ARCTIC FRONTIERS 2016: Environnement et développement dans l’Arctique

Adaptation française par Khady Beye

TROMSØ  , Norvège – Politiciens, chefs d’entreprises, et scientifiques sont réunis en Norvège cette semaine pour une conférence internationale s’attaquant à une des questions les plus persistantes pour l’Arctique : comment trouver le juste milieu entre le besoin de développement dans le Nord et les problématiques environnementales ?

La conférence sur l'Arctique frontières se tient cette semaine dans la ville arctique de Tromso, en Norvège. (Eilís Quinn / Regard sur l'Arctique)
La conférence sur l’Arctique frontières se tient cette semaine dans la ville arctique de Tromsø, en Norvège. (Eilís Quinn / Regard sur l’Arctique)

La conférence « Arctic Frontiers » a officiellement démarré dimanche dans la ville de Tromsø, dans l’Arctique norvégien.

Les organisateurs ont prévu un nombre record de participants durant la semaine à venir ; 1800 personnes sont attendues.

« Ce qui est important c’est de réunir des personnes à travers les pays circumpolaires afin de discuter du développement en général dans l’Arctique » a déclaré le directeur général de la conférence, Ole Øvretveit.

« Ces questions sont si importantes que les gens ont besoin de se réunir, face à face, et vraiment parler »

"Nous voulons que tout le monde se parle au sujet de l'Arctique: les décideurs avec des scientifiques, les gens d'affaires avec les jeunes», explique le directeur général d’Arctic Frontiers Ole Øvretveit. (Eilís Quinn / Regard sur l'Arctique
« Nous voulons que tout le monde se parle au sujet de l’Arctique: les décideurs avec des scientifiques, les gens d’affaires avec les jeunes», explique le directeur général d’Arctic Frontiers Ole Øvretveit. (Eilís Quinn / Regard sur l’Arctique)

La croissance de l’intérêt accordé aux questions du Nord par les pays, les entreprises et les chercheurs loin des frontières du Nord montre à quel point l’Arctique est devenu un enjeu mondial et non régional, a-t-il dit.

« Nous avons un grand intérêt de l’Union européenne ; des endroits comme la Pologne, l’Italie et la Grande-Bretagne » a-t-il dit ? « Il y a aussi vraiment beaucoup d’intérêt provenant de l’Asie ; notamment la Chine, la Corée du Sud et Singapour. Ce ne sont donc plus uniquement les pays du Nord qui sont impliqués. »

 

Repenser l’Arctique

Chaque année, Arctic Frontiers est organisé autour d’un thème. Par le passé, les thèmes centraux ont été « Êtres humains dans l’Arctique » en 2014 ou encore « Arctique : Points de basculement » en 2011.

Cette année, la conférence célèbre son 10ème anniversaire. Pour marquer le coup, les organisateurs ont décidé de revenir sur le sujet de la toute première conférence : l’industrie et l’environnement.

« L’Arctique a longtemps été perçu comme un lieu passif où les gouvernements du Sud et les compagnies pouvaient faire des affaires » a déclaré Ken Coates, directeur du Centre International pour la Gouvernance et le Développement du Nord à l’Université de la Saskatchewan au Canada, et membres du comité de planification d’Arctic Frontiers qui choisit les thèmes annuels.

« Mais le point de vue a changé. On voyait auparavant chaque région du Nord comme l’extension du pays du Sud auquel il appartenait. Désormais, il est question d’une meilleure coopération transfrontalière dans l’Arctique et la recherche de solutions dans les autres régions de l’Arctique. »

« Le développement économique dans l’Arctique ne peut être ignoré. Les autochtones veulent sortir de la pauvreté et ils ont besoin de développement pour le faire ; ils veulent juste que ce soit bien fait. C’est pour cela que c’est un sujet aussi important sur lequel revenir » a-t-il ajouté.

 

Qui le fait bien ? Et où ?

Le bureau du Conseil tribal des Gwich'in est dans la ville arctique de Inuvik (photo ci-dessus) dans les Territoires du Nord du Canada. Les dirigeants disent qu'ils ont trouvé un bon équilibre entre le développement et l'environnement dans leur zone de peuplement. (Eilís Quinn / Regard sur l'Arctique)
Le bureau du Conseil tribal des Gwich’in est dans la ville arctique de Inuvik (photo ci-dessus) dans les Territoires du Nord du Canada. Les dirigeants disent qu’ils ont trouvé un bon équilibre entre le développement et l’environnement dans leur zone de peuplement. (Eilís Quinn / Regard sur l’Arctique)

Le débat sur l’industrie et l’environnement dans le Nord a longtemps été défini comme opposant les grandes entreprises qui veulent le développement à grande échelle, et les mouvements environnementaux qui ne veulent pas de développement du tout.

Mais les leaders autochtones du Nord contestent cette idée et pensent que ce débat les a laissés hors de l’équation trop longtemps.

