Un organisme remet en question les quarantaines avant l’entrée au Nunavut

Selon l’Association canadienne des libertés civiles, les quarantaines imposées par le gouvernement du Nunavut pour entrer au territoire ne sont plus conformes à la Charte canadienne des droits et libertés. (Matisse Harvey / Radio-Canada)

L’Association canadienne des libertés civiles (ACLC) dénonce des restrictions « disproportionnées » et « contraires à la loi » pour entrer au territoire.

L’ACLC soutient que les quarantaines imposées par le gouvernement du Nunavut ne sont plus conformes à la Charte canadienne des droits et libertés.

C’est ce qu’elle affirme dans une lettre envoyée mercredi au ministre de la Santé, Lorne Kusugak, et au médecin hygiéniste en chef du Nunavut, Michael Patterson, et dont Radio-Canada a obtenu copie.

Bien que l’isolement obligatoire dans des hôtels ait été justifié à un certain moment, notre compréhension collective du virus a considérablement évolué, dit la lettre.

Depuis 14 mois, ces centres de quarantaine aménagés dans des hôtels d’Ottawa, de Winnipeg, d’Edmonton et de Yellowknife sont un passage obligé pour la plupart des résidents du Nunavut qui souhaitent y rentrer. Ils doivent y demeurer durant 14 jours avant leur entrée au Nunavut.

Les Nunavummiut qui quittent le territoire pour des rendez-vous médicaux dans le Sud bénéficient quant à eux d’un isolement accéléré. En s’isolant entre leurs rendez-vous médicaux, ils peuvent ainsi revenir au Nunavut dans les 7 jours suivant leur départ du territoire, plutôt que 14 jours, comme c’est le cas pour les autres voyageurs.

Entre les mois de mars 2020 et de mars 2021, près de 14 000 personnes sont passées par ces centres d’isolement, selon les données du ministère territorial de la Santé.

Les résidents du Nunavut qui ont quitté leur territoire, mais souhaitent y revenir, doivent se soumettre à une quarantaine de 14 jours dans un hôtel du sud du pays. (Matisse Harvey / Radio-Canada)
Des restrictions trop strictes, selon l’ACLC

La directrice du Programme des libertés fondamentales de l’ACLC, Cara Faith Zwibel, qui est à l’origine de la lettre envoyée aux autorités sanitaires, croit que le gouvernement du Nunavut devra ajuster le tir pour mieux respecter les droits et les libertés individuelles des Nunavummiut.

La Charte canadienne des droits et libertés garantit aux citoyens canadiens et aux résidents permanents le droit de se déplacer à l’intérieur du pays, explique-t-elle. Ce droit peut être limité par le gouvernement, mais ces limites doivent être raisonnables et justifiées.

Or, compte tenu du haut taux de vaccination des adultes du territoire, elle affirme que la sévérité des restrictions d’isolement au Nunavut n’est ni raisonnable ni justifiée.

En date de lundi, environ 60 % des Nunavummiut de 18 ans et plus avaient reçu leurs deux doses du vaccin de Moderna. C’est aussi le cas pour 76 % des résidents d’Iqaluit.

En date du 31 mai, environ 15 000 Nunavummiut de plus de 18 ans avaient reçu leurs deux doses du vaccin de Moderna. (Matisse Harvey / Radio-Canada)
Pour atteindre les objectifs de santé publique, il y a d’autres mesures moins restrictives et tout aussi efficaces qui pourraient être mises en place.Cara Faith Zwibel, directrice du Programme des libertés fondamentales de l’ACLC

Le 27 mai, le Comité consultatif d’experts sur les tests et le dépistage du coronavirus au Canada a recommandé, dans un rapport, la levée de la quarantaine obligatoire de trois jours exigée de la part des voyageurs qui arrivent au Canada en provenance de l’étranger.

L’avocate Cara Faith Zwibel affirme que les provinces et les territoires devraient tenir compte des recommandations du comité.

Le Comité suggère d’ailleurs que les voyageurs ayant reçu deux doses de vaccin contre la COVID-19 et recevant un résultat de test de dépistage négatif soient dispensés de quarantaine à leur arrivée au Canada.

Selon le groupe d’experts, réduire la quarantaine à une semaine et imposer un test de dépistage négatif au septième jour de l’isolement serait tout aussi efficace qu’une quarantaine de 14 jours.

Le groupe d’experts suggère notamment de tester les personnes en isolement lors de leur 7e jour. (Pascal Rossignol / Reuters)
Une stratégie initialement efficace

Le député territorial de la circonscription d’Iqaluit-Manirajak, Adam Arreak Lightstone, est d’avis que les centres de quarantaine ont été une stratégie efficace pour empêcher l’arrivée du virus sur le territoire.

Quand ces centres de quarantaines ont été mis en place il y a un an, je pense qu’ils étaient absolument nécessaires, dit-il.

De fait, le tout premier cas de COVID-19 au Nunavut a été recensé au mois de novembre, soit quelque huit mois après le début de la crise sanitaire.

Après avoir traversé une récente éclosion d’infections, Iqaluit dénombre désormais neuf cas actifs. Elle demeure à ce jour la seule communauté du territoire recensant des cas.

Adam Arreak Lightstone croit toutefois qu’il est temps de repenser les restrictions d’isolement.

S’isoler pendant deux semaines dans une chambre d’hôtel est vraiment éprouvant, soutient-il. J’ai entendu beaucoup de témoignages très sérieux et préoccupants au sujet de jeunes qui ont souffert decette expérience.

« Je pense qu’il est temps que le gouvernement du Nunavut pèse le pour et le contre des centres d’isolement », croit Adam Arreak Lighstone.

« Je pense qu’il est temps que le gouvernement du Nunavut pèse le pour et le contre des centres d’isolement », croit Adam Arreak Lightstone. (Matisse Harvey / Radio-Canada)

Il faut aussi tenir compte de l’engagement financier, qui a été considérable, souligne-t-il.

En mai, ces centres de quarantaine avaient déjà coûté environ 82 millions de dollars aux gouvernements territorial et fédéral. En moyenne, la facture d’une quarantaine de 14 jours s’élève à environ 5000 $ par personne, une somme assumée par les autorités sanitaires du Nunavut.

Le premier ministre du Nunavut, Joe Savikataaq, admet que les restrictions en vigueur au territoire ne pourront pas demeurer telles quelles éternellement. Notre objectif a toujours été de fermer les centres de quarantaine dès que nous le pouvons, assure-t-il.

Il indique que le gouvernement étudie diverses options qui s’appuient notamment sur le taux de vaccination dans le Sud et sur le nombre d’infections, dit-il.

Au moment de la publication de cet article, le médecin hygiéniste en chef n’avait pu nous accorder d’entrevue. Il tiendra un point de presse vendredi matin pour faire le point sur la situation de COVID-19 au territoire.

Avec les informations de John Eetuk

Matisse Harvey, Radio-Canada

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