L'une des personnes dans cette situation est Mamadou Konaté, qui travaillait dans un Centre d'hébergement de soins de longue durée (CHSLD) durant la première vague de la pandémie. (Photo soumise par Amelia Orellana, membre du groupe Solidarité avec Mamadou)

COVID-19 | Des travailleurs de foyers de soins risquent la déportation

En août, une voie rapide vers la résidence permanente pour les demandeurs d’asile travaillant en première ligne dans la lutte contre le covid-19 a été conclue entre les gouvernements du Québec et du Canada. Cependant, pour accéder au Programme spécial des demandeurs d’asile en période de COVID-19, il fallait avoir donné des soins directs aux patients. Ainsi, on estime à 3000 le nombre de personnes à Montréal qui risquent encore d’être déportées, même si elles travaillaient dans des foyers de soins au plus fort de la crise.

L’une des personnes dans cette situation est Mamadou Konaté, qui travaillait à l’entretien sanitaire dans un Centre d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) durant la première vague de la pandémie. Depuis le 16 septembre, M. Konaté est retenu au Centre de surveillance pour immigrants de Laval, au nord de Montréal.

La privation de sa liberté a été maintenue le 24 septembre, à la suite d’une audience de révision devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada.

« Aux audiences de révision de la détention de Mamadou Konaté, un représentant de l’ASFC [Agence des services frontaliers du Canada] a affirmé que les déportations ont repris leur cours. Cela a convaincu le membre du Conseil de maintenir la détention de Mamadou.

Toutefois, cette décision n’a pas été rendue publique. Il est essentiel que l’ASFC confirme ou démente immédiatement si elle reprend les déportations durant une période où notre propre gouvernement nous met en garde même contre les voyages interprovinciaux. »Amelia Orellana, une membre de Solidarité avec Mamadou Konaté.

Mamadou Konaté a fui la Côte d’Ivoire après avoir été victime des conflits armés qui y ont sévi à partir de 2002. Il a été reconnu comme réfugié par la Croix-Rouge et est arrivé au Canada en 2016. Depuis le début de la pandémie de la COVID-19, Mamadou fait partie de ceux que le gouvernement nomme « les anges gardiens » en assurant l’entretien et le nettoyage des CHSLD. Mamadou a contracté la COVID-19 en avril dernier du fait de son rôle de travailleur de première ligne. Mamadou a travaillé dans les CHSLD du mois de mars jusqu’à sa détention, mercredi 16 septembre 2020. (Photo : Amelia Orellana, membre du groupe Solidarité avec Mamadou)

Une page Facebook a été créée en solidarité avec Mamadou Konaté, le travailleur migrant employé en CHSLD, qui est menacé de déportation.

Par ailleurs, samedi à Montréal, quelques dizaines de personnes ont manifesté à nouveau pour qu’un programme de régularisation complet soit offert par les gouvernements provinciaux et fédéral.

Les déportations n’ont pas complètement arrêté pendant la pandémie

RCI a demandé à communiquer avec l’Agence des services frontaliers du Canada pour demander de confirmer ou démentir si les renvois des demandeurs d’asile non acceptés ont repris suite à la pause imposée par la pandémie. L’ASFC a expliqué qu’avant la mise en œuvre des mesures frontalières renforcées en réponse à la COVID-19, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) s’efforçait de renvoyer les personnes dès que possible, conformément à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. La pandémie a changé les choses à plusieurs niveaux, mais il y a d’autres mesures, comme le renvoi, qui se poursuivent selon les besoins.

Depuis le 15 mars 2020 (c.-à-d. après la mise en œuvre des mesures frontalières renforcées en réponse à la COVID-19), l’ASFC a continué à exécuter un nombre et un type de renvois plus limités. Le renvoi des cas graves d’inadmissibilité (criminalité, sécurité, violations des droits internationaux ou des droits humains, et crime organisé) se poursuit, au cas par cas, à la suite d’évaluations, ainsi que le renvoi de ceux qui souhaitent quitter le Canada volontairement malgré la pandémie mondiale actuelle. Les renvois exécutés aux points d’entrée et par voie administrative en vertu du paragraphe 240(3) du RIPR se poursuivent également. Tous les autres cas sont effectivement en attente en raison de la situation mondiale actuelle.Louis Carl Brissette Lesage, porte-parole de l'ASFC

L’ASFC rappelle que le renvoi d’une personne du Canada se fait après « une série complexe de processus et de mécanismes de recours qui accordent aux ressortissants étrangers des privilèges d’application régulière de la loi ». Ce n’est qu’après l’épuisement de ces processus que l’ASFC peut renvoyer une personne du Canada.

