In memoriam : les Franco-Yukonnais qui nous ont quittés cette année

L’artiste Libby Dulac était reconnue pour ses grandes toiles représentant les paysages de la région. (Gouvernement du Yukon)

Plusieurs pionniers et membres importants de la communauté franco-yukonnaise nous ont quittés en 2023. Des personnes qui ont marqué le Yukon à leur façon et assisté à la renaissance de la francophonie yukonnaise et à la mise en place de ses institutions.

Le président de la Société d’histoire francophone du Yukon, Yann Herry, a tenu à souligner le parcours de cinq d’entre elles pour la diversité de leurs origines et de leurs engagements communautaires.

Libby Dulac, peintre des grands espaces

Libby Dulac est née en 1947 à Pearly, en Angleterre, dans une famille aristocratique. Dans une entrevue accordée à CBC quelques jours après le décès de sa mère, Claire Dulac racontait que ses grands-parents maternels étaient «complètement choqués» par le style de vie rustique de leur fille, qui habitait une maison à Haines Junction.

Après avoir rencontré son mari à Lyon, en France dans les années 1970, le couple, attiré par les grands espaces, a décidé de mettre le cap sur le Yukon où Claude Dulac a obtenu un poste auprès de Parcs Canada.

Libby Dulac s’installait à l’extérieur, souvent avec son aquarelle, pour esquisser les montagnes de la chaîne St. Elias. (Dulac Art)

C’est ainsi que Libby a eu l’occasion de voir les époustouflants paysages de la région et l’idée de commencer à les peindre. «Comme héritage, c’est sûr qu’on voit ses peintures partout au Yukon, elles sont caractéristiques», souligne Yann Herry.

«C’était une dame toujours prête à accueillir […] et toujours prête à participer aux événements de la francophonie yukonnaise lorsqu’elle en avait la chance», dit-il.

«Elle était très engagée dans sa communauté, surtout au niveau des services catholiques», explique-t-il. Lorsqu’il n’y avait plus de prêtres catholiques à Haines Junction, Claude et Libby se sont proposés pour continuer à s’occuper de la liturgie dans la petite église située dans un ancien entrepôt américain.

Christian Klein, de l’Alsace au Grand Nord

«C’est un pilier de la francophonie yukonnaise. Il a toujours été impliqué dans la communauté, y compris au début de l’Association franco-yukonnaise», assure Yann Herry.

Né en Alsace où il a été témoin de la Seconde Guerre mondiale, Christian Klein est d’abord arrivé au Québec, en 1968, avec un diplôme d’ingénieur en poche. Incapable de trouver du travail, il s’est finalement tourné vers l’éducation avant de s’envoler pour le Nunavik afin d’y enseigner.

Christian Klein a toujours eu une affinité pour le Grand Nord et a vécu au Nunavik avant de venir s’installer au Yukon.
(PHOTO : PROJET HISTOIRES DE GUERRE DE L’ASSOCIATION FRANCO-YUKONNAISE)

«Il a toujours eu une grande affinité pour le Nord», raconte le président de la Société d’histoire francophone du Yukon. Après un passage à Fort McMurray, en Alberta, Christian Klein s’est finalement établi au Yukon où il a été très actif dans la francophonie.

Il y a d’ailleurs un peu de lui dans l’édifice du Centre de la francophonie puisqu’il partageait ses avis avec le conseil de la Société des immeubles franco-yukonnais lors de sa construction.

«Il était toujours affable, prêt à parler, à conseiller», se remémore Yann Herry en ajoutant que Christian Klein allait toujours au-devant des gens.

Andrée Jerôme-North et la préservation de l’histoire

«Andrée est de Montréal et c’est un parcours qui est intéressant pour moi qui aime l’histoire puisque c’était le parcours de beaucoup de francophones de l’époque des années 70, soit quitter le Québec pour aller vers l’ouest pour des modes de vie alternatifs, mais aussi pour des emplois», explique Yann Herry.

