Comment l’arrivée du tourisme change une communauté de l’Arctique canadien

Autrefois, « la pointe » de Tuktoyaktuk, aux Territoires du Nord-Ouest (Nord du Canada), était l’endroit idéal pour ses résidents pour un petit pique-nique en famille sur le bord de l’océan. Aujourd’hui, c’est plutôt le lieu de rencontre des tentes, des voitures et des caravanes. Les touristes sont arrivés à Tuktoyaktuk.
Avant l’autoroute, pour entrer ou sortir de la petite communauté de 900 habitants, il fallait prendre l’avion, descendre la rivière Mackenzie en bateau ou attendre l’hiver et la construction de la route de glace.
À présent, n’importe qui peut entrer ou sortir de la communauté et les touristes sont de plus en plus nombreux à arriver.
Le maire de Tuktoyaktuk, Merven Gruben, estime que la municipalité a déjà reçu plus de 5000 visiteurs depuis le début juin. C’était à prévoir, selon lui, même s’il admet avoir été surpris par le nombre de touristes venus si tôt dans la saison.

« C’est incroyable… depuis que la route est ouverte, tout a été incroyable », s’exclame le maire. « Aussitôt que les traversiers des rivières Peel et Mackenzie ont repris du service, nous avons eu plus de 500 touristes juste pour la première semaine [de juin] ».
Écoutez le reportage de Mario De Ciccio :
Des touristes en quête de « la pointe »
En arrivant à Tuktoyaktuk, la majorité des touristes se rendent directement vers ce que les résidents ont baptisé « la pointe », l’extrémité nord de la communauté entourée par l’océan Arctique.
Tuktoyaktuk n’a toujours pas de terrain de camping ou d’endroit réservé aux véhicules récréatifs.
En attendant une aide du gouvernement territorial, la municipalité a aménagé des toilettes et des tables à pique-niques sur la pointe pour accueillir tous ces touristes.
Selon un artiste local, Joe Nasogaluak, la pointe est devenue l’endroit de rencontre entre les touristes et les résidents qui espèrent tirer profit de l’arrivée de cette vague de visiteurs chez eux.

« Le mot d’ordre, en ville, c’est que pour vendre quelque chose, il faut aller à la pointe », explique le sculpteur. « On peut y vendre du poisson et des oeuvres d’art. C’est une bonne chose pour la communauté, en particulier pour les jeunes », ajoute-t-il.
Au fur et à mesure que les touristes arriveront, le maire Merven Gruben estime que de plus en plus d’entrepreneurs de la communauté commenceront à vendre leurs produits ou à offrir leurs expertises.

Hébergement limité
À Tuktoyaktuk, il n’y a pas d’hôtel, mais il y a depuis quelques mois une auberge de 7 chambres, le End of the Road, et quelques gîtes pour accueillir les touristes.
Ken Lindholm est le directeur général du End of the Road, qui est aussi un dépanneur et, depuis le mois de mai, le seul restaurant de la communauté.

Les affaires vont bien selon lui, mais c’est toute la communauté qui bénéficie d’un tel restaurant ajoute-t-il.

« Les propriétaires ont construit ce restaurant afin de donner à la communauté quelque chose qu’ils n’ont pas eu depuis longtemps », estime Ken Lindholm. « L’ouverture de la route, c’est juste un bonus », soutient-il.
Une route pour partager la culture
Pour Joe Nasogaluak la route c’est la meilleure chose qui soit arrivée à Tuktoyaktuk.
Il y a quelques jours, son groupe, les Tuktoyaktuk Siglit Drummers and Dancers, un groupe de musique et de danse traditionnelle ont participé au mariage d’un couple de visiteurs ontariens.

C’est, selon lui, le genre de célébration culturelle qui vient démontrer à quel point la route peut aider sa communauté à préserver sa culture.
« Pour maintenir sa culture, il faut un public. Avec la route, on a un public », estime l’artiste, ajoutant que « les jeunes ne sont pas toujours intéressés par notre culture, mais là avec la route, en voyant les gens arriver, ils réalisent à quel point la culture est importante ».
Pour lui, au-delà des touristes, l’impact le plus important qu’aura la route sur sa communauté c’est de briser l’isolement.
