Trois femmes se tiennent devant la plaque commémorative sur le mur de Polytechnique, à Montréal, dimanche 6 décembre 2020, à l'occasion du 31e anniversaire du meurtre de 14 femmes lors d'une attaque antiféministe à l'École Polytechnique, le 6 décembre 1989. LA PRESSE CANADIENNE / Graham Hughes

Polytechnique Montréal : pour un Québec toujours plus égalitaire

C’est une quête légitime pour cet établissement plus que centenaire, dont l’histoire est tintée du sang de victimes féminines qui ont osé.

Chaque année, le Québec commémore ce jour du 6 décembre 1989, où plusieurs jeunes filles sont tombées sous les balles d’un tireur furieux. Ce dernier entendait ainsi mettre un terme à leur aventure dans un domaine « réservé ».

Les sciences et les métiers d’ingénierie dans ce lieu d’enseignement attirent pourtant de plus en plus de femmes de nos jours.

En 2020, Polytechnique Montréal a même dépassé sa cible. 30,2 % de femmes sont diplômées. Ce score est largement au-dessus de la moyenne nationale au Québec et au Canada qui est de 21 %. Il s’inscrit dans la perspective d’un objectif national de porter à 30 % le taux d’ingénieures nouvellement titulaires d’un permis d’ici 2030.

Le but ultime est d’accroître la représentativité des femmes dans l’ingénierie. Elles ne représentent que 15,3 % des ingénieurs en exercice au Québec, et 14 % à l’échelle du Canada.

C’est déjà un réel accomplissement que d’avoir franchi ce cap qui marque une grande première dans l’histoire de cet établissement.

C’est un motif de fierté et de satisfaction qui résulte d’un travail de longue haleine de sensibilisation et des activités d’éveil aux sciences menés de pair avec les gouvernements, les mécènes et autres acteurs du milieu.

Polytechnique Montréal entend ainsi donner l’occasion aux femmes de « prendre leur place en génie » pour contribuer à l’avancement de la société. C’est du moins ce que soutient Philippe A. Tanguay, le directeur général.

Les résultats sont certes visibles et encourageants, mais il faut redoubler d’efforts pour atteindre une meilleure représentativité des femmes dans ce secteur qui demeure malgré tout très masculin.

« Si le manque de modèle féminin peut expliquer cet écart dans la représentativité, le nombre grandissant de diplômées contribuera à attirer plus de jeunes filles à choisir cette carrière », a-t-il ajouté.

Thérèse Casgrain, présidente de la Ligue des droits des femmes au Québec, de 1929 à 1942, lors d’une campagne électorale en 1967. L’icône féministe et héroïne québécoise est décédée en 1981. LA PRESSE CANADIENNE

Combattre les stéréotypes négatifs

La société dans son ensemble a un rôle à jouer. Tant que des stéréotypes négatifs sur les femmes, entretenus dans l’ombre par certaines personnes en position d’autorité, le racisme systémique et le sexisme continueront à entraver la voie à celles qui ont la volonté d’imprimer leur marque dans la société, on avancera jamais au rythme souhaité.

Un clin d’œil à Thérèse Casgrain qui, en son temps, était consciente qu’il fallait que « la femme se contente d’obéir même si c’était très humiliant ». Pourtant, grâce à son entêtement et à sa détermination à s’affirmer et à pousser ses concitoyennes à s’en sortir, malgré la misogynie ambiante, elle a pu mettre en place les conditions qui auront contribué à donner à la femme québécoise la place qui lui revient dans une société de droits.

Mme Casgrain a défié un certain J.A Francoeur. Le député libéral de Montréal-Dorion avait présenté un projet de loi en 1935 afin qu’une « personne de sexe féminin […] ne puisse pas avoir le droit de travailler dans les commerces et les établissements industriels, sauf si elle est dans l’obligation de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille ».

Pour reléguer la femme aux tâches ménagères, en s’assurant bien sûr que cette dernière « se fasse très belle et se taise », il a proposé qu’une « amende soit imposée aux employées qui ne respecteraient pas la loi.

Il considérait que « les femmes qui travaillent volent les emplois des pères de famille et des garçons qui pourraient faire un aussi bon travail qu’elles ».

Il n’en fallait pas plus pour irriter Mme Casgrain. En guerrière armée de courage et de détermination, elle a su faire taire un projet destiné à réduire la femme à sa plus simple expression.

Grâce à son travail soutenu par une équipe de femmes et de filles, au Canada et ailleurs dans le monde, éprises de liberté et de dignité, les femmes ont pu avoir le droit de choisir leur propre destinée, en votant, par exemple, ou en allant dans les écoles de leur choix.

Les résultats à Polytechnique Montréal aujourd’hui sont le témoignage d’un long parcours sur un chemin qui reste parsemé d’embûches, mais qui ouvre toutes les portes à des femmes de plus en plus diplômées dans plusieurs métiers auparavant réservé aux hommes.

Égalité hommes-femmes
Photo : iStock

Sofagate : une ombre de plus au tableau

Polytechnique ne compte pas s’asseoir sur ses lauriers, grâce à son objectif 30 en 30, l’école veut accueillir 30 % de femmes dans de nouvelles inscriptions en 2030. Pour cela, elle se sert d’anciennes et d’anciens diplômés. En tant que modèles, ces derniers diffusent des messages pour attiser l’intérêt de plus en plus de femmes pour les métiers de l’ingénierie.

Après avoir subi de grandes pertes en raison de la pandémie de COVID-19, l’économie doit miser sur les femmes pour se relancer. Elles représentent une force de qu’il ne faut pas négliger. La mise en place d’équipes mixtes dans les entreprises ne peut qu’être profitable.

La route vers l’égalité reste longue. Il faut combattre les poches de résistance afin que Thérèse Casgrain ou Simone Veil n’aient pas travaillé en vain.

En plein scandale du Sofagate, en Europe, le débat reste ouvert sur la place de la femme dans la société au 21e siècle.

Où devrait s’asseoir Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne? Sur un canapé, en face d’un simple ministre des Affaires étrangères, alors que ses pairs, Charles Michel, le président du Conseil européen, et Recep Tayyip Erdogan, le président de la Turquie, ont eu droit à deux chaises côte-à-côté dans une même salle, pour un même événement tripartite?

Selon un communiqué de presse de Polytechnique Montréal, le roman Raconte-moi Thérèse Casgrain. (78-79, Petit homme)

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Catégories : Société
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