Depuis le printemps 2020, plusieurs demandeurs d’asile sont au front pour combattre la COVID-19 dans les centres d’hébergement et de soins de longue durée du Québec ainsi que dans d’autres établissements de santé où le manque de main-d’œuvre est criant. (Photo : iStock/FatCamera)

Demandeurs d’asile : le statut permanent réservé aux aides-soignants est-il suffisant?

Une mesure exceptionnelle pour une situation exceptionnelle. C’est ainsi que le ministre canadien de l’Immigration a présenté l’entente conclue entre son gouvernement et celui de la province du Québec dans le but de « remercier » les demandeurs d’asile qui, en pleine pandémie de COVID-19, ont prodigué des soins de santé. 

« Le gouvernement reconnaît la contribution extraordinaire des demandeurs d’asile travaillant dans le secteur des soins de santé au cours de la pandémie de COVID‑19, en particulier dans les établissements de soins de longue durée. Les circonstances actuelles justifient la prise de mesures exceptionnelles en reconnaissance des services rendus au cours de la pandémie par ces personnes qui font face à un avenir incertain au Canada. »Marco Mendicino, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté

Ce n’est pas assez

Le collectif Solidarité sans frontières se bat depuis des années pour « un statut pour tous et toutes ». Cela est pour eux « plus qu’un slogan », voilà pourquoi selon cet organisme bien que les mesures annoncées aujourd’hui soient un pas dans la bonne direction, elles ne vont pas assez loin.

« Dans cette période de pandémie mondiale, nous voyons une nouvelle occasion de mettre en place un programme de régularisation complet pour tous les sans-papiers, les réfugiés, les travailleurs temporaires étrangers (dont les aides familiales, les travailleurs agricoles, etc.), les étudiants étrangers, quel que soit leur pays de naissance, la couleur de leur peau, leur religion, leur sexe, leur âge, leur capacité ou leur passé juridique sans aucune exception, et avec un plein respect de la réunification des familles. »Hady, migrant à statut précaire, membre de Solidarité sans frontières

(Photo : Solidarité sans frontières)

Avant de répondre à nos questions, cette militante a consulté d’autres personnes de l’organisme et des sans-papiers pour convenir que le statut pour tous et toutes est un principe humain avant tout. 

« Nous le revendiquons au nom de la dignité et de l’égalité des humains. Tout le monde doit et mérite de se retrouver, se rattraper de tout ce qu’il a enduré et souffert et d’avoir la chance de réussir comme les autres. Nous sommes tous des humains à part entière avec des potentiels, des qualités et des défauts. Et tous les êtres humains ont droit à la même chance et aux mêmes avantages. Quelle créature ne doit pas exister? Les “criminels”? Le mouvement Black Lives Matter apprend à la majorité à se méfier de ce type de catégorisation […] Pourquoi cette discrimination envers les migrants? En tout cas, ils sont là et ils y resteront, et les maintenir dans cette situation de non-droit est non seulement une honte pour le Canada, mais une absurdité. Il n’y aura pas de justice et d’égalité au Canada sans leur accorder la résidence permanente. »Mamadou, migrant à statut précaire, membre de Solidarité sans frontières

Un programme unique

Le programme présenté vendredi par le ministre de l’Immigration ne sera redirigé ou encore répliqué. Les critères d’admissibilité sont d’ailleurs très précis :

