Le ministre canadien des Affaires étrangères est d’avis que certains propos de politiciens du pays qui sont trop acerbes envers la Chine pourraient nuire aux efforts du Canada pour libérer deux Canadiens détenus arbitrairement par Pékin.
Les deux hommes, Michael Kovrig et Michael Spavor sont emprisonnés en Chine depuis près de deux ans en représailles apparentes à l’arrestation par le Canada d’une dirigeante de la compagnie Huawei après une demande d’extradition des États-Unis.
Lundi, alors qu’il témoignait devant la commission des relations Canada-Chine de la Chambre des communes, François-Philippe Champagne a exhorté les députés à garder à l’esprit le sort de Michael Spavor et de Michael Kovrig lorsqu’ils évoquent les gestes du régime communiste chinois.
« Je sais que certains aiment parler durement de la Chine », a déclaré M. Champagne à la commission. À ceux qui sont séduits par cette vision unidimensionnelle, je dis ceci : s’il est facile d’être dur, continuons à être intelligents. Ne tombons pas dans la tentation d’une rhétorique dure et irresponsable qui ne produira aucun résultat tangible pour Michael Kovrig et Michael Spavor, nos agriculteurs et entrepreneurs, et les victimes et défenseurs des droits de l’homme. »
Le Canada exhorte la Chine à cesser la répression contre les élus hongkongais
L’alliance « Five eyes » (le Groupe des cinq »), regroupant les services de renseignement de cinq pays, dont le Canada, accuse la Chine de mener une action concertée pour faire taire les critiques du gouvernement à Hong Kong.
Les conservateurs haussent le ton et augmentent la pression
L’appel de M. Champagne survient une semaine après l’adoption par la Chambre des communes d’une motion non contraignante des députés du Parti conservateur qui exige que le gouvernement libéral minoritaire de Justin Trudeau décide avant le 18 décembre si la compagnie Huawei pourra ou non participer au développement du réseau sans fil 5G de prochaine génération au pays.
Depuis qu’il a pris la tête des conservateurs en août dernier, Erin O’Toole fait de la résistance à la Chine un pilier central de son discours devant les électeurs canadiens. Cette résistance est le miroir de celle de son prédécesseur et ancien premier ministre canadien Stephen Harper qui s’était montré particulièrement farouche envers le régime communiste.
« L’approche de Trudeau à l’égard de la Chine a échoué et a affaibli notre position dans le monde. Nous devons défendre nos citoyens qui ont été détenus comme monnaie d’échange dans une affaire d’extradition, même si cela entraîne de nouvelles représailles de la part de Pékin », avait dit M. O’Toole en septembre dernier peu après son élection à la tête de son parti.
La motion des conservateurs n’est pas contraignante toutefois, et M. Champagne a mentionné à la commission que l’action de son gouvernement sera guidée par les exigences de la sécurité nationale, et non par des délais arbitraires.
L’approche défendue par notre ministre des Affaires étrangères
François-Philippe Champagne fait valoir que la politique du Canada à l’égard de la Chine évolue au même rythme que la Chine qui viole de plus en plus les règles internationales, que ce soit par rapport aux sorts de sa minorité musulmane des Ouïgours ou aux manifestants pour la démocratie à Hong Kong.
« Nous voyons un pays et un leadership de plus en plus prêts à peser de tout leur poids pour faire avancer ses intérêts », admet le ministre Champagne. Il soutient que la réponse de son gouvernement a été d’adopter une approche nuancée en trois volets.
Dans le volet commercial, à ses yeux, le Canada doit concurrencer la Chine, la traiter comme un adversaire et non comme un ennemi. Dans d’autres domaines, le Canada doit en fait coopérer avec la Chine, comme dans la lutte contre les changements climatiques.
Certes, il est d’avis que dans le volet de la violation des droits de l’homme le Canada devra défier la Chine. Adopter une position plus agressive envers la Chine n’est pas seulement un défi pour le Canada, a-t-il affirmé. Les pays du monde entier sont aux prises en ce moment avec ce problème.
Déclaration canadienne sur le « génocide » des Ouïgours : la Chine voit rouge
Zhao Lijian, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, affirme que son pays est en complet désaccord avec la conclusion tirée par un comité de la Chambre des communes à Ottawa. Ce dernier se range du côté d’experts internationaux qui affirment que la campagne intérieure politique de la Chine contre la communauté musulmane des Ouïgours répond bel et bien à la définition de génocide tel qu’énoncé dans la Convention sur le génocide de 1948.
L’affaire de la minorité ouïgoure illustre bien la vision plus tempérée du ministre Champagne
Il y a un peu plus d’une semaine, le ministre des Affaires étrangères avait réitéré les préoccupations du Canada concernant la persécution des Ouïgours par la Chine dans la province du Xinjiang. Il n’avait pas pour autant qualifié cette situation de génocide, comme l’avait pourtant fait Bob Rae son propre ambassadeur aux Nations unies.
François-Philippe Champagne avait limité ses reproches en déclarant que le Canada était « gravement préoccupé » par le traitement de la minorité ethnique par Pékin.
Le mois dernier, une sous-commission parlementaire canadienne a pourtant conclu, elle aussi, dans un rapport, que le traitement réservé par la Chine aux Ouïgours est bel et bien un génocide. La Chine a rejeté ce rapport comme étant sans fondement. M. Champagne n’a pas fait référence à ce rapport dans ses remarques la semaine dernière.
Lundi, devant les membres de la commission des relations Canada-Chine de la Chambre des communes, M. Champagne a déclaré que toutes les démocraties libérales doivent se regrouper pour parler d’une seule voix afin de faire pression sur la Chine pour qu’elle change de direction.
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RCI avec la Presse canadienne
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