Le coût humain: entrevue avec Gina Dolphus
Nom : Gina Dolphus
Occupation : Présidente de la société foncière de Deline
Ville natale : Deline, Territoires du Nord-Ouest, Canada
Citation : « Dans les collectivités comme la nôtre, il est difficile d’obtenir du financement ou un emploi, mais nous pouvons nous servir de notre mode de vie traditionnel comme tremplin pour reprendre nos études et trouver des emplois. »
Intro : Gina Dolphus, présidente de la société foncière de Deline, est responsable des affaires commerciales, sociales, politiques et des revendications territoriales de sa collectivité. Avant d’occuper ce poste, elle a été intervenante en toxicomanie, en alcoolisme et en santé mentale. Elle nous explique pourquoi le développement commercial et économique de la collectivité est indissociable d’une stratégie en matière de bien-être.
Eilís Quinn: On entend beaucoup parler des obstacles à la création d’économies dans les régions polaires du Canada : taux de décrochage élevé, isolement, absence d’industries. Vous ajoutez à cette liste le manque de bien-être, pourquoi?
Gina Dolphus: La toxicomanie et l’alcoolisme sont généralement la cause de violence familiale et de négligence à l’égard des enfants. Beaucoup souffrent encore de ce qu’ils ont vécu dans les pensionnats. Leur mal-être les conduit parfois au suicide. Quand on se sent mal dans sa peau, comment peut-on aider sa collectivité?
Comment le bien-être s’inscrit-il dans la création d’une économie au sein d’une collectivité isolée telle que Deline?
Pour avancer dans la vie, il faut y mettre du sien. On ne peut pas se complaire dans une situation où on est incapable de faire quoi que ce soit pour soi-même ou pour sa famille parce que la toxicomanie, l’alcoolisme et la violence sont omniprésents. Il faut trouver un moyen de renouer avec notre mode de vie traditionnel, celui de l’autosuffisance, et d’exploiter ce savoir-faire pour approfondir notre formation et créer de l’emploi.
De quels types de savoir-faire s’agit-il?
Il s’agit d’activités traditionnelles comme la couture, le tannage des peaux d’orignaux et le dépouillage. Elles peuvent redonner force et vitalité à la collectivité et à ses membres. Ils pourront transmettre leur savoir-faire à leurs enfants et ainsi, assurer leur avenir.
En quoi ce projet sera-t-il bénéfique pour Deline?
Dans les collectivités isolées comme la nôtre, il est difficile d’obtenir du financement ou un emploi, mais nous pouvons nous servir de notre mode de vie traditionnel comme tremplin pour reprendre nos études et trouver des emplois.
Pouvez-vous nous donner un exemple?
Ma mère et ma grand-mère m’ont appris la couture. J’ai repris mes études en Alberta, en design de vêtements autochtones, puis je suis revenue ici et j’ai commencé à dessiner. J’adore le design. J’ai participé à la création d’ateliers de perlage pour les jeunes et j’ai travaillé avec les écailles de poissons. J’ai participé au festival d’art d’Inuvik et à des défilés de mode.
Et tout a commencé par la couture traditionnelle?
Oui. J’ai trouvé des fonds pour suivre une formation à l’extérieur, puis je suis revenue aider ma collectivité. Par la suite, j’ai suivi une formation spécialisée pour venir en aide aux toxicomanes, aux alcooliques et aux personnes en deuil. Vous voyez, même dans une collectivité isolée et sous-financée, on trouve toujours le moyen de s’en sortir.
C’est ce qui explique votre engagement passionné?
Les habitants de Deline appartiennent à une Première nation. Nous avons un lac magnifique. Nous aimons la chasse, le trappage, la pêche et le savoir-faire traditionnel comme la couture. Nous devons y mettre du nôtre. Il faut être conscient que ce n’est pas facile. C’est un pas très difficile à faire. Mais ceux qui veulent le faire pourront toujours compter sur du soutien et des encouragements. J’aimerais dire à toutes les personnes qui lisent ou qui écoutent ceci de faire le premier pas. Et de continuer dans cette direction.
Écrivez à Eilís Quinn à eilis.quinn(at)radio-canada.ca