Le secteur canadien de l'aluminium est à nouveau ciblé par de nouveaux tarifs douaniers américains. Crédit : Istock

Tarifs américains sur l’aluminium canadien :  « contre-mesures de valeur égale »

La vice-première ministre du Canada, Chrystia Freeland, a affirmé que le Canada ne restera pas sans réaction à ces nouveaux tarifs qui interviennent dans un contexte d’incertitudes pour le marché et les travailleurs, en raison de la crise sanitaire.

L’administration américaine a fait savoir jeudi qu’elle imposerait des tarifs douaniers sur certains produits d’aluminium canadiens pour des raisons de sécurité nationale.

Qualifiant ces nouveaux tarifs « d’injustifiés et d’inacceptables », la vice-première ministre du Canada a soutenu qu’il était dans l’intérêt des deux pays de maintenir le statu quo qui prévalait jusque-là en raison des avantages économiques pour les deux partenaires et pour l’industrie nord-américaine de l’aluminium. Ces derniers gagneraient à rester soudés pour faire face à concurrence internationale.

La vice-première ministre du Canada Chrystia Freeland PHOTO : LA PRESSE CANADIENNE / JUSTIN TANG

« L’aluminium canadien ne compromet pas la sécurité nationale des États-Unis. L’aluminium canadien renforce la sécurité nationale des États-Unis depuis des décennies dans le cadre d’une coopération inégalée entre nos deux pays », a dit Chrystia Freeland dans un communiqué.

« Le Canada est un fournisseur fiable d’aluminium pour les fabricants américains générateurs de valeur ajoutée. Le commerce de l’aluminium entre le Canada et les États-Unis est avantageux pour les deux pays d’un point de vue économique depuis longtemps, ce qui a rendu l’industrie nord-américaine de l’aluminium plus compétitive sur la scène internationale », a ajouté Mme Freeland.

Selon Affaires mondiales Canada, les industries canadiennes et américaines d’aluminium sont fortement intégrées et leur commerce combiné est évalué à 14,5 milliards de dollars chaque année. Environ 76 % de la production d’aluminium primaire au Canada sont exportés aux États-Unis. Cette industrie emploie plus de 10 500 travailleurs au Canada et elle contribue pour 4,7 milliards de dollars au PIB national.

« En période de pandémie mondiale et de crise économique, la dernière chose dont les travailleurs canadiens et américains ont besoin est l’imposition de nouveaux tarifs douaniers qui augmentent les coûts pour les fabricants et les consommateurs et qui nuiront à la libre circulation des échanges commerciaux et aux économies des provinces et des États », affirme Chrystia Freeland.

Elle a fait part de la nécessité pour le Canada de se tenir debout pour défendre les intérêts de ses travailleurs du secteur de l’aluminium, en s’appuyant sur une approche pancanadienne pour « lutter contre ces tarifs injustifiés ».

« En réponse aux tarifs douaniers américains, le Canada a l’intention d’imposer rapidement des contre-mesures de valeur égale », a lancé la vice-première ministre.

Un précédent en 2018

Ce n’est pas la première fois que les États-Unis décident d’imposer de nouveaux tarifs sur l’aluminium canadien. Il y a deux ans, l’administration Trump avait imposé des droits de 25 % sur l’acier et de 10 % sur l’aluminium.

Le Canada avait réagi en menaçant d’imposer à son tour des surtaxes ou des contre-mesures semblables non seulement à l’acier et à l’aluminium américains, mais aussi aux divers produits en provenance des États-Unis jusqu’à concurrence de 16,6 milliards de dollars.

Cette réaction musclée du Canada avait entraîné les deux parties vers des négociations qui ont abouti à un accord ayant permis d’éliminer les droits américains.

Depuis, le Canada surveille activement le marché de l’aluminium avec les États-Unis.

Il y a eu une baisse des exportations au cours des derniers mois en raison des restrictions imposées par la pandémie de COVID-19. Ces restrictions ont causé un ralentissement dans le secteur de la construction automobile qui figure parmi les premiers utilisateurs d’aluminium.

Entrée en vigueur de l’ACEUM et relance des activités

Les nouveaux droits de douane américains sont annoncés alors que de belles perspectives s’ouvrent à nouveau sur le marché, avec la reprise des activités économiques qui ont entraîné la hausse de la demande.

