Certains pharmaciens choisissent de ne pas vendre le Tylenol 1, qui contient de la codéine, pour répondre à une crise des opiacés, mais la vente sans ordonnance de ces médicaments ne'est pas interdite au Canada. (Photo : CBC)

Les antidouleurs avec codéine dangereux pour les enfants. Et pour les adultes?

Puisque la consommation d’opioïdes à un jeune âge peut contribuer à l’apparition de problèmes de consommation de substances plus tard dans la vie, Santé Canada a avisé les Canadiens à la fin de juillet que les personnes de moins de 18 ans ne doivent pas utiliser des produits analgésiques vendus sans ordonnance et contenant de la codéine, un opioïde.

Auparavant, les médicaments antidouleur en vente libre et contenant de la codéine n’étaient pas recommandés pour les jeunes de moins de 12 ans.

Cela serait-il recommandable pour les personnes de 18 ans et plus?

Non, dit le Dr David Juurlink. Il ne croit pas que la recommandation de Santé Canada va assez loin.

« Rien de magique n’arrive à 18 ans qui rende la prescription de codéine rationnelle ou recommandée. La codéine ne fait rien si elle n’est pas convertie par le corps en morphine. La capacité à le faire est déterminée génétiquement. Certaines personnes ne peuvent pas le faire, d’autres le peuvent, et d’autres encore le peuvent VRAIMENT. Cela implique qu’une dose connue de codéine équivaut à une dose inconnue de morphine. Il s’agit simplement d’un médicament qui, intrinsèquement, n’a pas de sens. Il convient d’ajouter que Santé Canada autorise toujours la vente de codéine à faible dose sans ordonnance au Canada. » Dr David Juurlink, pharmacologue, toxicologue et chercheur en sécurité des médicaments

Selon le Dr Juurnick, les médicaments contenant de faibles doses de codéine sont trop souvent mal utilisés. Il fait remarquer qu’il est « possible de ressentir un effet euphorisant si on en prend en grande quantité ». Il souligne aussi que ces produits peuvent entraîner des surdoses et d’autres problèmes de santé, par exemple des lésions du foie.

Les opioïdes, comme la codéine (dans Tylenol 1, 3 et 4 ), l’oxycodone, la morphine, l’hydromorphone (Dilaudid) et le fentanyl, constituent une catégorie de médicaments habituellement prescrits pour soulager la douleur.

Parmi les autres utilisations médicales figurent le soulagement de la toux et de la diarrhée, et le traitement de la dépendance à d’autres opioïdes. Comme ils produisent un état d’euphorie, ils sont parfois consommés en quantités excessives.

En outre, la codéine en vente libre est souvent combinée à l’acétaminophène ou à l’acide acétylsalicylique, ce qui est aussi préoccupant en raison de la toxicité de ces associations, surtout à forte dose.

Source : Centre de toxicomanie et de santé mentale du Canada (CAMH)

Les inquiétudes ne sont pas nouvelles 

En 2017, en raison du décès d’enfants ayant reçu de la codéine après une opération, la Food and Drug Administration des États-Unis et Santé Canada ont émis des avis pour les moins de 12 ans.

Le gouvernement canadien avait alors annoncé qu’il allait proposer de rendre les pilules avec de la codéine en vente libre exclusivement sur ordonnance après des années de pression.

Selon Santé Canada, 1300 personnes sont admises chaque année en traitement pour une dépendance à la codéine en vente libre, seule ou avec d’autres drogues.

Cette même année, l’Association médicale canadienne avait présenté un mémoire en réponse à l’avis publié par Santé Canada offrant
aux intervenants intéressés la possibilité de formuler des commentaires sur les éventuels risques, avantages et autres incidences de la codéine. L’Association avait rapidement exigé que tous les produits contenant de la codéine soient vendus uniquement sur ordonnance.

« On a exprimé de sérieuses préoccupations au cours des dernières années au sujet de la sécurité de cette pratique. Une analyse documentaire des cas d’abus des médicaments en vente libre dans plusieurs pays a permis de constater l’existence d’un problème reconnu à l’échelle internationale et mettant en cause tout un éventail de médicaments potentiellement préjudiciables, dont les médicaments à base de codéine. Les médecins aident leurs patients à gérer la douleur aiguë et chronique, de même que les dépendances, et c’est pourquoi nous nous inquiétons depuis longtemps des préjudices associés à l’utilisation des opioïdes, dont la codéine. La codéine seule est un analgésique médiocre que l’on peut remplacer par d’autres substances plus efficaces. »Extrait du mémoire de l’Association médicale canadienne

L’Association avait aussi expliqué que des facteurs génétiques peuvent en outre avoir une incidence importante sur le métabolisme de transformation de la codéine en morphine et produire des concentrations variables du médicament d’une personne à l’autre, ce qui peut avoir des conséquences graves, même aux doses habituelles, surtout chez les enfants.

« La codéine peut provoquer une dépendance. Les études montrent que l’on assiste à une hausse de l’utilisation non thérapeutique de la codéine, notamment dans ses formulations accessibles sans ordonnance, ce qui entraîne une augmentation de la morbidité et la mortalité ainsi que des coûts sociaux. » Extrait du mémoire de l'Association médicale

Une étude australienne avait d’ailleurs signalé que les décès liés à la codéine (avec et sans toxicité attribuable à d’autres médicaments) s’accroissent à mesure de l’augmentation de la consommation de produits à base de codéine.

Les données de la province canadienne de l’Ontario révèlent qu’entre 2011 et 2014, plus de 500 personnes ont entrepris un traitement à la méthadone pour contrer leur dépendance à la codéine en vente libre.

(Photo : Hailshadow/iStock)

En 2019, le Collège des pharmaciens de la Saskatchewan avait fait part de ses inquiétudes quant à la vente sans ordonnance de ce genre de médicament qui, si utilisé en excès, peut créer une dépendance.

D’ailleurs, déjà en 2010, le Journal de l’Association médicale canadienne lançait une mise en garde contre la codéine, expliquant que, même si cet antidouleur est considéré comme sécuritaire, il peut être mortel, même à la dose recommandée.

Les nouvelles mesures au Canada

L’avis de Santé Canada est le prolongement d’un précédent avis aux Canadiens qui déconseille l’utilisation de produits contre la toux et le rhume contenant des opioïdes chez les personnes de moins de 18 ans, y compris la codéine.

Trois opioïdes d’ordonnance sont autorisés pour traiter les symptômes de la toux au Canada : la codéine, l’hydrocodone et la norméthadone. La codéine est également offerte sans ordonnance dans des formulations à faible dose pour traiter la toux et le rhume.

L’examen effectué par Santé Canada révèle qu’il y a très peu de données confirmant l’efficacité de ces produits chez les moins de 18 ans.

En outre, Santé Canada a aussi demandé aux fabricants de mettre à jour les renseignements sur l’innocuité de leurs produits pour tenir compte de sa recommandation selon laquelle les enfants et les adolescents ne doivent pas utiliser ces produits.

Santé Canada dit vouloir continuer d’encourager les patients, les parents et les soignants à consulter un professionnel de la santé au sujet de l’utilisation de produits analgésiques sur ordonnance contenant de la codéine ou d’autres opioïdes.

Avec les informations de Santé Canada, Journal de l'Association médicale canadienne, Association médicale canadienne, CBC News, Centre de toxicomanie et de santé mentale du Canada. 

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