Conseil économique de l’Arctique: une initiative canadienne passe de la critique à l’éloge

Adaptation française par Khady Beye

Ulukhaktok, Territoires du Nord Ouest – Canada | – Quel rôle le Conseil économique de l’Arctique peut-il jouer pour des zones reculées comme celle-ci?

Tromsø, Norvège – Lorsque le Canada a annoncé la création d’un Conseil économique de l’Arctique (CEA) au cours de sa dernière présidence du Conseil de l’Arctique (2013-2015); nombreux sont ceux qui ont douté de la mission et de l’utilité d’un tel organisme étant donnée la diversité des réalités économiques dans le Nord; que ce soit en Amérique, em Europe ou en Russie.

Mais à la conférence Arctic Frontiers qui se tient à Tromsø, en Norvège cette semaine, le travail et la mission du CEA ont été salués par tous. De Kristina Persson, ministre suédoise du développement stratégique et de la coopération nordique, qui l’a qualifiée de « réalisation clé du Conseil de l’Arctique », à Borge Brende, ministre norvégien des Affaires étrangères.
« Nous avons de grandes ambitions pour le Conseil économique de l’Arctique; fondées sur la connaissance, l’industrie et la coopération dans l’Arctique », a dit Brende lors de son intervention face aux diplomates, politiciens et dirigeants d’entreprises provenant d’Amérique du Nord, d’Europe et d’Asie présents à Arctic Frontiers.

Le climat place les affaires sous les projecteurs

Les effets du réchauffement climatique sur l’Arctique sont profonds et ont amené les entreprises du monde entier à s’intéresser au Nord.
Tara Sweeney, une femme d’affaires Inupiat de l’Alaska qui préside actuellement le CEA, affirme que l’initiative est arrivée à un moment important. Avoir une organisation qui peut répondre et conseiller sur les types de projets et les questions soulevées par le développement du Nord, permet à la communauté d’affaires nordique d’avoir une voix importante, dit-elle.
«Nous voulons vraiment être le canal pour ceux qui veulent faire des affaires dans le Nord, » Sweeney a déclaré dans une interview avec Regard sur l’Arctique. « La création de le CEA était vraiment la marque de la présidence canadienne, et personnellement, je suis très reconnaissante d’en assumer le leadership. »

Tara Sweeney – Crédit: Regard sur l’Arctique

Des débuts difficiles

Le CEA a tenu sa première réunion en Septembre 2014, dans la ville de l’Arctique canadien d’Iqaluit.
L’organisation a initialement été mise en place afin de guider le Conseil de l’Arctique sur les questions économiques, mais sa mission a évolué la poussant ver un rôle de conseil et soutien pour ceux qui sont hors de l’Arctique mais qui veulent faire des affaires dans le Nord.
L’optimisme actuel dont bénéficie l’organisation est en radicale opposition avec l’ambivalence initiale autour du projet.
Le Canada a été fortement critiqué à l’époque pour l’utilisation de sa plateforme en tant que président du Conseil de l’Arctique pour promouvoir les affaires et l’économie alors que les présidences antérieures avaient traditionnellement tendance à se concentrer sur la protection de l’environnement et le développement durable.
Le fait que la protection de l’environnement était absente de la vision du Canada dans le cadre de ce projet a également ajouté de l’huile sur le feu.
Mais ce n’était pas uniquement mouvement écologiste qui était inquiet.
Même au sein de la communauté des affaires de l’Arctique, à la fois en Amérique du Nord et en Europe, beaucoup craignaient que la nouvelle entité serait dominée par les multinationales qui noieraient les voix des entreprises et industries locales de l’Arctique.

