D’anciennes illustrations d’Inuits du Nord canadien font l’objet d’une exposition
Chasse au harpon, chants de gorge, confection de vêtements en cuir de phoque… Des dessins illustrant des scènes de la vie quotidienne d’Inuits du Nord canadien ont traversé le pays pour se retrouver, une cinquantaine d’années après leur conception, dans une galerie d’art de la Colombie-Britannique, dans l’ouest du pays.
Jusqu’au 13 janvier, l’exposition L’expression de l’Arctique moderne – Dessins de la région nord de l’île de Baffin, 1964 regroupe 50 illustrations de femmes et d’hommes inuits à la Galerie d’art de Burnaby, située à l’est de Vancouver. Elle est présentée en anglais, en français et en inuktitut.
Dessinées au crayon graphite en 1964, les œuvres reconstituent des scènes du quotidien d’Inuits âgés de 17 à 72 ans provenant de plusieurs collectivités du nord de l’île de Baffin (« Qikiqtaaluk » en inuktitut), située dans le territoire nordique du Nunavut.
La vente et la création d’œuvres d’art occupent une place importante sur l’île de Baffin, particulièrement à Cape Dorset, une communauté de 1500 habitants où près du quart de la population travaille dans le milieu des arts.
Norman Vorano, un conservateur d’art autochtone de l’Université Queen’s de Kingston, en Ontario, est derrière ce projet coproduit par le Musée canadien de l’histoire et le Centre d’art Agnes Etherington de Kingston.
Jointe par téléphone à Kingston, la directrice du Centre d’art Agnes Etherington, Jan Allen, croit que ces illustrations se démarquent pour leur « acuité graphique, la manière dont ils dépeignent une histoire de la vie quotidienne, leur langage visuel [et] le nombre de détails qu’ils regroupent ».
Des vidéos explicatives accompagnent la majorité des dessins qui sont regroupés sous les thèmes de l’identité, du territoire et de l’histoire. « [Norman Vorano] a pu retrouver certains descendants [des auteurs de ces dessins] pour qu’ils puissent expliquer les scènes qui avaient été illustrées et quel effet ces œuvres avaient maintenant sur eux », indique Jan Allen.
Immortaliser un tournant historique
Le projet initial est l’initiative de Terry Ryan, conseiller artistique puis directeur général pendant près de 50 ans de la Coopérative Eskimo de West Baffin.
Après avoir présenté une demande de subvention au Conseil des arts du Canada, Terry Ryan s’est rendu dans le nord de l’île de Baffin pour demander à plusieurs Inuits d’illustrer des bribes de leur quotidien. Conscient de l’effritement graduel de certaines pratiques ancestrales des Inuits et de la fin imminente du nomadisme, Terry Ryan a senti l’urgence d’immortaliser un tournant historique, explique Jan Allen.
En seulement trois mois, il a ainsi pu bâtir une collection de 1860 illustrations. « Plusieurs [Inuits] sentaient déjà que leur environnement et leur mode de vie étaient en train de changer », mentionne la directrice du Centre d’art Agnes Etherington.
Terry Ryan aurait arrêté son choix sur les communautés de Clyde River, de Pond Inlet et d’Arctic Bay, car elles ne disposaient d’aucun programme officiel d’art à l’époque. Il s’attendait alors à ce que les personnes qu’il retiendrait pour son projet s’exprimeraient plus librement et sans biais sociaux à travers leurs dessins. « Il a voulu capturer ce moment avant qu’il ne soit plus possible de le faire », croit Jan Allen.
Selon le directeur des partenariats et de la gestion de l’information au Musée canadien de l’histoire, Nicolas Gauvin, l’engouement des musées du sud du pays pour l’art inuit est de plus en plus prononcé depuis les dernières années, particulièrement lorsqu’il s’agit d’œuvres issues des années 1960, « où il y a eu un grand questionnement par rapport à la modernisation ».
Avant d’arriver à Burnaby au mois de novembre, l’exposition itinérante s’est notamment rendue à Gatineau, au Québec, ainsi qu’à Iqaluit, à Clyde River et à Pond Inlet, au Nunavut.
Nicolas Gauvin souhaiterait voir l’exposition continuer sa tournée au pays, mais le matériau utilisé restreint la durée de vie des dessins à long terme. « Étant donné que ce sont des dessins [sur des feuilles] de papier, on ne peut pas les exposer trop longtemps, précise-t-il. Normalement, c’est un maximum d’exposition de deux ans. »
Les Fonds des expositions itinérantes du gouvernement fédéral, qui aident les musées à assumer les coûts liés au déplacement d’une exposition, ont permis à la collection de se déplacer à travers le pays.
Les illustrations seront exposées à la Galerie d’art de Woodstock, en Ontario, du 16 février au 30 juin.
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