Elle a fait d’abord un saut au Manitoba, puis en Colombie-Britannique avant de déménager à Faro, en 1974, pour travailler dans les mines. Elle a ensuite été la directrice générale de l’Association franco-yukonnaise dans les premières années de sa création, de 1986-1987.

Andrée Jérôme-North a été directrice générale de l’AFY de 1986 à 1987. (Aurore Boréale)

Avec son mari, elle a surtout travaillé sur l’histoire du Yukon, tout particulièrement celle de Jack London. Ce sont eux qui ont déplacé une partie de la cabane où l’écrivain a vécu à Dawson Creek pour l’emmener jusqu’à Dawson et en faire un musée.

«Elle était très affectueuse, très démonstrative. Elle était tellement heureuse qu’on la visite et qu’elle puisse pouvoir parler en français avec les gens», se rappelle Yann Herry.

«Vers la fin de sa vie, une photo d’elle a été mise près de son lit. C’était elle jeune, à Montréal, avec des gants blancs et un immense sourire et pour moi c’est comme ça que je l’ai toujours connu, avec ce grand sourire et son amour pour la francophonie», dit-il.

Fernand Laforge, un des piliers de l’éducation en français

Fernand Laforge est originaire de Grand Falls, au Nouveau-Brunswick, où il a grandi dans une famille nombreuse avant de faire son bout de chemin jusqu’au Yukon pour travailler, comme plusieurs autres à cette époque, dans les mines d’argent de la région de Keno-Elsa.

Il est ensuite retourné aux études pour devenir mécanicien de machinerie lourde, ce qui lui a permis de travailler de nombreuses années au sein du gouvernement territorial.

Fernand Laforge était connu pour sa joie de vivre et son grand rire. (Archives d’Aurore Boréale)

Impliqué depuis les tout débuts avec la Commission scolaire francophone du Yukon dans les années 90 à titre de commissaire, Fernand Laforge était toujours présent lors des assemblées générales annuelles.

«Sa caractéristique c’était son rire. Je ne pense pas qu’il y ait une conversation qui était faite sans qu’il y ait des éclats de rire énorme. Il avait une joie de vivre», illustre Yann Herry.

Il soutient que Fernand Laforge était aussi une personne très perspicace, notamment lorsqu’il était question des enjeux francophones.

Antoinette Lessard-Poulin, un modèle à suivre

Antoinette Lessard est née en Beauce, au Québec, où elle a rencontré son mari Bruno Poulin. Ensemble, ils sont venus s’établir à Whitehorse en 1957, quatre ans seulement après que la ville ait obtenu le statut de capitale du territoire.

«Les années 50 à 80 ce sont des années méconnues de la francophonie parce que c’était une époque où il n’y avait pas encore de rassemblement, d’unité dans la francophonie. C’était l’époque de l’assimilation, surtout de recherche d’emploi, c’était la priorité plutôt que la sauvegarde de la langue», souligne Yann Herry.

Antoinette Lessard-Poulin ne reculait devant aucun travail difficile notamment sur les concessions minières qu’elle possédait avec son mari dans le sud du territoire. (Yann Herry)

À l’arrivée des syndicats dans les années 70-80, alors qu’elle était préposée au nettoyage dans les écoles, Antoinette Lessard-Poulin risquait de perdre son emploi puisqu’une certification allait dorénavant être exigée, une certification qu’elle n’avait pas.

«Au lieu d’accepter de perdre son emploi, elle a décidé de prendre le taureau par les cornes et de devenir opératrice d’installation thermique, ce qui lui donnait aussi un certificat pour conduire de la machinerie lourde, ce dont elle était très fière», assure Yann Herry.

Le couple a ensuite investi dans des concessions minières dans le sud du Yukon. Antoinette faisait toutes les tâches lourdes que cela demandait, tout en gardant toujours un grand sourire et un bon mot pour tous.

Pour le président de la Société d’histoire francophone du Yukon, Yann Herry, l’héritage d’Antoinnette Lessard-Poulin tient du modèle qu’elle représente et de sa force de caractère.

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