Sécurité, terrorisme et immigration : le Canada admet des failles dans sa détection des cas problèmes potentiels

À la suite d’incidents récents attirant les soupçons sur l’efficacité des mesures en place pour détecter la présence de terroristes en puissance parmi ceux qui demande l’asile au Canada, le ministre fédéral de la Sécurité frontalière, Bill Blair, vient de reconnaître à la Chambre des communes qu’il y a une accumulation de dossiers en suspens à l’étape du filtrage de sécurité.


Bill Blair (THE CANADIAN PRESS/Chris Young)

Ces délais dans les procédures de vérification touchent aussi les individus qui entrent de façon irrégulière à la frontière canadienne avec les États-Unis.

Le ministre confirme du même coup certaines informations tirées de documents internes, obtenus par l’avocat canadien Richard Kurland en vertu de la Loi sur l’accès à l’information.

Ces documents montrent que, au 28 février 2018, 11 745 demandeurs d’asile étaient en attente d’une seconde étape de filtrage de sécurité, comparativement à seulement 1683 deux ans auparavant, soit une augmentation d’environ 700 %. Le ministre de la Sécurité frontalière soutient que les responsables vérifient l’identité de tous les demandeurs d’asile à la frontière d’abord, et qu’il n’y a donc pas de problème de sécurité de ce côté.

Michelle Rempel, porte-parole conservatrice en matière d’immigration, se demande comment M. Blair peut affirmer qu’il n’y a aucune menace à la sécurité si toutes les personnes en cause n’ont pas encore passé la seconde étape de filtrage.  Ainsi, 41 % des cas de demandeurs d’asile en attente, en février 2018, étaient des personnes vivant déjà Canada, sans enquête approfondie de sécurité de deuxième niveau.

Des événements récents qui soulèvent des inquiétudes

L’équipe de sécurité nationale de la GRC a accusé à la fin janvier un jeune mineur de deux infractions liées au terrorisme dans la ville de Kingston en Ontario – Photo : CBC

Les autorités canadiennes estimaient avoir déjoué un attentat terroriste en arrêtant, en janvier, un jeune d’âge mineur d’origine syrienne à Kingston dans la province de l’Ontario.

Ce mineur est maintenant accusé « d’avoir sciemment facilité une activité terroriste et d’avoir conseillé à une personne de livrer, poser, faire exploser ou détonner un engin explosif dans un lieu public, dans l’intention de provoquer la mort ou des dommages corporels graves ».

Il y a trois semaines, le gouvernement fédéral admettait qu’une personne reconnue comme représentant « un problème de sécurité nationale » avait pu obtenir la résidence permanente « à la suite de défaillances » de la part de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et du ministère de l’Immigration, à la fin de 2017.

Abdullahi Hashi Farah avait un lourd casier judiciaire, des liens avec un gang violent et une longue histoire de violation des conditions de probation. Photo : YouTube

Abdullahi Hashi Farah, un immigrant d’origine somalienne, faisait face à un mandat d’arrêt aux États-Unis et risquait d’être expulsé lorsqu’il est entré illégalement au Canada, à Emerson, au Manitoba, à la fin du mois d’octobre 2017. L’ASFC voulait le maintenir en détention quelques jours de plus, le temps d’obtenir des États-Unis son casier judiciaire complet, mais un agent de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR), impressionné par l’honnêteté de l’homme, avait ordonné sa libération.

Qualifiant de « totalement inacceptable » cette série d’incidents, le ministre canadien responsable de l’ASFC, Ralph Goodale, avait affirmé que « des mesures internes avaient été prises pour corriger ce problème et faire en sorte que cela ne se reproduise plus ».

L’ASFC précisait, jeudi de cette semaine, qu’elle travaille ainsi avec ses partenaires pour éliminer le double emploi et l’inefficacité, tirer profit de la technologie existante et embaucher du personnel supplémentaire. Elle ajoute qu’un montant  additionnel de 6 millions de dollars a été investi en 2018-2019, pour réduir le nombre de personnes en attente d’un contrôle de sécurité.

Elle affirme que ces mesures ont porté fruit, car son programme de contrôles de sécurité de l’ASFC a éliminé l’arriéré des demandes d’asile et a stabilisé ses opérations.

Comment le Canada analyse-t-il les risques à la sécurité des nouveaux arrivants?

Un enjeu des prochaines élections canadiennes?

Le chef du Parti conservateur, Andrew Scheer Photo : Facebook

Andrew Scheer, le chef du Parti conservateur du Canada, demande de réexaminer tout le processus de sélection des immigrants en raison de cette arrestation pour terrorisme. L’immigration et l’accueil des réfugiés étaient sur toutes les lèvres chez les conservateurs fédéraux réunis en caucus à Ottawa cette fin de semaine. Ils se préparent à campagne électorale de l’automne prochain.

S’inquiétant des « dangers du populisme », le premier ministre canadien Justin Trudeau prévenait, le mois dernier, les électeurs de faire attention aux propos alarmistes concernant l’immigration, qui pourrait gagner l’espace public avant les élections fédérales.

Il a lancé cet avertissement lors d’une assemblée publique dans le nord de la province du Nouveau-Brunswick après qu’une jeune ex-réfugiée syrienne l’eut remercié d’avoir permis à sa famille de venir s’établir au Canada.

DÉCOUVREZ : Immigration : le Canada étend son programme de contrôle biométrique à plusieurs pays étrangers

La biométrie utilise les empreintes digitales et la reconnaissance de l’iris ou du visage pour vous identifier. Photo : iStock

RCI avec La Presse canadienne et la contribution de Philippe-Vincent Foisy, Yasmine Mehdi et Isabelle Richer de Radio-Canada et d’Ismaël Houdassine de RCI

CORRECTION : 8 février 2019 à 6:43
Nous avons ajouté la réaction de l’AFSC dans cette affaire. 

En complément

Justin Trudeau prévient les électeurs de se méfier des propos alarmistes sur l’immigration pour le prochain scrutin – RCI 

Immigration : des failles en matière de sécurité inquiètent les conservateurs qui demandent une étude – Radio-Canada 

L’immigration : encore et toujours un enjeu crucial en période électorale – RCI 

Catégories : Immigration et Réfugiés, International, Politique
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