Le Canada défend l’accès équitable aux vaccins contre la CIVID-19, mais le pays doit encore lever le flou entourant sa position sur la levée des licences de fabrication alors que les États-Unis ont donné leur feu vert. Crédit : Istock

COVID-19/partage de vaccins et de droits de fabrication : où en est le Canada?

La question se pose au lendemain de la décision des États-Unis de suspendre les brevets pour permettre aux pays les plus pauvres de vacciner leurs populations. Le président Joe Biden a aussi fait part de la volonté de son pays de partager ses excédents de doses avec les pays les moins favorisés. Il offrira l’ensemble de son stock du vaccin d’AstraZeneca.

Faire plus pour atteindre l’immunité collective

Le Canada est sur cette même voie. Le premier ministre Justin Trudeau a affirmé que les moins nantis bénéficieront de toute l’assistance de son pays. Il a d’abord envoyé de l’aide à l’Inde. Par contre, rien n’a encore été décidé sur le partage de vaccins avec d’autres pays.

L’organisme non gouvernemental ONE, qui lutte contre la pauvreté dans le monde, a constaté que d’ici la fin de cette année, le Canada aura suffisamment de doses de vaccin pour immuniser l’ensemble de sa population, en plus de vacciner 52 millions de personnes additionnelles.

L’organisme s’attendrait ainsi à ce qu’Ottawa redirige ces doses excédentaires vers d’autres pays moins nantis.

Pour son bilan de la campagne de vaccination, ONE mentionne que le Canada figure dans le groupe de tête des pays qui ont le plus vacciné leurs populations. Jusqu’à maintenant, 32 % de sa population adulte a reçu au moins une dose de vaccin. Pendant ce temps, dans les pays en développement, moins de 1 % des personnes ont été vaccinées.

L’Inde, qui doit fournir l’essentiel des doses du mécanisme COVAX, a décidé de suspendre les exportations et de privilégier l’immunisation de sa population, parce que la COVID-19 sévit sur son sol.

Des pays comme la France, la Norvège et la Suède ont commencé à partager leurs stocks avec les plus démunis, bien que la couverture vaccinale n’ait pas atteint son niveau maximal.

Le Canada ne s’est pas toujours prononcé sur la levée des brevets couvrant les vaccins anti-COVID. Plusieurs organisations s’attendent à ce qu’Ottawa profite du Sommet du G7, en juin, pour annoncer son programme de partage de ses stocks de vaccin avec les pays pauvres et pour se prononcer plus clairement sur la levée des droits de fabrication. Son geste, comme celui d’autres pays, pourrait inciter les 164 membres de l’Organisation mondiale du commerce à donner leur accord, car il faut un consensus au sein de cette organisation pour que la levée soit effective.

Amnistie internationale Canada souligne que les normes internationales en ce qui a trait aux droits de la personne et aux règles commerciales sont claires. Elles stipulent notamment que « la protection de la propriété intellectuelle ne devrait jamais se faire au détriment de la santé publique ».

Ainsi, plusieurs voix s’élèvent pour soutenir la demande de dérogation exprimée par l’Inde et l’Afrique du Sud, en octobre 2020. Selon cette demande, les pays ne devraient accorder ni respecter les brevets et autres droits de propriété intellectuelle liés aux produits contre la COVID-19 tant que l’immunité collective n’est pas atteinte.

Bien que les États-Unis et l’Union européenne (UE) s’y soient d’abord opposés, on assiste aujourd’hui à une volte-face de la Maison-Blanche. Le président Joe Biden envisage de suspendre les brevets pour permettre au monde de sortir de cette pandémie.


Plusieurs pays accueillent favorablement l’idée de suspendre les brevets des vaccins contre la COVID-19. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) salue la décision des États-Unis. Photo : iStock

Vaccins comme arme de positionnement géostratégique?

En s’engageant à partager l’excédent de ses vaccins, le Canada montre sa générosité. Par contre, son mutisme sur la suspension des brevets est critiqué par Amnistie internationale Canada. L’organisme soutient que le gouvernement fédéral devrait suivre l’exemple américain.

On a entendu ce même son de cloche du côté de la branche européenne d’Amnistie internationale. Ève Geddie, la directrice, a remis en question la position de l’Europe, soutenant notamment qu’elle est « intenable », alors que les propos du président américain ouvrent une « nouvelle réalité politique ».

Sur un plan stratégique et géopolitique, le partage des vaccins et la concession des licences de fabrication peuvent être considérés comme de nouveaux enjeux de positionnement dans le monde. Les États-Unis tiendraient-ils donc le bon bout au détriment de l’Europe et du Canada?

À en croire la directrice d’Amnistie internationale Europe, le but premier de cette démarche est de « faire passer la santé et les droits de la personne avant les profits privés ».

Plusieurs analystes croient qu’en soutenant la levée de la protection de la propriété intellectuelle des vaccins contre la COVID-19 et en incitant les entreprises à partager leur savoir-faire, les pays riches se donnent une belle image.

Lever les protections apparaît comme une « mesure audacieuse » qui est loin de plaire aux compagnies pharmaceutiques américaines et européennes. Mais l’UE s’est dite prête à discuter d’une possibilité d’ouverture dans ce sens.

On a entendu des experts soutenir que les conditions ne sont pas toujours réunies dans les pays en développement pour permettre le respect des normes de production des vaccins, notamment le maintien de la chaîne de froid cruciale pour la conservation. Par ailleurs, ils ont mentionné que l’absence d’infrastructures techniques de fabrication pourrait compliquer la tâche.

Selon un communiqué d’Amnistie internationale et de l’ONG ONE

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Catégories : Santé
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