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Deux fois plus de cas de terrorisme devant les tribunaux en Ontario qu’au Québec

L’Ontario est la province où le plus grand nombre d’affaires criminelles en lien avec le terrorisme sont survenues en 2015 au Canada, soit 60 cas, suivi par 36 cas en Colombie-Britannique et 30 au Québec.

C’est ce qui ressort des données que vient de publier notre agence nationale de la statistique, données qui révèlent aussi une véritable explosion du nombre de cas par rapport à l’année 2014.

En tout, 173 affaires liées au terrorisme en 2015 ont été comptabilisées par Statistique Canada, ce qui représente une augmentation de 126 % par rapport à l’année précédente, qui en avait connu seulement 76.

Dans le rapport de l’agence gouvernementale, on peut lire que 62 affaires de « participation à une activité d’un groupe terroriste » sont survenues au pays en 2015, contre seulement 26 l’année précédente.

On note également une augmentation du « fait de se livrer ou de charger une personne de se livrer à une activité terroriste », avec 15 cas en 2015 contre 6 en 2014.

Aussi, 23 dossiers d’« incitation à craindre des activités terroristes » ont été traités l’an dernier, contre 8 l’année précédente.

L’effet de la nouvelle loi canadienne antiterroriste

Stéphane Leman-Langlois
Stéphane Leman-Langlois, © Radio-Canada

Selon Stéphane Leman-Langlois, professeur à l’École de service social de l’Université Laval et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en surveillance et construction sociale du risque, cette hausse statistique des crimes liés au terrorisme est en partie le résultat de l’adoption, en avril 2015, de la loi antiterroriste C-51 du gouvernement conservateur de Stephen Harper.

Cette loi a ajouté de nouvelles infractions qui redéfinissent ce qu’est un crime lié au terrorisme.

« Ce qu’on appelle du terrorisme ici, ce ne sont pas des attaques avec de la violence, c’est toute une ribambelle d’actes qui sont étiquetés comme « terroristes » parce qu’on a changé la loi plusieurs fois depuis quelques années », prévient M. Leman-Langlois.

Stéphane Berthomet
Stéphane Berthomet © Radio-Canada

Stéphane Berthomet, codirecteur de l’Observatoire sur la radicalisation et l’extrémisme violent, abonde dans le même sens.

« La loi a modifié la définition de ce qui peut être considéré comme du terrorisme afin de s’adapter à une nouvelle réalité.

Avant, on regardait s’il y avait appartenance à une organisation terroriste. Aujourd’hui, on peut être condamné pour terrorisme seulement pour l’action de se rendre à l’étranger avec une intention terroriste », résume-t-il.

Aide-mémoire…
28 personnes auraient quitté le pays pour « participer à une activité d’un groupe terroriste » en 2015, contre 7 en 2014.
L’année dernière avait vu des vagues, rappelons-le, de jeunes gens quitter le Canada pour tenter de rejoindre le groupe armé État islamique (EI) au Moyen-Orient. Des étudiants du Cégep Maisonneuve de Montréal avaient par exemple été interceptés par les policiers à l’aéroport de Montréal en mai 2015.
Le collège était aussi fréquenté par Sabrine Djermane et El Mahdi Jamali qui ont notamment été accusés, toujours en 2015, d’avoir voulu quitter le pays pour commettre un acte terroriste à l’étranger.
-Les statistiques montrent qu’au Québec 7 cas de départ du pays pour « participation à une activité d’un groupe terroriste » ont eu lieu en 2015 (contre 1 en 2014), tout comme 13 affaires de« participation à une activité d’un groupe terroriste » (contre 5 en 2014).

Sabrine Djermane et El Mahdi Jamali
Sabrine Djermane et El Mahdi Jamali

Plus de menaces sérieuses?

À savoir si ces statistiques reflètent une augmentation véritable de la menace terroriste au Canada, les experts répondent par la négative.

« Cela ne veut pas dire que l’activité des gens radicalisés sur le territoire canadien est plus ou moins élevée », explique Stéphane Leman-Langlois. Selon lui, il n’est pas exclu qu’un gouvernement utilise des augmentations des cas rapportés pour durcir ses lois et réduire les libertés civiles des citoyens, quoiqu’il estime que le gouvernement actuel n’a montré aucune inclination dans cette direction pour le moment.

David Christopher

David Christopher

C’est tout de même ce qui inquiète le militant David Christopher, de l’organisme OpenMedia, qui a milité contre le projet de loi C-51. Selon lui, l’étiquette de « terroriste » devient si large qu’elle en perd son sens.

« Depuis C-51, on peut vous associer à la « promotion du terrorisme » si vous faites un documentaire sur les sables bitumineux ou si vous peignez une murale sur la Syrie », avance David Christopher, tout en avouant qu’à sa connaissance, un tel cas n’est pas survenu jusqu’à présent. « C’est un peu le piège, concède l’expert en terrorisme Stéphane Berthomet. À force de réactions législatives, on va finir par appeler « terrorisme » beaucoup plus d’actes qu’avant. »

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Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile compte modifier la Loi antiterroriste le plus vite possible. Crédit photo : PC / Justin Tang

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Crédit photo : PC / Justin Tang

RCI avec La Presse canadienne

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