L’expédition Franklin n’était pas à la recherche du passage du Nord-Ouest, selon un historien

Portrait de Sir John Franklin, circa 1810. (Hulton Archive/Getty Images)
John Franklin n’était pas cet explorateur un peu candide, sinon niais, qu’on nous a présenté, et l’objectif de son expédition funeste n’était pas de trouver le passage du Nord-Ouest, mais bien de faire de la recherche sur le nord magnétique pour assurer la puissance de la marine britannique.

C’est la thèse que développera l’historien de la marine Andrew Lambert lors d’une conférence au Centre du patrimoine septentrional Prince-de-Galles (à Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest, dans le Nord canadien), le 14 juin à 19 h, conférence qui sera ponctuée d’une dégustation des mets qui constituaient l’ordinaire des équipages du Terror et de l’Erebus.

Andrew Lambert est l’auteur de plusieurs ouvrages consacrés à la marine britannique, dont Franklin: tragic hero of the polar navigation (2009), qui reste à traduire en français. C’était avant qu’on ne découvre, grâce aux récits des Inuits, les épaves des vaisseaux de Franklin, le Terror et l’Erebus. Mais fondamentalement, ces découvertes ne changent rien à ce qui était la véritable mission de l’expédition Franklin : la cartographie des champs magnétiques, une mission occultée pour diverses raisons entre autres, sa complexité, selon le professeur Lambert.

La connaissance des champs magnétiques était le plus gros projet scientifique du XIXe siècle, explique le professeur du King’s College de Londres. On croyait que cela pourrait être utilisé comme une forme de GPS et, dans le cas de l’Angleterre, procurer à sa marine une grande supériorité sur ses rivaux. La Russie et la France faisaient aussi des recherches dans ce domaine. Le nord magnétique avait déjà été trouvé en 1831 par James Clark Ross, mais on ignorait qu’il se déplaçait.

Un passage inutilisable

Le temps allait plus tard enseigner que les champs magnétiques ne constituaient pas un outil de repérage fiable. Mais avant cette découverte, la recherche était à l’ordre du jour.

« Franklin, rappelle Andrew Lambert, était un scientifique de stature internationale. […] Une des dernières choses abandonnées par l’équipage était un instrument fort pesant pour mesurer l’intensité des champs magnétiques [une boussole d’inclinaison]. »

M. Lambert a déclaré au site canadianmysteries.ca que l’expédition Franklin contenait huit tonnes d’équipement d’analyse du magnétisme. Le passage du Nord-Ouest n’avait aucune importance.

« Alors qu’il était en Tasmanie, rappelle le professeur, Franklin avait dit qu’un tel passage ne serait pas viable. »

Encore bien des questions

L’histoire de l’expédition Franklin a été frappée par un certain tabou, souligne Andrew Lambert, à cause notamment du cannibalisme qui y est associé, aux antipodes de la morale victorienne.

Même aujourd’hui, alors que les bateaux ont été retrouvés, bien des mystères demeurent. « Mais c’est bon de ne pas tout savoir, avance M. Lambert. Tout ce qu’on a retrouvé comme journal de bord, c’est 264 mots, alors qu’il devait y en avoir des millions, avec les journaux scientifiques, etc. »

Ce dessin datant de 1851 montre le vaisseau britannique HMS Investigator, été envoyé pour retrouver l’expédition Franklin dans l’Arctique canadien. (Bibliothèque et Archives Canada/La Presse canadienne/Courtoisie)

M. Lambert est aux Territoires du Nord-Ouest à l’instigation de Diamond International Canada et fera également une conférence pour les étudiants de l’école secondaire Sir John Franklin. Ses conférences sont un amalgame de son livre, qui pourrait être réédité prochainement dans une version enrichie, et de différents travaux et voyages effectués après sa publication initiale.

La conférence au musée sera suivie d’une dégustation de mets d’époque, thé, porc salé, biscuit, fromage et raisin.

Ceux et celles que le sujet intéresse et qui passent par Gatineau (dans le sud du Québec) d’ici le 30 septembre 2018 peuvent admirer au Musée canadien de l’histoire l’exposition Périr dans les glaces – Le mystère de l’expédition Franklin.

 

Denis Lord, L'Aquilon

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