Les communautés du Grand Nord canadien ont accès à des produits frais grâce aux serres
De plus en plus de communautés nordiques se tournent vers l’agriculture en serre pour combattre l’insécurité alimentaire. Outre l’approvisionnement en fruits et légumes, ces nouveaux projets ont également pour effet de renforcer les liens communautaires.
Des rangées et des rangées de plates-bandes surélevées où poussent des tomates, des courgettes, des haricots, des fleurs sauvages et des herbes bordent l’intérieur de la serre communautaire d’Inuvik.
La lumière du soleil traverse les vitres du plafond incurvé au-dessus, tandis que les enfants arrosent leurs cultures avec des arrosoirs verts en plastique.
La serre commerciale de la communauté des Territoires du Nord-Ouest se trouve dans un ancien aréna. Les membres de la communauté peuvent y louer des parcelles pour cultiver des légumes et d’autres plantes et s’initier au jardinage.
« Chaque fois que je viens ici, je ne vois que des gens sourire », raconte Adi Scott, qui coordonne la serre.
Les communautés éloignées et autochtones, en particulier dans le Nord, utilisent de plus en plus les serres pour cultiver leurs propres produits, promouvoir l’autosuffisance et, dans certains cas, créer des occasions d’affaires, affirme Andrew Spring, professeur adjoint à l’Université Wilfrid Laurier et titulaire d’une chaire de recherche du Canada sur les systèmes alimentaires durables dans le Nord.
« La sécurité alimentaire est un problème dans tout le Nord en raison du coût élevé des produits d’épicerie et des effets à long terme de la colonisation sur les communautés autochtones du Nord », indique M. Spring.
Insécurité alimentaire dans le Nord
Les données de Statistique Canada montrent qu’en 2019, 46,1 % des habitants du Nunavut, 23,1 % de ceux des Territoires du Nord-Ouest et 15,3 % de ceux du Yukon vivaient dans des ménages en situation d’insécurité alimentaire, comparativement à une moyenne nationale de 10,6 %.
Une grande partie de la nourriture transportée vers le Nord est transformée, sans parler du prix, et l’accès aux fruits ou légumes frais est limité, souligne Andrew Spring. Pendant ce temps, la participation à des activités traditionnelles comme la cueillette ou la chasse diminue depuis des décennies dans de nombreuses communautés, ce qui signifie qu’elles dépendent davantage de la nourriture des magasins, note-t-il.
Le changement climatique « rend une situation vulnérable encore plus précaire », ajoute-t-il, car il perturbe les transports aériens ou sur les routes de glace utilisées depuis longtemps.
Adi Scott dit que la serre d’Inuvik, qui fonctionne d’avril à septembre, peut aider à réduire la facture d’épicerie, mais qu’elle ne suffit pas vraiment à diminuer la dépendance aux aliments provenant de l’extérieur du territoire. Au lieu de cela, la serre se concentre principalement sur l’éducation et le renforcement de la communauté.
Lancer des projets, et les garder vivants
En décembre 2022, le gouvernement fédéral a annoncé un soutien de 19,5 millions de dollars pour jusqu’à 79 nouveaux projets liés à la sécurité alimentaire dans les communautés autochtones, éloignées et nordiques, dans le cadre de la quatrième phase du Fonds pour l’infrastructure alimentaire locale.
Depuis 2019, il a soutenu environ 900 projets au pays, y compris des serres dans des communautés éloignées et nordiques.
Il est important que les organisations qui aident à démarrer des serres et d’autres projets agricoles travaillent avec la communauté, croit Raygan Solotki, le directeur général de Green Iglu. L’organisme à but non lucratif aide les communautés éloignées à planifier, à construire et à exécuter des projets, se spécialisant dans les serres à dôme géodésique.
« Nous sommes ici pour travailler avec la communauté pour nous assurer que nous faisons ce que la communauté veut », a-t-il mentionné
Les plus grands défis surviennent souvent une fois que la serre est construite, explique Andrew Spring. Certaines communautés ont eu plus de succès que d’autres dans la construction d’un projet de serre ou de jardin durable à long terme, mais il faut trouver une personne ou un petit groupe de personnes prêtes à s’engager à le gérer, ajoute-t-il.
« Ce champion de la communauté, qui en est passionné et qui a le genre de compétences et les connaissances pour faire le travail. Et faire en sorte que ces personnes restent dans la communauté est souvent le défi », dit-il.
Tom Henheffer, codirecteur général de l’Arctic Research Foundation, souligne l’importance d’établir des relations avec les communautés pour que les projets réussissent.
Un autre projet au Nunavut
La fondation s’est associée à Agriculture et Agroalimentaire Canada, au Conseil national de recherches Canada, à l’Agence spatiale canadienne et à la communauté de Gjoa Haven, au Nunavut, pour le projet Naurvik, un système alimentaire hydroponique dirigé par la communauté qui a débuté en 2019.
« Un certain nombre de projets similaires ont échoué. Et ce qui les différencie, ce sont vraiment les gens qui les construisent à partir de zéro avec la communauté », remarque Tom Henheffer.
Le travail dans la serre est effectué par des techniciens locaux et son emplacement a été choisi par les aînés, précise-t-il, en ajoutant que les membres de la communauté savent le mieux quels légumes les habitants veulent manger pour accompagner des aliments comme le ragoût de caribou et l’omble chevalier.