À la lecture attentive de dispositions budgétaires du gouvernement libéral de Justin Trudeau, des avocats et des Canadiens qui travaillent directement auprès des réfugiés se disent consternés par les changements proposés aux lois sur l’asile, les qualifiant d’attaques dévastatrices pour les droits des réfugiés au pays.
Ottawa offrira certes, d’une main, 114 millions de dollars de nouveaux fonds aux provinces et aux villes pour le logement des demandeurs d’asile, mais la nouvelle stratégie frontalière serait beaucoup plus sévère à l’égard des demandeurs d’asile en situation irrégulière.
Le gouvernement Trudeau propose ainsi d’empêcher les demandeurs d’asile de demander l’asile au Canada s’ils ont déjà présenté au moins une demande semblable dans certains autres pays, dont les États-Unis.
Cette nouvelle restriction de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés qui ajoute donc un nouveau motif de non-admissibilité à l’asile se trouve intégrée au projet de loi budgétaire omnibus de 392 pages déposé, lundi soir, aux Communes.
Éviter le « magasinage » de pays d’asile

Bill Blair Photo : CBC
Le ministre canadien de la Sécurité des frontières, Bill Blair, affirme que cette mesure vise à prévenir le « magasinage d’asile ».
« Je peux vous dire que nous avons travaillé très dur au cours des derniers mois pour réduire considérablement le nombre de personnes qui traversent nos frontières de façon irrégulière », a déclaré M. Blair aux journalistes mardi.
« Il y a une bonne façon de venir au pays pour demander l’asile et/ou immigrer dans notre pays, et nous essayons d’encourager les gens à utiliser les voies appropriées et de décourager les gens de le faire de façon irrégulière », a-t-il ajouté.
La nouvelle restriction proposée est fondée sur la croyance que le système de détermination du statut de réfugié au Canada est suffisamment semblable à celui des États-Unis si bien qu’une personne qui est rejetée là-bas est fortement susceptible de l’être ici aussi.
Les réfugiés face à l’incertitude
En vertu des nouvelles dispositions proposées lundi, les demandeurs d’asile jugés inadmissibles à présenter une demande au Canada ne seront pas nécessairement expulsés vers leur pays d’origine. Ils feront toujours l’objet d’un examen des risques pour leur personne afin de déterminer s’il est sécuritaire ou non de les renvoyer.
Des avocats spécialisés en droit des réfugiés affirment que cela les priverait de leur droit légal de faire entendre leur revendication de réfugié par un tribunal indépendant ou une cour, ce qui pourrait alors faire l’objet d’une contestation fondée sur la Charte canadienne des droits et libertés.

Maureen Silcoff
« Pour ce qui est de l’effet sur les réfugiés, l’effet est vraiment incommensurable, car nous donnons maintenant aux revendicateurs du statut de réfugié un processus dégradé à suivre », a dit Maureen Silcoff, présidente du comité des litiges de l’Association canadienne des avocats pour les réfugiés.
« Il est certain que de graves questions liées à la Charte pourraient être soulevées », a affirmé Janet Dench, directrice générale du Conseil canadien pour les réfugiés.
Mme Dench a mentionné qu’elle et ses membres, qui comprennent plus de 100 organisations canadiennes travaillant directement avec les réfugiés et les immigrants, étaient « en état de choc et de consternation et très déçu » par les changements proposés.

Des réfugiés syriens arrivent à Toronto en 2017. Photo : CP
Des voix s’élèvent
L’Association canadienne des avocats réfugiés croit que les droits de la personne n’ont pas leur place dans un projet de loi budgétaire et que c’est antidémocratique.
La porte-parole du NPD en matière d’immigration, Jenny Kwan, s’est fait l’écho de ces préoccupations et a qualifié les changements proposés d’irraisonnables.
Le Parti conservateur, qui a souvent exigé que le gouvernement libéral empêche les étrangers d’entrer au pays pour présenter une demande d’asile, déclare que les changements indiquent que M. Trudeau a « de fait admis qu’il n’a pas réussi à gérer notre frontière ».
RCI avec les informations de Teresa Wright de CBC NEWS
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