Grâce à de nouvelles règles d’origine rigoureuses pour les automobiles, le nouvel accord de libre-échange prévoit que 70 % de l’acier et de l’aluminium achetés par les constructeurs automobiles nord-américains doivent être produits en Amérique du Nord pour qu’un véhicule puisse bénéficier d’un régime d’admission en franchise. Ces règles offrent un avantage concurrentiel à nos travailleurs de l’acier et de l’aluminium en assurant un accès privilégié à l’acier et à l’aluminium canadien. (Source : communiqué du cabinet de la vice-première ministre du Canada)

Il y a quelques semaines, le président et chef de la direction de l’Association de l’aluminium du Canada, Jean Simard, avait souligné l’importance pour le Canada et les États-Unis de travailler en étroite collaboration pour maximiser les gains sur le marché de part et d’autre de la frontière.

Il avait alors mentionné qu’il était important de tirer avantage de l’entrée en vigueur, le 1er juillet, de l’Accord CanadaÉtats-UnisMexique (ACEUM) pour faciliter la relance économique en Amérique du Nord.

Pour l’atteinte de cet objectif, M. Simard avait suggéré aux partenaires de taire tout différend et d’éviter tout nouveau tarif douanier qui favoriserait plutôt les concurrents chinois et russes.

Justin Trudeau, premier ministre du Canada LA PRESSE CANADIENNE / Adrian Wyld

Il rejoignait ainsi les recommandations formulées auparavant par le premier ministre du Canada, Justin Trudeau. Il avait exhorté le président des États-Unis d’abandonner toute idée d’imposer de nouveaux tarifs sur l’aluminium importé du Canada.

« J’ai souligné au président Trump à quel point c’est important d’assurer une relance solide de nos économies. Le fait que ces dérangements à cause de la COVID-19 ont créé des enjeux dans notre industrie d’aluminium nord-américaine, mais que c’est en train de réaligner avec la réouverture manufacturière à travers notre continent, et que j’espérais qu’on allait pouvoir ne pas avoir de tarifs qui allaient venir ralentir une relance économique qui est très importante pour nous deux », avait souligné Justin Trudeau, lors d’un entretien téléphonique avec le président Trump. (Source : La Presse)

Le Canada est le quatrième producteur mondial d’aluminium, avec 2,8 millions de tonnes métriques produites en 2019. Photo : iStock

L’industrie canadienne sur les dents

Les nouveaux tarifs douaniers américains suscitent une levée de boucliers chez les acteurs du secteur au Canada. Ils craignent une baisse de leurs activités et demandent au gouvernement du Canada à sévir au plus vite, avec des mesures de représailles contre les États-Unis à la hauteur des dommages attendus.

C’est le cas des Métallos qui estiment que ces nouvelles impositions s’inscrivent à contre-courant de l’accord conclu le 17 mai 2019 entre le Canada et les États-Unis sur les droits de douane, en vertu de l’article 232 sur l’acier et l’aluminium. Cet accord visait à éliminer tous les droits de douane imposés par les États-Unis sur les importations canadiennes d’acier et d’aluminium, ainsi que tous les droits de douane imposés par le Canada à titre de représailles à la suite de l’action entreprise en vertu de l’article 232 par les États-Unis.

« Trump enfreint l’entente bilatérale survenue en mai 2019 entre nos deux pays qui supprimait la section 232 portant sur les droits de douane ayant pour motifs non fondés la « sécurité nationale » », dit le directeur canadien des Métallos, Ken Neumann.

« La réapparition de cette surtaxe bidon sur l’aluminium canadien menace maintenant des milliers d’emplois au Canada », ajoute M. Neumann dans un communiqué.

Il suggère, comme l’a fait la vice-première ministre, que le Canada réagisse de la même manière, sinon de façon plus virulente à ces nouvelles mesures jugées « inadmissibles » par le président international des Métallos (USW), Thomas M. Conway. Ce dernier croit que « le Canada n’est pas le problème auquel se butent les États-Unis ».

Dominic Lemieux, le président québécois des Métallos, mentionne que le Canada ne devrait pas être « contraint de livrer à nouveau la même bataille ».

« Les producteurs d’aluminium canadiens souscrivent à des pratiques commerciales loyales et ne posent aucune menace à la sécurité nationale des États-Unis », a relevé le directeur des Métallos du Québec, où se trouve la majorité des usines d’aluminium au Canada.

L’Association de l’aluminium du Canada a pris la parole à nouveau pour faire part de sa déception sur ces nouveaux tarifs qui viendront plomber les efforts de relance économique dans une filière qui a connu une baisse des exportations globales de produits primaires de 2,6 % de mai à juin, sans oublier que les importations américaines de métal primaire n’ont de cesse de dégringoler depuis trois ans.

Avec des informations du cabinet de la vice-première ministre du Canada, du Syndicat des Métallos et de l’Association de l’aluminium du Canada.

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Catégories : Économie
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