« Nous ne pouvons pas répondre à ce que nous ne mesurons pas. La collecte et l'analyse de données permettent aux systèmes de mesurer les expériences différentielles, de tenir compte des disparités et de développer des interventions fondées sur des faits », dit une lettre envoyée aux autorités gouvernementales par une cinquantaine d'organismes et deux centaines de citoyens. (Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers)

COVID-19 : des données sur l’origine ethnique des malades sont exigées

La collecte de données sociodémographiques est une composante essentielle du travail d’élimination des inégalités dans les soins de santé. L’Organisation mondiale de la santé affirme que « pour développer des stratégies de prévention efficaces, les pays doivent améliorer leurs informations ». Nous ne pouvons pas répondre à ce que nous ne mesurons pas. La collecte et l’analyse de données permettent aux systèmes de mesurer les expériences différentielles, de tenir compte des disparités et de développer des interventions fondées sur des faits.Extrait de la lettre envoyée à divers politiciens canadiens
Une cinquantaine d’organismes québécois et une centaine de citoyens se disent « gravement préoccupés » par l’actuel manque des données ventilées sur l’appartenance ethnoculturelle, le sexe, le genre, la classe sociale et la situation de handicap en lien avec la propagation de la COVID-19.
La lettre envoyée aux gouvernements fédéral, provincial et municipal (Montréal) a été signée par une cinquantaine d’organismes qui travaillent directement avec des personnes vulnérables ainsi que par quelques centaines d’individus.
Les signataires arguent que tous les secteurs doivent être mandatés pour recueillir immédiatement des données qui permettront de comprendre les impacts de la pandémie sur certaines populations et mieux planifier les actions conséquentes.
Par ailleurs, disent-ils, les personnes qui soignent les malades, appelées « anges gardiens » par le premier ministre québécois François Legault, sont majoritairement des femmes afrodescendantes, africaines et maghrébines. Cette information, peut-on lire, n’est pas sans conséquence, tout comme les impacts disproportionnés de la COVID-19 sur les personnes âgées.
Comme l’affirment plusieurs spécialistes des réalités autochtones : « Nous devons reconnaître qu’il existe toujours un racisme systémique au sein de la société canadienne qui refait rapidement surface dans de tels événements. Des exemples récents sont survenus où des membres des Premières Nations présentant des symptômes ont été refoulés des hôpitaux, ce qui a non seulement probablement compromis leur propre santé, mais également pu contribuer à propager le virus sans le savoir dans leurs communautés. » Cela vaut pour d’autres types de discriminations systémiques.Extrait de la lettre envoyée à divers politiciens canadiens

Le cas de Montréal-Nord

À Montréal-Nord, le nombre de personnes contaminées par le coronavirus a augmenté de manière fulgurante ces derniers jours. On compte désormais plus de 1000 cas. (Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers)

La missive a été envoyée alors que le quartier de Montréal-Nord, l’un des plus pauvres et des plus multiethniques au Canada, subit les conséquences de la propagation accélérée du virus.
En effet, selon les chiffres disponibles, Montréal-Nord est l’arrondissement avec le plus grand nombre de cas de COVID-19 au pays, soit 1 153, ce qui est très important par rapport à la taille du territoire.
Jeudi, les autorités sanitaires provinciales ont dit qu’elles allaient ouvrir un centre de dépistage dans le quartier dès vendredi pour toute personne présentant des symptômes.
L’arrondissement abrite de nombreux travailleurs de la santé, tels que des infirmières et des aides-soignants.
Le chef de la santé publique du Québec, le Dr Horacio Arruda, a déclaré que jusqu’à jusqu’à 200 travailleurs peuvent avoir ramené le virus de leur travail dans des maisons de soins de longue durée.
« Il y a un point chaud là-bas. Il y a une quantité de travailleurs de la santé… Il y a un risque élevé de vulnérabilité dans ce pays en raison du niveau socio-économique et de l’entassement des personnes dans les familles. »Dr Horacio Arruda lors de la conférence de presse de jeudi

Non loin derrière Montréal-Nord, on retrouve les arrondissements de Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce, avec 1 137 cas, et d’Ahuntsic-Cartierville, avec 1 064 cas.

Les inégalités sociodémographiques en cause

Des citoyens de Montréal-Nord font la file pour entrer dans les commerces. (Photo : Paul Chiasson/The Canadian Press)

Si nous ne traitons pas les inégalités en matière de santé de la population, nous ne freinerons pas efficacement la COVID-19, la santé des uns dépendant de la santé des autres. La gestion de cette crise sanitaire aura un coût humain et un poids différents, non seulement pour les victimes du coronavirus, mais pour les personnes vulnérables qui leur viennent en aide.[/su_quote]
Pour les signataires de cette lettre, la reddition de la collecte de ces informations doit se faire auprès de la population québécoise et non simplement auprès des directions d’établissement, de ministères et d’agences. Dans ce contexte, les organismes et individus derrière la lettre disent exiger aux autorités de réagir promptement.
  • Que soit obligatoire la collecte de statistiques sociodémographiques (sexe, classe, appartenance ethnoculturelle, genre, situation de handicap, âge) dans les services sociaux œuvrant en santé dès maintenant en ce qui concerne la COVID-19.
  • Que soient publiées régulièrement ces données sur le site web des établissements des CISSS (Centre intégré de santé et de services sociaux) et communiquées par courriel à toute personne ou organisation qui s’inscrit aux envois quotidiens.
  • Que soient assurées des voix diversifiées aux tables de prise de décisions fédérales, provinciales et régionales, y compris les tables de bioéthique et de soins critique.
  • [Qu’on priorise] le financement des services de santé pour qu’ils adoptent des pratiques anti-oppressives et offrent des soins de santé fiables lorsqu’ils traitent des populations victimes de discrimination.Extrait de la lettre envoyée à divers politiciens canadiens


Bien que la province ne recueille pas actuellement de données spécifiques basées sur la race, la langue ou le revenu, le Dr Arruda a fait allusion jeudi au fait que la race et le revenu pourraient être en jeu à Montréal-Nord.

« Il y a un risque plus élevé de vulnérabilité dans cette population en raison du niveau socio-économique, à cause de l’entassement des personnes dans les familles. Il y aura un dépistage demain (vendredi) et dans les jours à venir. »Dr Horacio Arruda lors de la conférence de presse de jeudi

Le Centre de recherche-action sur les relations raciales, basé à Montréal, estime que cela ne suffit pas. En entrevue avec CBC News, cet organisme appelle les responsables de la santé publique à suivre l’exemple de Toronto et à collecter des données sur la race, la langue parlée et le revenu des ménages des personnes qui tombent malades de la COVID-19, afin de mieux évaluer les besoins des gens.

Le directeur du groupe, Fo Niemi, a déclaré que les données de santé publique « montrent une explosion exponentielle des cas dans les zones à forte densité multiculturelle et multiraciale » des quartiers qui sont également composés en grande majorité de familles à faible revenu.

Il est important de mentionner qu’à ce jour, la province du Québec et l’île de Montréal en particulier représentent les points les plus chauds de la pandémie au Canada. Vendredi, le Québec compte 27 583 cas confirmés (1856 décès), dont 13 324 sont à Montréal.

Pour en savoir plus :

RCI avec des informations du collectif signataire de la lettre, La Presse canadienne, CBC News.
Catégories : Immigration et Réfugiés, Politique, Santé, Société
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