  • avoir présenté une demande d’asile avant le 13 mars 2020;
  • avoir obtenu un permis de travail après avoir présenté une demande d’asile;
  • avoir travaillé, dans le secteur des soins de santé, dans des établissements de soins de santé (par exemple, les hôpitaux, maisons de soins de longue durée, soins à domicile par une organisation ou une agence, résidences avec services d’assistance personnelle);
  • avoir travaillé dans une profession désignée pendant au moins 120 heures entre le 13 mars et le 14 août 2020. Les professions désignées visées par cette mesure spéciale sont les suivantes : préposés aux bénéficiaires, infirmiers/infirmières, aides-infirmiers/aides‑infirmières, associés au service de soins aux patients et aides aux préposés aux bénéficiaires et les travailleurs de soutien à domicile;
  • démontrer qu’ils possèdent 6 mois d’expérience dans la profession désignée avant d’obtenir la résidence permanente. Les demandeurs auront jusqu’au 31 août 2021 pour acquérir cette expérience;
  • détenir un Certificat de sélection du Québec (CSQ) si la demande est présentée avec l’intention de résider au Québec;
  • satisfaire aux exigences d’admissibilité actuelles, notamment en matière de criminalité, de sécurité et de santé.

Ce n’est pas une amnistie

Étant donné que sa coalition d’organismes considère la mesure annoncée comme étant insuffisante, nous avons demandé à Sophie, migrante à statut précaire et membre de Solidarité sans frontières pourquoi les Canadiens devraient être prêts à accepter une amnistie migratoire « pour tous ». D’abord, elle nous a rappelé que sa coalition ne considère pas qu’une régularisation pour tous soit une amnistie, car il n’y a rien à pardonner. 

« Rechercher une vie meilleure en traversant les frontières qui maintiennent en place les inégalités mondiales est non seulement compréhensible, mais louable. Croit-on que les gens quittent leur pays par plaisir? Il  y en a qui ont tout laissé pour fuir la mort […] Bien sûr, il faudra aussi réfléchir aux raisons qui amènent certains à même prendre le risque de mourir dans les océans, le désert ou des forêts, et à se séparer de leurs familles pendant des années. »Sophie, migrante à statut précaire, membre de Solidarité sans frontières

Depuis le printemps 2020, des milliers de demandeurs d’asile sont au front pour combattre la COVID-19 dans les centres d’hébergement de soins de longue durée du Québec ainsi que dans d’autres établissements de santé où le manque de main-d’œuvre est criant.

Des personnes ayant travaillé dans le secteur de la santé, mais n’ayant pas prodigué de soins directs ne sont pas admissibles à ce programme. Les sans-papiers, les travailleurs agricoles, les aides familiales, les étudiants internationaux, tout comme les réfugiés travaillant dans les CHSLD dans d’autres postes, dont à l’entretien, à la cuisine, à la sécurité ou dans d’autres secteurs, sont tous exclus du programme. (Photo : iStock/IVAN ARAGON ALONSO)

À la fin mai, le premier ministre du Québec, François Legault, a demandé au ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) de travailler de concert avec le gouvernement fédéral pour trouver une façon d’accueillir des personnes au Québec de façon permanente.

« Depuis maintenant plusieurs semaines, notre gouvernement cherchait un moyen pour permettre aux « anges gardiens » de s’établir de façon permanente au Québec. Le programme que nous vous présentons est le fruit d’une collaboration constructive entre le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada. Nous pouvons maintenant agir concrètement pour reconnaître la participation et la contribution des personnes qui ont demandé l’asile à l’effort collectif pour prendre soin des malades et des aînés durant la pandémie de la COVID-19. »Nadine Girault, MIFI

Des personnes ayant travaillé dans le secteur de la santé, mais n’ayant pas prodigué de soins directs ne sont pas admissibles à ce programme.

Selon Solidarité sans frontières, il y a des centaines de milliers de migrants sans statut au Canada, mais ce programme rejoindra moins d’un millier de personnes. Et plusieurs d’entre eux étaient de toute façon à la veille d’être acceptés ou protégés par un moratoire sur les déportations.

Les sans-papiers, les travailleurs agricoles, les aides familiales, les étudiants internationaux, tout comme les réfugiés travaillant dans les CHSLD dans d’autres postes, dont à l’entretien, à la cuisine, à la sécurité ou dans d’autres secteurs, sont tous exclus du programme.  


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