents dans la communauté et engager la conversation avec les résidents, au lieu de tenir des réunions qui durent cinq jours. »

Elle insiste sur le fait qu’il faut donner aux jeunes la chance d’apprendre ce que ces visiteurs ont accompli.

Former des citoyens du monde

Toute sa vie, Geoff Green a eu une passion pour le travail auprès des jeunes. Il a fondé l’organisme Students on Ice, qui propose, depuis 25 ans, des expéditions éducatives alliant science et savoir traditionnel.

Il estime lui aussi que les investissements devraient être davantage orientés vers les jeunes, et pas seulement vers l’armée ou vers des projets d’infrastructure nationaux.

« Sans investissement dans la jeunesse, ce n’est qu’un château de cartes. Ils sont indispensables à une population active, compétente, et pour assurer la relève des dirigeants. »

Une citation de Geoff Green, fondateur de Students on Ice

Geoff Green a fondé Students on Ice il y a 25 ans. (Students on Ice)

Geoff Green propose que le gouvernement mette sur pied du financement pour l’éducation et pour des programmes qui encouragent les jeunes à découvrir leur territoire et à établir des liens avec leurs homologues à l’international : « C’est important de créer ces amitiés. Nous avons besoin de la jeunesse mondiale pour relever les défis mondiaux. »

Il soutient que l’expérience vécue est l’une des formes d’éducation les plus efficaces.

Manu Kunuk partage cet avis. Il a participé à plusieurs forums internationaux, dont l’Assemblée du cercle arctique, l’an dernier, en Islande.

« [Ces expériences] ont ouvert plusieurs portes pour moi, qui vis dans le Nunavut, une région éloignée et isolée, affirme-t-il. »

Pour une véritable souveraineté

De l’avis de Nolan Qamanirq, la véritable souveraineté arctique n’est possible que si le gouvernement fédéral prend en considération les priorités des communautés nordiques.

« La souveraineté ne consiste pas seulement à hisser un drapeau ou à inaugurer un port. C’est aussi le droit d’une communauté d’assurer sa subsistance, de se gouverner elle-même et de transmettre son savoir sans entrave. »

Une citation de Nolan Qamanirq, jeune Inuit d’Arctic Bay

Il ajoute qu’il est nécessaire de développer une nouvelle approche.

Nolan Qamanirq appelle les Inuit à en apprendre davantage sur leurs droits et à faire entendre leur voix. (Photo : Nolan Qamanirq)

Je ne pense pas que nous ayons besoin de plus de programmes de leadership pour les jeunes qui nous apprennent à nous comporter comme des fonctionnaires, croit Nolan Qamanirq.

Il poursuit : « Nous avons besoin de programmes qui nous enseignent nos droits dans notre langue, et qui expliquent ce qui a été négocié dans les revendications territoriales et ce qui a été laissé de côté. »

Cela signifie, selon lui, qu’il faut établir des alliances avec des pays qui partagent les mêmes intérêts et défis.

Si le Canada accordait une importance véritable à la souveraineté en Arctique, il permettrait aux Inuit de resserrer leurs liens avec l’ensemble de la région, sans imposer de filtre politique, note Nolan Qamanirq.

Il explique que, parce que « « ces liens sont plus anciens que les frontières, nous ne devrions pas avoir à demander la permission de les célébrer » ».

Avec les informations de Samuel Wat, et adapté de l’anglais au français par Francis Tessier-Burns

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