Vue aérienne du Vieux-Québec. Sur le côté gauche du cadre se trouve un drapeau canadien devant un coucher de soleil doré. À droite de la charpente se trouve le Vieux-Québec, y compris le Château Frontenac et la terrasse Defferin. Crédit : Istock

15 ans de l’Accord Canada-Québec sur l’UNESCO : une entité spécifique s’affirme

Le 15e anniversaire de l’Accord entre le Canada et le Québec sur l’UNESCO est l’occasion de faire le point sur les avancées et d’envisager le futur sur de nouvelles bases plus prometteuses, tant pour les deux paliers que pour l’organisation qui doit s’arrimer aux contraintes du siècle présent.

D’entrée de jeu, le ministère des Relations internationales et de la Francophonie lève toute ambiguïté sur le rôle du Québec par rapport au Canada. Il précise notamment que cette province est représentée dans la délégation permanente du Canada. En d’autres termes, « elle ne siège pas à proprement parler au sein de cette organisation ».

Si le Québec ne siège donc pas, ne joue-t-il qu’un rôle symbolique laissant toute la place et les prises de décision au Canada? La réponse du ministère est non, car cet accord a marqué un tournant dans les relations internationales du Québec.

« Il reconnaît que la spécificité du Québec l’amène à jouer un rôle particulier sur le plan international. Cet accord a ainsi établi pour la première fois une présence formelle du gouvernement du Québec au sein d’une délégation du Canada auprès d’une institution des Nations unies. »

L’accord lui reconnaît une spécificité. Et sa capacité d’action lui donne ainsi l’occasion d’être pleinement représenté et de participer aux prises de décisions à l’UNESCO.

Le Québec peut faire valoir son point de vue lors de conférence, mais celui-ci doit intervenir en complémentarité des arguments du Canada. Cela suppose un travail en amont entre les gouvernements pour s’assurer de parler d’une même voix et de défendre les mêmes objectifs.

Cette approche concertée est de mise quand il est question de voter, d’adopter une résolution, de négocier un accord ou tout autre projet international sous l’égide de l’UNESCO. Le Québec se démarque comme la seule province canadienne qui jouit d’un tel privilège, en raison de son histoire singulière.

C’est le creuset de la langue française en Amérique du Nord. Comme telle, cette province veille à la préservation de la langue, à sa promotion et au soutien de la culture unique qui en découle.

La langue française est un moyen d’affirmer son identité unique et de se positionner dans une entité internationale qui comte 193 pays membres. Pouvoir défendre ses intérêts auprès des ambitions globales du Canada à l’UNESCO est plus que vital pour le Québec.

« Le Québec a, sur ce continent, sa vocation propre, la plus nombreuse des communautés francophones hors France, le Canada français appartenant à un univers culturel dont l’axe est en Europe et non en Amérique. De ce fait, le Québec est plus qu’un simple État fédéré parmi d’autres. Il est l’instrument politique d’un groupe culturel distinct et uni dans une grande Amérique du Nord. » (Doctrine de Paul Gérin-Lajoie)

Le ministère souligne de ce fait que l’UNESCO agit dans des domaines qui ont une signification particulière pour le Québec, ce qui justifie la participation du gouvernement provincial afin de pouvoir intervenir dans ses champs de compétence, en application de la doctrine énoncée par Gérin-Lajoie.

« Le Québec n’est pas souverain dans tous les domaines : il est membre d’une fédération. Mais il forme, au point de vue politique, un État. Il possède tous les éléments : territoire, population, gouvernement autonome. Il en est outre l’expression politique d’un peuple qui se distingue à nombre d’égards des communautés anglophones habitant l’Amérique du Nord. » (Doctrine Gérin-Lajoie)

L’ancien premier ministre Paul Martin est applaudi par la ministre du Patrimoine canadien Liza Frulla (à gauche) et la ministre des Arts et de la Culture du Québec, Lyne Beauchamp, lors d’une conférence de presse annonçant l’action du Canada pour devenir le premier pays à ratifier la Convention de l’UNESCO sur la diversité culturelle, le mercredi 23 novembre 2005, à Montréal. (PHOTO CP/François Roy)

Démarcation entre enjeux de compétence fédérale et provinciale à l’UNESCO

Plusieurs dossiers sont abordés de pair entre Ottawa et Québec, dont :

  • la diversité des expressions culturelles,
  • l’éthique et l’intelligence artificielle,
  • la promotion de la science ouverte.

On note ainsi la participation du Québec dans la délégation du Canada à des réunions intergouvernementales d’experts sur des projets d’instruments normatifs relatifs à l’éthique de l’intelligence artificielle et à la science ouverte.

