Décès d’Angus Beaulieu, légende du violon aux Territoires du Nord-Ouest

Angus Beaulieu avait un incroyable répertoire d’histoires sur la musique et sur les Territoires du Nord-Ouest. (Radio-Canada/Juanita Taylor)

Le violoneux Angus Beaulieu, de Fort Resolution, aux Territoires du Nord-Ouest, est décédé le 10 février à l’âge de 89 ans. Il laisse derrière lui un riche héritage musical qui s’étend sur plusieurs décennies et qui a influencé plusieurs générations de violoneux aux Territoires du Nord-Ouest.

Le musicien métis a été emporté par un cancer, selon son neveu, Tom Beaulieu.

«C’était très paisible. Il s’est endormi et est resté endormi jusqu’à son dernier souffle […] Il n’a pas semblé être en douleur», dit-il.

Angus avait reçu un diagnostic de cancer en 2022. Il aurait célébré son 90e anniversaire en août. Il laisse dans le deuil sa femme Dorothy et toute une communauté d’amateurs de musique qui l’a suivi pendant sa carrière de plus de 70 ans.

Dans une entrevue en 2001, menée par le Musée virtuel sur l’histoire et la culture métisse, Angus Beaulieu raconte qu’il a commencé à jouer du violon vers l’âge de 13 ans, en utilisant le violon que son grand-père, qui l’a élevé, gardait pour les musiciens en visite. Autodidacte, il a appris ses premiers morceaux en écoutant d’autres violoneux lors des danses carrées organisées dans les chaumières de la communauté.

Il s’est procuré son premier violon à 17 ans au magasin de la Baie d’Hudson pour 15 $, une somme amassée en trappant avec son grand-père.

Sa carrière a été maintes fois récompensée. Il a parcouru une grande partie du territoire pour faire entendre son style musical, le genre métis, en solo ou avec son groupe, les Natives Cousins. Dans les dernières années de sa vie, il a continué à jouer dans son salon, en présence de sa femme Dorothy.

Mariés depuis 59 ans, Angus et Dorothy Beaulieu ont joué de la musique ensemble jusqu’à la fin. (Radio-Canada/Juanita Taylor)

Une célébrité aux T.N.-O.

Linda Duford, de l’école de violoneux Kole Crook Fiddle Association, a rencontré Angus Beaulieu pour la première fois lorsqu’elle avait 18 ou 19 ans. «C’était le premier violoneux métis que j’ai rencontré. On est devenus amis et, au fil des ans, on se croisait dans les concerts et les festivals», raconte-t-elle.

La dernière fois qu’elle l’a vu, c’était chez lui, en décembre. «Toute la maison est remplie de violons, de trophées et d’affiches. C’est comme faire un voyage dans le passé.»

La collection d’instruments d’Angus Beaulieu comprend des antiquités, mais aussi des violons qu’il a fabriqués lui-même, comme celui en forme de drapeau métis. (Radio-Canada/Juanita Taylor)

Angus était la personnification même de la musique aux T.N.-O. […] Il avait modifié un clavier pour pouvoir en jouer avec son pied pendant qu’il jouait du violon. C’était la vieille école et la fine pointe de la technologie à l’époque.

– Linda Duford, enseignante de musique à la Kole Crook Fiddle Association

Linda Duford n’hésite pas à dire de lui qu’il est une légende et que son héritage musical restera gravé dans l’histoire des T.N.-O.

«Vous pouvez aller aux quatre coins des Territoires du Nord-Ouest, au Nunavut ou n’importe où. Les gens savaient qui était Angus. Il était unique», ajoute-t-elle.

Angus Beaulieu a ralenti les tournées après avoir subi un accident vasculaire cérébral lors d’un spectacle à Saskatoon, il y a environ huit ans. (Radio-Canada/Juanita Taylor)

Elle note qu’il était aussi comme un musée vivant, toujours prêt à raconter des histoires. «Je ne peux pas dire combien de fois je l’ai visité, mais chaque fois il avait une nouvelle histoire.»

Son histoire préférée est lorsqu’il a remplacé au pied levé un musicien à Hay River, avec un violon sans cordes et sans archet. Angus avait rafistolé des cordes et s’était fabriqué un archet avec une branche d’épinette.

Ce violon, fabriqué à partir d’un débouchoir de toilette, a toujours beaucoup fait réagir les gens. (Radio-Canada/Juanita Taylor)

«Je ne pense même pas qu’il embellissait [ses histoires]. Sa vie était juste fantastique.»

Mme Duford révèle que son association prévoit organiser des événements en août, pour ce qui aurait été son 90e anniversaire. «On veut faire ça en son honneur», précise-t-elle.

Un style unique

Wesley Hardisty, un jeune violoneux déné originaire de Fort Simpson, a eu la chance de rencontrer Angus Beaulieu à l’été 2023 à Fort Resolution avec l’école Kole Crook Fiddle Association.

«J’étais là-bas pendant un peu plus d’une semaine pour enseigner à l’école. Durant cette période, j’ai pu passer du temps avec Angus pour apprendre à vraiment le connaître et c’était juste un moment incroyable», se remémore-t-il.

Angus Beaulieu, 89 ans, est l’un des violoneux les plus célèbres des Territoires du Nord-Ouest. Il pose en compagnie de Simara Wilson, une jeune violoneuse de 18 ans de Hay River. (Photo : Linda Duford)

«Angus [était] un raconteur hors pair, il avait des histoires incroyables de l’époque où tout était différent, au moment il voyageait souvent dans les communautés.»

Il souligne que pour les enseignants de violon et les musiciens de passage à Fort Resolution, aller dire bonjour à Angus était un arrêt obligatoire. «C’était un réel bonheur d’avoir pu partager un peu de musique avec lui, et il a joué un peu de musique pour nous», dit M. Hardisty.

On se souviendra d’Angus Beaulieu pendant très longtemps et c’est une grande perte pour les Territoires du Nord-Ouest, le Canada et le monde des violoneux.

– Wesley Hardisty, musicien professionnel

Selon lui, c’est son style vraiment unique qui a fait de lui une légende. «Il était autodidacte et a appris à l’oreille […] C’était un style très traditionnel […] Il avait un sens incroyable du temps et du rythme.»

Wesley Hardisty se dit honoré d’avoir pu rencontrer Angus Beaulieu de son vivant et compte transmettre son héritage à travers sa propre musique. (Photo : Wesley Hardisty)

Avec ce départ, le jeune violoneux sent que c’est au tour de sa génération de porter le flambeau et de garder son héritage vivant.

«J’ai été inspiré dernièrement par des morceaux d’Angus et j’ai composé une pièce pour rendre hommage à son style. Angus est certainement une grande influence», conclut-il.

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Julie Plourde, Radio-Canada

Vidéojournalise à Yellowknife

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