Selon l’agence, afin de concentrer ses ressources en fonction des besoins, elle donne priorité au renvoi de personnes du Canada sous l’angle de la sécurité et de la sûreté, comme suit :

    • Priorité 1 – Cas graves d’inadmissibilité (c’est-à-dire criminalité, sécurité nationale, crimes de guerre ou violations des droits humains, et crime organisé) et demandeurs d’asile migrants déboutés en situation irrégulière;
    • Priorité 2 – Tous les autres demandeurs d’asile déboutés;
    • Priorité 3 – Toutes les autres inadmissibilités.

Afin de savoir si le cas de Mamadou Konaté est une exception ou s’il y a plusieurs autres cas de demandeurs d’asile retenus dans les centres de surveillance de l’immigration au pays qui ont travaillé dans de foyers de soins lors de la première vague de la pandémie, nous avons également posé la question aux services frontaliers.

L’ASFC ne répertorie pas les statistiques des personnes en détention selon leur emploi.

« Ce que nous pouvons vous donner comme statistique est que depuis le début de cette pandémie, l’ASFC a constaté une diminution du nombre de personnes en détention au Canada, soit une baisse de 62 %  – de 353 personnes en détention le 17 mars 2020 à 132 le 16 septembre 2020. Au 16 septembre 2020, le nombre combiné de personnes détenues dans les Centres de surveillance de l’immigration était de 31, dont 12 à Laval. » Louis Carl Brissette Lesage, porte-parole de l'ASFC

Le porte-parole de l’Agence des services frontaliers du Canada a également souligné que compte tenu de la situation actuelle de la COVID-19, l’agence a mis en place « des mesures temporaires » en lien avec la détention et qu’elle examine des solutions de rechange à la détention. « La détention ne doit être envisagée que dans des circonstances exceptionnelles et lorsqu’aucune autre solution raisonnable ne peut être mise en œuvre», a-t-il signalé.

« Les agents sont incités à concentrer leurs efforts sur l’exploration de toutes solutions de rechange viables à la détention pour tous les cas, lorsqu’il n’y a pas de problème de sécurité publique. De plus, les agents doivent continuer à documenter clairement les facteurs qu’ils ont pris en considération pour effectuer leur décision de détention ou de mise en liberté. » Louis Carl Brissette Lesage, porte-parole de l'ASFC

Plaidoyer pour la régularisation

L’ancienne juge canadienne Louise Arbour a dit qu’il est difficile de savoir combien de personnes pourraient être jugées comme étant en situation irrégulière au pays. Cependant, iI est temps, selon elle, de régulariser ces personnes, qu’on ne retrouve pas dans les statistiques officielles. (Photo : THE CANADIAN PRESS/Jacques Boissinot)

La juge à la retraite de la Cour Suprême du Canada et ancienne représentante spéciale des Nations unies pour la migration internationale, Louise Arbour, a plaidé récemment pour une régularisation généralisée des personnes qui se trouvent au Canada en situation d’irrégularité.

Dans le cadre d’une discussion publique qui s’est tenue à la mi-septembre et dont le journaliste économique de Radio-Canada a fait état, Mme Arbour a expliqué que sa proposition se base sur le fait que, selon elle, nombre de migrants sont en attente depuis longtemps d’un statut migratoire au Canada et des personnes dont le visa est arrivé à échéance se trouvent encore en sol canadien.

« On a une occasion unique de faire des choses que le Pacte mondial sur la migration recommande de faire. Favoriser la mouvance migratoire régulière et essayer de mieux gérer la mouvance migratoire irrégulière, ce qu’on appelle souvent, et c’est scandaleux qu’on dise ça, les ‘migrants illégaux’. » Louise Arbour

Louise Arbour a aussi dit qu’il est difficile de savoir combien de personnes pourraient être jugées comme étant en situation irrégulière au pays. 

« On n’a pas de chiffres. Il y en a qui sont peut-être là depuis un an ou deux. Il y en a qui sont peut-être là depuis la pandémie […] Il y en a qui sont peut-être ici depuis 20 ans. Où sont-ils? »Louise Arbour

Il est temps, selon elle, de régulariser ces personnes qu’on ne retrouve pas dans les statistiques officielles.

« Ils sont dans l’économie informelle, ils sont au noir », a noté Mme Arbour.

Avec des informations du groupe Solidarité avec Mamadou Konaté et de l' Agence des services frontaliers du Canada. 

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