Les opérations de sauvetage risquées sur le mont Logan, dans le Nord canadien

À 5959 mètres de hauteur, le mont Logan, situé dans le territoire nordique du Yukon, est la plus haute montagne du Canada. Le 2 juin, l’alpiniste québécoise Monique Richard a été secourue par deux alpinistes alors qu’elle était coincée en haute altitude, peu après être devenue la première femme à atteindre le sommet en solitaire. (Bob Strong/Reuters)
À la suite de l’évacuation de l’alpiniste en solitaire Monique Richard la semaine dernière, des questions se multiplient entourant la sécurité des secours sur le mont Logan au Yukon, dans le nord-ouest du Canada.

Une évacuation peut coûter de 1000 $ à plus de 50 000 $, selon le niveau de difficulté. Dans le cas de Monique Richard, une équipe de plus de 12 personnes, y compris des spécialistes du parc national de Banff, ont participé à l’opération qui a duré deux jours. Le parc national Kluane a procédé à sept évacuations en six ans sur le mont Logan.

Entre 2014 et 2018, trois expéditions en solitaire ont été permises sur le mont Logan et au moins deux se sont soldées par une évacuation.

Des risques collatéraux

Le guide de montagne Stéphane Gagnon et son fils Guillaume, 19 ans, avaient entamé leur expédition récréative à peu près en même temps que la Québécoise. Après lui avoir apporté de l’équipement, ils ont été contactés par Parcs Canada pour venir en aide à Monique Richard lors de son évacuation du mont Logan le 2 juin.

Stéphane et Guillaume Gagnon du Québec ont assisté l’alpiniste québécoise Monique Richard lors de son évacuation du mont Logan, au Yukon, dans le nord-ouest du Canada. L’expérience les a marqués. (Claudiane Samson/Radio-Canada)

Pour ce faire, ils ont dû prendre des risques. Les Québécois ont gravi des centaines de mètres, établi un camp de base à 5200 mètres, de façon à pouvoir stabiliser l’alpiniste solo malgré les tempêtes menaçantes et les risques d’engelure avec lesquels ils étaient eux-mêmes aux prises.

« On accepte les risques qui viennent avec [une expédition] jusqu’à ce qu’on pèse sur le bouton. Je pense que le bouton d’aide est différent sur Logan par rapport à d’autres montagnes dans le monde, même plus hautes et plus grosses, à cause de l’isolement. L’isolement de Logan n’est vraiment pas à sous-estimer. »

Stéphane Gagnon, guide de montagne

Dans leur témoignage, Stéphane et Guillaume Gagnon se rappellent avoir hésité juste avant d’aller à la rescousse de Monique Richard sur la crête par crainte pour leur propre sécurité. Mais le devoir et la possibilité de l’aider les ont poussés à s’engager vers le secteur exposé. Ils ont trouvé Monique Richard très affaiblie, et immobile, mais en vie.

« J’avais rarement ressenti autant de joie de voir quelqu’un sortir de la tente et de l’assister jusqu’à ce qu’elle parte. Ça a été un grand soulagement, mais en même temps, ça a été le début d’une autre situation où on était nous, à cette hauteur-là, dans une tempête […] J’espérais vraiment qu’on ne soit pas tombés dans le panneau d’avoir essayé d’aider et de s’être mis dans une situation où on va en écoper aussi. »

Stéphane Gagnon, guide de montagne

Stéphane Gagnon craint maintenant que les octrois de permis pour des expéditions solos sur le mont Logan soient en péril. « J’espère que non, j’espère que c’est quelque chose qui ne se refermera pas pour la future génération de grimpeurs […] mais ce n’est pas pour tout le monde. »

Le mont Logan, une montagne à part

Parcs Canada étudie chaque demande de permis en fonction de l’expérience passée. Mais le skieur hors-piste Claude Vallier, ancien membre du Peloton de Gendarmerie de Haute Montagne au mont Blanc en France, est d’avis que les expéditions solos sur le versant ouest du mont Logan ne devraient pas être autorisées. Le versant est, plus technique, est plus sécuritaire, selon lui.

Claude Vallier a fréquenté à plusieurs reprises le secteur du mont Logan. (Claudiane Samson/Radio-Canada)
« Quand on est seul, il est fortement déconseillé de s’aventurer sur un glacier enneigé parce qu’il n’y a aucune solution pour mitiger ce risque de chute en crevasse. C’est beaucoup plus difficile à appréhender que le risque d’avalanche ou risque de chute de pierre parce que c’est vraiment sournois, il n’y a souvent aucun moyen de savoir ce que l’on a sous les pieds. »

Claude Vallier, ancien membre du Peloton de Gendarmerie de Haute Montagne en France

Le mont Logan, rappelle-t-il, est plus élevé que le mont Blanc en altitude ainsi qu’en latitude, ce qui augmente les facteurs de risque, en plus d’être beaucoup moins fréquenté. Le mont Blanc pouvait avoir en une journée d’été 200 alpinistes en route vers le sommet, se souvient-il. Chaque année, de 1000 à 2000 opérations de sauvetage y étaient réalisées.

De l’équipement spécialisé supplémentaire requis

Parcs Canada s’est prémuni de certaines pièces d’équipement tel qu’un harnais pour soulever à la ligne un alpiniste en détresse. Le pilote d’hélicoptère Cole Hodinski affirme que cette année, un appareil d’oxygène a été acheté pour assurer la sécurité du pilote.

L’altitude, les vents et le froid intense sont les plus grands défis pour les pilotes. « L’air [à cette altitude] est raréfié et les pales n’ont pas beaucoup d’adhérence, le moteur n’a pas la même performance qu’en plus basse altitude, même avec un hélicoptère spécialisé, on a peut-être la moitié de la puissance. Il faut faire très attention et demeurer léger. »

L’alpiniste Monique Richard, rencontre après avoir été secourue du mont Logan. (Claudiane Samson/Radio-Canada)

Claudiane Samson, Radio-Canada

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