Toutefois, les questions relevant du domaine de l’éducation font exception, car les provinces et territoires du Canada en ont la compétence exclusive. Sur ce plan, le gouvernement du Québec travaille avec le Conseil des ministres de l’Éducation du Canada.

Tous les dossiers se rapportant à la politique étrangère sont de la seule compétence du gouvernement du Canada.

Dans ses interventions directes à l’UNESCO, le Québec s’est donné pour priorité la défense du français. C’est ce qui motive sa participation au Groupe francophone. Il s’agit d’un groupe qui s’assure de l’application du VADE-MECUM relatif à l’usage du français dans les organisations internationales. Il veille aussi à l’organisation des activités soulignant la Journée internationale de la francophonie.

En plus de soutenir sa langue, le Québec défend son expertise dans l’éthique et l’intelligence artificielle, la diversité d’expressions culturelles à l’ère du numérique, la découvrabilité en ligne des contenus culturels francophones. Il s’agit, selon le ministère de la Francophonie, d’un enjeu « fondamental au plan identitaire culturel et économique, ainsi qu’en ce qui a trait aux conditions des chercheurs scientifiques ».

22 mai 2019. Siège de l’UNESCO, Paris, France

Réforme de l’UNESCO axée sur le multilatéralisme et la transversalité

Au 21e siècle, plusieurs voix se sont élevées dans le monde pour remettre en question la pertinence de certaines organisations internationales.

Plusieurs sont considérées comme anachroniques et appelées à disparaître. D’autres sont désuètes et doivent se réformer. C’est le cas de l’UNESCO qui devrait, de l’avis du ministre de la Francophonie du Québec, adopter une approche centrée sur le multilatéralisme.

C’est une nécessité, alors que le monde fait face à de nouvelles réalités dans différents domaines qui appellent plus de collaboration et d’échanges :

– changements climatiques et dégradation de la biodiversité;
– influence des technologies de pointe et de l’intelligence artificielle;
– discours haineux et montée de l’extrémisme;
– désinformation et déclin de la liberté de la presse;
– menaces qui planent sur le patrimoine culturel mondial;
– diversité des expressions culturelles;
– inégalités d’accès au savoir et aux technologies;
– discriminations de toutes sortes : raciales, basées sur le genre, etc.

Il s’agit de passer au crible les impacts de ces réalités sur la vie humaine, l’économie, l’environnement, entre autres, pour mieux affronter, de manière globale, universelle et multilatérale, les défis, comme la pandémie de COVID-19.

Le Québec et la délégation canadienne à l’UNESCO peuvent se targuer d’avoir joué un rôle en première ligne, dès le début de cette pandémie, en mars 2020. Cela a été visible à travers les aides multiples aux pays défavorisés, les deux entités ont été davantage réceptives à une lettre de l’UNESCO aux États membres les conviant aux réflexions sur le projet de Stratégie à moyen terme de l’organisation pour 2022-2029.

Il s’agit ainsi d’élaborer des instruments pour documenter le problème et soutenir les pays dans la quête de solutions. À l’occasion, la directrice générale de l’UNESCO, Audrey Azoulay, avait souligné l’importance de la coopération internationale.

Celle-ci est « centrale pour agir efficacement et elle nous rappelle le rôle fondamental de l’UNESCO au regard des mandats qui lui sont attribués par la communauté internationale », avait-elle déclaré.

Cette coopération entre États est certes importante. Mais, selon le Québec, l’UNESCO gagnerait aussi à aller au-delà pour se rapprocher davantage des populations.

« Sa transformation en profondeur en cours vise à renforcer et à moderniser l’organisation. L’UNESCO devra avoir une approche collective, transversale et innovante si elle veut être en mesure de relever efficacement les enjeux complexes de notre ère », dit le ministère de la Francophonie.

Avec des informations issues d’une entrevue avec un porte-parole du ministère des Relations internationales et de la Francophonie du Québec, ainsi que des extraits de la Doctrine Gérin-Lajoie.

Lire aussi :

Les Canadiens invités à proposer de nouveaux sites mondiaux à l’UNESCO

Statut de consultation à l’UNESCO : l’ACFAS partenaire officiel

Deux sites de l’Est du Canada reconnus géoparc mondial par l’UNESCO

Catégories : Politique
Mots-clés : , , , , , , , , , , ,

Vous avez remarqué une erreur ou une faute ? Cliquez ici !

Pour des raisons indépendantes de notre volonté et, pour une période indéterminée, l'espace des commentaires est fermé. Cependant, nos réseaux sociaux restent ouverts à vos contributions.