Le parrainage de réfugiés par des organismes Québécois est suspendu pour « préoccupations sérieuses » (Bilal Hussein/Associated Press)

Fraude : parrainage de réfugiés par des organismes québécois suspendu pour un an

Le gouvernement du Québec vient d’annoncer la suspension pour au moins un an de tous les parrainages collectifs de réfugiés proposé par des organismes, comme des congrégations religieuses. Il dit avoir des « préoccupations sérieuses » quant à l’intégrité de certains de ces groupes.

Action réfugiés Montréal

La suspension temporaire vient d’être décrétée par le gouvernement Legault jusqu’au 1er novembre 2021. Aucun organisme, ni à Montréal (principal pôle d’attraction des réfugiés au Québec) ni à l’extérieur de la métropole, ne pourra effectuer une demande de parrainage de réfugiés au cours de la prochaine année. Le Québec accueille 750 réfugiés par année.

Cette modification surprise et fondamentale dans le monde québécois de l’immigration a pourtant été initialement présentée de manière sobre et laconique dans la Gazette officielle. On y lisait qu’il a « des préoccupations sérieuses concernant l’intégrité de certaines pratiques de personnes morales dans le cadre du Programme des personnes réfugiées à l’étranger (parrainage collectif) ».

Le gouvernement avait cependant indiqué mercredi, dans un communiqué du ministère québécois de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI), que jusqu’en novembre 2021, seuls des groupes de deux à cinq « personnes physiques » pourraient dorénavant présenter une demande de parrainage d’un réfugié étranger, du 6 avril au 5 mai 2021.

Explications du gouvernement québécois

Zainab et Ibrahim Tonbari qui ont fui la Syrie avec leurs quatre enfants, Hilal, 18 mois, Bilal, 6 ans, Houda, 3 ans, et Noura, 7 ans. (Susan Ormiston/CBC)

Le MIFI affirme dans un communiqué entretenir des soupçons quant à l’existence de cas de fraude. Il évoque des enquêtes pénales et administratives en cours à la suite d’allégations sérieuses qui mettent en cause l’intégrité des actions de certains organismes pour la protection des personnes réfugiées.

Le ministère estime que la période de suspension d’un an de cet aspect de sa politique de parrainage va lui permettre de mener à terme des enquêtes et d’apporter des modifications au programme.

Toutes les grandes organisations, y compris les groupes confessionnels et à but non lucratif, qui parrainent des réfugiés depuis des années sont exclues. Sans leur parrainage, les conséquences s’annoncent dévastatrices pour les réfugiés qui, par définition, sont des gens dans une situation précaire et urgente.

Une majorité de réfugiés venant d’Amérique latine sont particulièrement vulnérables, car le parrainage d’organismes religieux québécois est généralement clef.

Réactions des groupes d’aide aux réfugiés

Paul Clarke (Action réfugiés Montréal)

Paul Clarke, directeur d’Action réfugiés Montréal, un organisme sans but lucratif qui parraine des réfugiés depuis les années 1990, qualifie de malheureuse cette abrupte décision du gouvernement, car elle projette sur tous les organismes comme le sien un voile de suspicion.

C’est injuste selon lui de punir son organisation pour des erreurs présumées d’autres groupes. « Ils utilisent un marteau, alors qu’ils devraient utiliser un scalpel », dit-il.

Le porte-parole de Québec solidaire en matière d’immigration, Andrés Fontecilla, abonde dans le même sens. « Ce n’est pas parce que des soupçons d’irrégularités pèsent sur quelques groupes que nous devons pénaliser tous les organismes qui travaillent auprès des personnes réfugiées », dit-il.

Me Guillaume Cliche-Rivard, président de l’Association québécoise des avocats en droit de l’immigration, formule la même critique. Il se demande pourquoi des organismes qui œuvrent avec régularité et honnêteté depuis 20 ou 30 ans sont également pénalisés.

Stephan Reichhold, directeur de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes, se dit inquiet pour l’ensemble de la réputation des organismes et du programme de parrainage lui-même. « On punit toute la classe. On est sous le choc. C’est très injuste », mentionne-t-il.

Le Canada a reçu plus de réfugiés que tout autre pays en 2018, selon l’ONU. Le Canada a accueilli 28 100 des 92 400 réfugiés qui ont été réinstallés dans 25 pays en 2018. (Paul Chiasson/La Presse canadienne)

L’Entente sur les tiers pays sûrs est maintenue

Une autre annonce faite cette semaine au fédéral risque d’avoir un profond impact sur les réfugiés qui se présenteront par exemple à la frontière canado-américaine pour demander le refuge ici.

En vertu d’ententes, le Canada reconnaît divers pays comme les États-Unis comme étant des pays sûrs (politiquement, économiquement et socialement) où les réfugiés peuvent donc trouver une protection adéquate. Cela signifie dans les faits que le Canada peut refouler un demandeur du statut de réfugié africain par exemple qui arrive à un point d’entrée terrestre officiel de la frontière canado-américaine, en vertu du fait que l’on considère que cette personne aurait dû faire cette demande de refuge aux États-Unis, où il était d’abord arrivé.

Les demandeurs d’asile empruntent un chemin aux États-Unis pour entrer au Québec à la frontière entre les États-Unis et le Canada en 2017. CHRISTINNE MUSCHI / REUTERS

En juillet 2020, la Cour fédérale avait décidé que l’Entente sur les tiers pays sûrs conclue en 2004 entre les États-Unis et le Canada violait les droits des personnes qui tentaient d’entrer au Canada parce qu’elles pouvaient être détenues par les autorités américaines. Le gouvernement canadien avait alors annoncé qu’il faisait appel de la décision.

La Cour d’appel fédérale vient de conclure cette semaine que l’entente particulière canado-américaine sur les réfugiés pourra pour le moment rester en vigueur jusqu’à ce que le tribunal entende sa contestation sur le fond par un groupe de plaignant qui affirme que l’entente met en péril et fragilise les réfugiés. Le juge David Stratas s’est donc rangé du côté des arguments du gouvernement canadien pour maintenir au-delà de janvier l’Entente sur les tiers pays sûrs.

Plusieurs avocats des réfugiés refoulés à la frontière canadienne affirment que les États-Unis ne peuvent plus être considérés comme un pays « sûr » sous Donald Trump, qui a adopté une ligne dure à l’égard de l’immigration légale et illégale et des demandeurs d’asile.

LISEZ AUSSI : Nouveautés pour les demandes d’immigration permanente au Canada et au Québec

Le Canada a annoncé que des points supplémentaires seront désormais accordés aux candidats francophones et bilingues du programme d’Entrée express au Canada. L’objectif est d’aider le gouvernement libéral à atteindre sa cible de 4,4 % d’immigrants francophones hors Québec, d’ici 2023.

RCI avec La Presse canadienne et Radio-Canada

Catégories : Immigration et Réfugiés, International, Politique, Société
Mots-clés : , , , , , , , , , , ,

Vous avez remarqué une erreur ou une faute ? Cliquez ici !

Pour des raisons indépendantes de notre volonté et, pour une période indéterminée, l'espace des commentaires est fermé. Cependant, nos réseaux sociaux restent ouverts à vos contributions.