Du suicide à des lendemains remplis d’espoir au Nunavik, dans le Nord québécois

Lucasi Iyaituk, 18 ans, coordonnateur du centre d’accueil pour jeunes de Puvirnituq, un village du Nord québécois. Le jeune homme a dessiné des tatouages traditionnels sur son visage pour rendre hommage aux aînés. (Elias Abboud/CBC)
Malgré les sombres statistiques concernant les suicides qui secouent le Nunavik, dans le Nord québécois, de jeunes leaders inuits se disent optimistes face à l’avenir. Certains d’entre eux ont exprimé leurs espoirs et leurs idées la semaine dernière lors d’une réunion d’urgence de deux jours tenue dans le village de Kuujjuaq.

Lucasi Iyaituk souhaite être un jour maire de Puvirnituq. À 18 ans, le jeune homme, même s’il le dit avec le sourire, ne plaisante pas.

Entre-temps, il est le coordonnateur du centre jeunesse de son village de 1800 habitants situé sur la côte de la baie d’Hudson. Une communauté qui a été au cœur des discussions de la réunion d’urgence cette semaine. Et pour cause, 11 jeunes s’y sont enlevé la vie au cours des derniers mois.

Lucasi Iyaituk était l’un des rares délégués de moins de 30 ans à participer à cette rencontre tenue dans la capitale administrative du Nunavik.

Son visage est couvert de tatouages traditionnels qu’il s’est peints pour rendre hommage aux aînés.

« Mon peuple est… important », a-t-il déclaré. « Je ne veux pas que quelqu’un se suicide, et je veux aider. »

Lorsqu’il retournera à Puvirnituq, il racontera aux jeunes les discussions qu’il a eues et il leur dira qu’ils ne sont pas seuls, qu’ils sont aimés.

Lucasi Iyaituk, un joueur de tambour traditionnel inuit, raconte les activités qu’il organise pour eux. « Nous jouons au ping-pong, nous avons des tournois et nous participons aux Jeux inuits », ajoute-t-il en précisant que « [ces jeunes] sont les futurs leaders ». S’il devient maire, il apportera des changements, par exemple en proposant davantage d’activités à la jeunesse.

Il dit que lorsqu’il retournera à Puvirnituq, il racontera ce qu’il a appris à d’autres personnes. « Je vais leur dire qu’ils ne sont pas seuls, qu’ils sont aimés et qu’on va les rendre heureux. »

Des enfants jouent dans un parc de Kuujjuaq, au Nunavik, alors que se déroule une réunion d’urgence organisée par le Conseil des commissaires de Kativik pour réfléchir à des solutions permettant de stopper la vague de suicides touchant particulièrement les jeunes. Parmi les suggestions, offrir plus d’activités récréatives aux jeunes. (Elias Abboud/CBC)
Un portrait du suicide et des services offerts

« L’espoir revient », se réjouit Robert Watt, le chef du Conseil des commissaires de Kativik. C’est lui qui a convoqué une réunion d’urgence après le suicide d’un jeune enfant encore à l’école primaire.

Beaucoup de participants présents à cette rencontre ont maintenant hâte de rentrer chez eux, constate-t-il, pour élaborer leurs propres stratégies de lutte contre le suicide.

Parmi les suggestions formulées par les groupes de travail, citons :

  • Partager plus d’informations concernant les problèmes de santé mentale;
  • Fournir davantage de traitements aux victimes d’abus sexuels;
  • Organiser et offrir des activités traditionnelles sur le territoire avec les jeunes;
  • Mettre en place des stratégies pour contrer l’intimidation.

La Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik a présenté un portrait de la situation du suicide.

Elle révèle que le taux de suicide au Nunavik a considérablement augmenté entre 2004 et 2017 et plus particulièrement entre 2009 et 2013.

Les 13 à 18 ans sont les plus susceptibles de s’enlever la vie, suivis des 19 à 34 ans. Les hommes sont aussi plus nombreux que les femmes à passer à l’acte.

« Nous n’avons d’autre choix que d’être optimiste »

Alicia Aragutak est la présidente du comité de prévention du suicide du Nunavik, créé 2009.

Les problématiques liées au suicide ne sont pas nouvelles, selon elle. « Beaucoup de problèmes [autour du suicide] sont répétitifs et reviennent sans cesse. » Le manque de communication entre son comité et les décideurs du Nunavik fait partie du problème, ajoute-t-elle.

Les ressources pour prévenir le suicide existent et sont disponibles, mais l’information ne se rend pas toujours jusqu’aux communautés. Et les personnes qui travaillent au sein des différentes organisations, que ce soit en santé ou en éducation, entre autres, sont très dispersées.

Alicia Aragutak, 27 ans, la présidente du Comité régional de prévention du suicide du Nunavik. (Elias Abboud/CBC)

« Elles travaillent fort et sont très engagées », dit Alicia Aragutak, « mais ces grandes organisations sont tellement occupées, siégeant à de nombreux comités, réglant toutes sortes de problèmes, qu’il arrive que notre message se perde. »

Alicia Aragutak fait un travail qui la passionne. « Quelles sont les nouvelles façons de faire? Que nous manque-t-il? Comment pouvons-nous nous améliorer? »; la jeune femme de 27 ans ne cesse de réfléchir à de nouvelles façons de faire et continue de développer ses réseaux.

Le rapport de son comité de prévention propose diverses collaborations et stratégies pour contrer le suicide :

  • Collaborer avec le Corps de police régional Kativik pour distribuer des verrous à gâchette aux propriétaires d’armes à feu;
  • Retirer les tringles de garde-robe dans les locaux de l’office municipal d’habitation Kativik et demander aux gens d’installer des cadenas sur les cabanes de chasse;
  • Travailler avec les centres de santé pour promouvoir le stockage des médicaments en toute sécurité.

« La population du Nunavik est si jeune. Il est temps pour nous d’investir dans cette génération qui représente notre avenir », dit la jeune mère d’un enfant de 20 mois.

Car malgré la crise actuelle, Alicia Aragutak est optimiste et comme les autres participants à la réunion d’urgence, elle trouvera, dit-elle, une solution pour mettre fin au désespoir qui a mené tant de jeunes Inuits au suicide.

D’après un texte d’Elias Abboud de CBC traduit par Espaces Autochtones

CBC News

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