Un court-métrage sur les chants de gorge mène deux jeunes Inuit à Sundance

Vêtues de costumes traditionnels, Manon Chamberland (à gauche) et Eva Kaukai (à droite) ont tourné leur film au mois de février dernier, par une température de -25 degrés Celsius. (Photo fournie par Wapikoni Mobile)
Manon Chamberland, 17 ans, et Eva Kaukai, 18 ans, ont décroché un laissez-passer pour le prestigieux festival de films indépendants Sundance grâce à leur court-métrage Katatjatuuk Kangirsumi (Chants de gorge à Kangirsuk), une chance unique de faire découvrir un pan important de la culture inuit au reste du monde.

Le film, qui sera présenté en première mondiale lors du festival à la fin de janvier, met en scène les deux jeunes femmes tandis qu’elles s’adonnent à des chants de gorge au milieu d’une vaste plaine enneigée du Nunavik, dans le Grand Nord québécois.

En plein apprentissage de cette pratique traditionnelle, Manon et Eva ont naturellement proposé un projet sur les chants de gorge à l’équipe du Wapikoni mobile au moment de son escale dans leur petite communauté de Kangirsuk, à 230 kilomètres au nord de Kuujjuaq.

Pour elles, l’objectif d’un tel film était de démontrer que cette tradition millénaire trouve encore aujourd’hui écho auprès des jeunes.

« Tout a débuté avec nos grands-parents qui nous ont appris les chants de gorge afin que nous puissions les transmettre à la prochaine génération et démontrer que notre culture est loin d’être disparue. Elle est bien vivante. »

Manon Chamberland et Eva Kaukai, coréalisatrices

« Ce qui est beau avec ce film, c’est que les jeunes filles apprennent encore à faire du chant de gorge, donc ça démontre la continuité de cette pratique traditionnelle », explique Olivia Thomassie, une cinéaste originaire de Kuujjuaq qui a travaillé comme coordonnatrice locale pour le tournage du court-métrage, en février dernier.

Chanter son territoire

Manon et Eva poursuivent leur apprentissage auprès d’une aînée de leur communauté, qui leur enseigne également la signification des chants et le contexte dans lequel ils ont vu le jour.

Les chants de gorge, généralement pratiqués par les femmes, prennent souvent la forme d’un jeu où l’objectif est de se faire rire mutuellement, mais ils servent aussi à exprimer différents sentiments liés au stress, à la solitude ou à la faim, par exemple. Les sons évoquent ceux de la nature, du quotidien et des animaux.

« C’est toujours relié au territoire et à la réalité des peuples du Nunavik », explique pour sa part la réalisatrice Émilie Baillargeon, qui a étroitement travaillé avec les deux adolescentes comme cinéaste accompagnatrice pour Wapikoni.

« Elles ont voulu montrer que le peuple inuit est un peuple résilient et qu’il a une culture et des connaissances liées à son territoire qui sont vastes. »

Émilie Baillargeon, cinéaste accompagnatrice, Wapinoki mobile

Le film présente donc des chants aux significations très différentes. L’un d’eux est notamment relié aux chiens de traîneau, imitant le son des carrosses et des attelages qui glissent sur la neige.

Un autre chant est quant à lui lié à l’ennui, ou du moins « à la volonté de passer le temps en s’amusant dans un territoire qui peut sembler assez monotone ou linéaire », explique Mme Baillargeon.

Pour accompagner les chants, des images filmées par un drone ont été ajoutées au montage afin de rendre compte du quotidien de la communauté, en hiver comme en été. On y voit notamment des scènes de chasse, de vastes paysages hivernaux, des enfants qui s’amusent dans les rues du village.

De Kangirsuk à Sundance

Des 13 films qui ont été envoyés à Sundance par Wapikoni, Chants de gorge à Kangirsuk est le seul qui a été sélectionné, une nouvelle qui a ravi l’équipe autant que les deux jeunes réalisatrices. « Sur le coup, quand on le leur a annoncé, elles étaient vraiment, vraiment contentes », raconte Émilie Baillargeon.

« C’est tellement gros, ajoute-t-elle. Même pour nous, à Wapikoni. On les imagine là-bas et on trouve ça vraiment gros. Mais je pense qu’elles réalisent l’ampleur du festival et de cette sélection-là. C’est une occasion de montrer leur culture essentiellement. »

Pour Olivia Thomassie, cette sélection est également d’une grande importance pour la communauté inuit. « Ça nous permet de montrer, après toutes ces années d’ignorance de notre culture, que nous en sommes fiers et que nous voulons continuer de la pratiquer », explique-t-elle, évoquant la fierté des aînés de voir la jeune génération s’impliquer.

Le Festival du film de Sundance, qui se déroule du 24 janvier au 3 février, est l’un des principaux festivals de cinéma indépendant au monde, et le plus important événement du genre aux États-Unis. L’an dernier, près de 125 000 personnes y ont participé.

Joëlle Girard, Radio-Canada

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