Faire des affaires, mais correctement

Mais depuis lors, l’ambiance a changé.
Les industries locales et les chambres de commerce qui avaient exprimé des préoccupations au sujet de l’initiative croient maintenant qu’elle mérite le bénéfice du doute, voire même qu’elle a un rôle important à jouer dans leur avenir.
« Avec le CEA il y avait cette idée reçue qu’il serait uniquement ouvert à de grandes organisations multinationales avec très peu d’opportunités pour les petites et moyennes entreprises », a déclaré Sweeney. « C’est un mythe. »
« L’un des antidotes à la pauvreté est le développement d’opportunités économiques et de l’emploi. Les petites et moyennes entreprises y contribuent. Cette piste est extrêmement importante pour l’avenir de l’organisation « .
La structure du CEA a été mise en place pour donner à tous une voix égale: chaque pays membre du Conseil de l’Arctique et chacun des six groupes représentant les peuples autochtones de l’Arctique (nommés «participants permanents» par le Conseil de l’Arctique), a son propre représentant; il y a donc une représentation équitable selon Sweeney.
Le CEA a reçu des fonds pour son secrétariat à Tromsø de la part communauté d’affaires norvégienne et du ministère norvégien des Affaires étrangères pour ses trois premières années d’activité. Certains se demandent comment l’organisation va obtenir un financement stable afin de poursuivre ses travaux après cela, mais plusieurs indices portent à croire que l’engagement à long terme des pays circumpolaires vis-à-vis du CEA sera fort.
« Le Conseil économique de l’Arctique est une organisation indépendante, un forum permettant aux entreprises de communiquer et collaborer entre elles et qui vise à favoriser un développement économique durable dans l’Arctique», a déclaré Aleksi Härkönen, ambassadeur pour les affaires arctiques en Finlande, le pays qui prend la présidence du Conseil de l’Arctique après les États-Unis en 2017.
« La présidence du CEA suit la même rotation que celle du Conseil de l’Arctique et en ce sens la Finlande veut faire en sorte que les activités du CEA soient alignées et se renforcent mutuellement » a-t-il dit à Regard sur l’Arctique.

Créer de nouvelles connexions

C’est une bonne nouvelles pour ceux qui s’intéressent aux affaires dans l’Arctique et qui disent que le CEA a déjà eu des retombées inattendues.
« Il y a eu davantage de signatures de protocoles d’entente entre les différentes régions du Nord grâce au CEA», a affirmé Halldor Johannsson, le directeur exécutif du Portail de l’Arctique à Akureyri, en Islande, qui a assisté à la séance d’Arctic Frontiers sur le CEA de mardi.
« Nous allons voir ce qui se arrivera dans le futur, mais c’est d’ores et déjà devenu un lieu de discussion pour les personnes de l’Arctique qui n’avaient auparavant aucun espace dédié aux problématiques d’affaire. »

Halldor Johannsson - Crédit: Regard sur l'Arctique
Halldor Johannsson – Crédit: Regard sur l’Arctique

Qui en bénéficie et où?

Mais certaines personnes ne sont toujours pas convaincues.
Anders Blom est le président de Protect Sápmi, une organisation fondée par l’Union nationale des peuples lapons de Suède et l’Association des lapons éleveurs de rennes de Norvège. (Le terme Sapmi fait référence à la patrie traditionnelle des peuples autochtones lapons qui chevauche les régions arctiques de la Norvège, la Suède, la Finlande et la Russie.)
Il était l’une des personnes nommées par le Conseil Lapon en tant que représentant au CEA et il affirme être encore incertain concernant le projet.
«Nous devons encore voir où cela s’en va», a-t-il dit. « Il y a des possibilités mais nous n’avons pas encore vu exactement de quelle manière nous pouvons en tirer profit. »

Eilís Quinn, Regard sur l'Arctique

Eilís Quinn est une journaliste primée et responsable du site Regard sur l’Arctique/Eye on the Arctic, une coproduction circumpolaire de Radio Canada International. En plus de nouvelles quotidiennes, Eilís produit des documentaires et des séries multimédias qui lui ont permis de se rendre dans les régions arctiques des huit pays circumpolaires.

Son enquête journalistique «Arctique – Au-delà de la tragédie » sur le meurtre de Robert Adams, un Inuk de 19 ans du Nord du Québec, a remporté la médaille d’argent dans la catégorie “Best Investigative Article or Series” aux Canadian Online Publishing Awards en 2019. Le reportage a aussi reçu une mention honorable pour son excellence dans la couverture de la violence et des traumatismes aux prix Dart 2019 à New York.

Son reportage «Un train pour l’Arctique: Bâtir l'avenir au péril d'une culture?» sur l'impact que pourrait avoir un projet d'infrastructure de plusieurs milliards d'euros sur les communautés autochtones de l'Arctique européen a été finaliste dans la catégorie enquête (médias en ligne) aux prix de l'Association canadienne des journalistes pour l'année 2019.

Son documentaire multimedia «Bridging the Divide» sur le système de santé dans l’Arctique canadien a été finaliste aux prix Webby 2012.

En outre, son travail sur les changements climatiques dans l'Arctique canadien a été présenté à l'émission scientifique «Découverte» de la chaîne française de Radio-Canada, de même qu'au «Téléjournal», l'émission phare de nouvelles de Radio-Canada.

Au cours de sa carrière Eilís a travaillé pour des médias au Canada et aux États-Unis, et comme animatrice pour la série «Best in China» de Discovery/BBC Worldwide.

Twitter : @Arctic_EQ

Courriel : eilis.quinn@radio-canada.ca

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