Le Conseil tribal des Gwich’in, l’organisation chargée de la revendication territoriale pour la région des autochtones Gwich’in dans l’ouest de l’Arctique canadien, est représenté à Arctic Frontiers par Jordan Peterson, le responsable intergouvernemental de la jeunesse du Conseil.

Dans un échange par courriel avec Regard sur l’Arctique, le vice-président du conseil tribal Norman Snowshoe a affirmé que quand les autochtones ont un contrôle sur leurs terres et les activités économiques qui y ont lieu, une bonne intendance de l’environnement suit — et que leur cas en est un exemple.

« Nous pensons que l’équilibre entre l’environnement et le développement du Nord est bien maintenu », a-t-il dit.

Le conseil tribal des Gwich’in a pour philosophie d’allier une protection rigoureuse de l’environnement à un développement économique responsable dans le Nord »

 

Vieux thème, nouvelles réalités

Alors que la question de l’industrie et de l’environnement demeure ; le contexte entourant cette question dans le Nord est sans nul doute devenu encore plus complexe.

Il y a dix ans, nombreux étaient ceux qui parlaient de la « course à l’Arctique » et de la manne des ressources qui attendait les premiers venus ; mais la réalité a été tout autre.

L’exploration de l’Arctique demeure imprévisible et onéreuse et les compagnies énergétiques comprennent que ce n’est pas parce que les ressources sont disponibles qu’il est facile d’y accéder une fois sur le terrain.

L’entreprise écossaise d’exploitation pétrolière et gazière Cairn Energy est rentrée bredouille de la côte du Groenland après une campagne d’un milliard de dollars entre 2010 et 2011.

Royal Dutch Shell a également abandonné ses plans de développement marin dans l’Alaska après une série de problèmes complexes touchant l’économie, la politique et plus encore.

Les entreprises ne peuvent se permettre de ne pas respecter la protection de l'environnement explique Timo Rautajoki, le président et chef de la direction de la Chambre de commerce de la Laponie. (Eilís Quinn / Regard sur l'Arctique)
Les entreprises ne peuvent se permettre de ne pas respecter la protection de l’environnement explique Timo Rautajoki, le président et chef de la direction de la Chambre de commerce de la Laponie. (Eilís Quinn / Regard sur l’Arctique)

Et avec les prix des matières premières qui continuent leur inexorable baisse, il y a de moins en moins de raisons de prendre les énormes risques que de telles opérations comportent.

« La problématique de l’entreprise et de l’environnement est très importante et il est très clair qu’elle demeurera toujours en tête de nos préoccupations ; nous ne pouvons faire autrement », a déclaré Timo Rautajoki, le président et chef de la direction de la Chambre de commerce de Laponie, l’organisation représentant la communauté d’affaires dans l’Arctique Finlandais.

« Mais dans la mauvaise situation économique actuelle, nous avons une nouvelle question à considérer : “De quel type d’entreprise et de développement parlons-nous maintenant et comment cela va-t-il changer dans les réalités actuelles ?”

“Voilà un sujet dont nous allons devoir discuter dans le Nord”

La conférence Arctic Frontiers se poursuit jusqu’au 29 janvier.

 

Eilís Quinn, Regard sur l'Arctique

Eilís Quinn est une journaliste primée et responsable du site Regard sur l’Arctique/Eye on the Arctic, une coproduction circumpolaire de Radio Canada International. En plus de nouvelles quotidiennes, Eilís produit des documentaires et des séries multimédias qui lui ont permis de se rendre dans les régions arctiques des huit pays circumpolaires.

Son enquête journalistique «Arctique – Au-delà de la tragédie » sur le meurtre de Robert Adams, un Inuk de 19 ans du Nord du Québec, a remporté la médaille d’argent dans la catégorie “Best Investigative Article or Series” aux Canadian Online Publishing Awards en 2019. Le reportage a aussi reçu une mention honorable pour son excellence dans la couverture de la violence et des traumatismes aux prix Dart 2019 à New York.

Son reportage «Un train pour l’Arctique: Bâtir l'avenir au péril d'une culture?» sur l'impact que pourrait avoir un projet d'infrastructure de plusieurs milliards d'euros sur les communautés autochtones de l'Arctique européen a été finaliste dans la catégorie enquête (médias en ligne) aux prix de l'Association canadienne des journalistes pour l'année 2019.

Son documentaire multimedia «Bridging the Divide» sur le système de santé dans l’Arctique canadien a été finaliste aux prix Webby 2012.

En outre, son travail sur les changements climatiques dans l'Arctique canadien a été présenté à l'émission scientifique «Découverte» de la chaîne française de Radio-Canada, de même qu'au «Téléjournal», l'émission phare de nouvelles de Radio-Canada.

Au cours de sa carrière Eilís a travaillé pour des médias au Canada et aux États-Unis, et comme animatrice pour la série «Best in China» de Discovery/BBC Worldwide.

Twitter : @Arctic_EQ

Courriel : eilis.quinn@radio-canada.ca

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