Près de la moitié du Nunavut a été appelée à faire bouillir son eau cette année

De l'eau en ébulition.
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De l’eau en ébulition. Photo : Radio-Canada / Jonathan Villeneuve

Le Nunavut n’est pas étranger aux avis d’ébullition de l’eau, mais cette année seulement, 11 de ses 25 communautés ont reçu cet ordre au moins une fois.

Certains avis, comme à Rankin Inlet et Iqaluit, sont des mesures de précaution dues à la modernisation des infrastructures.

La plupart des autres avis concernent des problèmes tels que des niveaux de chlore incohérents, une turbidité (trouble) élevée et des niveaux élevés de bactéries.

L’avis concernant Baker Lake a été émis le 10 juin. Il a finalement été levé vendredi, soit 166 jours plus tard.

Gloria Anawak est l’une des 14 personnes qui vivent dans une maison de trois chambres à coucher à Baker Lake. La plupart des membres de sa famille sont des enfants en bas âge, vulnérables à l’eau sale.

Nous essayons toujours de nous assurer qu’ils ont de l’eau bouillie, parce que nous avons peur qu’ils tombent malades, a-t-elle déclaré.

Depuis 2019, Baker Lake a fait l’objet d’un avis d’ébullition de l’eau chaque année, sauf en 2023.

Cela se produit si souvent qu’e Gloria Anawak ne boit pas directement l’eau du robinet, qu’un avis ait été émis ou non.

Il semble que ces dernières années, il y a eu beaucoup d’avis de faire bouillir l’eau. On a donc l’impression qu’il ne sert à rien d’avoir de l’eau du robinet, dit-elle.

« Lorsque l’avis de faire bouillir l’eau sera levé, que se passera-t-il avec les camions-citernes? Vont-ils nettoyer tous les camions-citernes? Et chaque maison a des tuyaux qui partent du réservoir d’eau. »

Matthew Hough, sous-ministre adjoint des Infrastructures du Nunavut, a déclaré que le problème de la qualité de l’eau de Baker Lake est en partie dû à sa situation géographique. L’air frais du printemps pousse le limon  d’une rivière voisine dans le lac Baker, d’où la communauté tire son eau potable.

L’usine [de traitement des eaux] n’a pas été conçue pour éliminer ce limon, a-t-il affirmé, ce qui est à l’origine de l’eau trouble.

Il s’agit de l’une des nombreuses stations d’épuration qui seront remplacées dans les années à venir.

300 millions de dollars sur 4 ans pour le Nunavut

Selon M. Hough, tous les avis d’ébullition de l’eau indiquent que le système d’alerte fonctionne comme prévu. Il signale quand il est sûr – ou non – de boire l’eau du robinet, et quelles sont les mesures à prendre pour y remédier.

Les Nunavummiut peuvent faire confiance à l’eau qui sort de leurs robinets, a-t-il assuré.

En début d’année, David Joanasie, ministre des Services communautaires et gouvernementaux, a indiqué que certaines usines de traitement de l’eau ne respectaient pas les directives fédérales en matière de qualité de l’eau potable.

Depuis la semaine dernière, M. Hough affirme que toutes les stations d’épuration du territoire respectent désormais ces normes. Il reconnaît toutefois que les infrastructures du Nunavut sont vieillissantes et qu’elles ont été construites pour répondre aux normes en vigueur au moment de leur conception.

Ces normes évoluent constamment et le territoire cherche actuellement à remplacer les règlements actuels sur l’approvisionnement en eau publique par de nouveaux règlements sur l’eau potable municipale.

Au cours des quatre prochaines années, le gouvernement du Nunavut investira plus de 300 millions de dollars dans l’infrastructure de l’eau, avec l’aide du gouvernement fédéral.

Environ une demi-douzaine d’usines de traitement ont été identifiées pour être modernisées, a souligné M. Hough, et elles seront construites pour répondre aux besoins d’une population plus nombreuse à l’avenir.

À partir de 2023, lorsque la stratégie de qualité de l’eau a été finalisée, l’élan a vraiment été donné en ce qui concerne l’infrastructure physique, a dit M. Hough.

La façade extérieure de la station d'épuration d'Iqaluit.
La station d’épuration d’Iqaluit. (Photo d’archives) Photo : La Presse canadienne / Dustin Patar

Le savoir traditionnel des aînés et des femmes

Pedro Arrojo-Agudo, rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’eau potable et à l’assainissement, s’est rendu au Nunavut au début de l’année.

Le vieillissement de l’infrastructure de traitement de l’eau du Nunavut fait partie du rapport final qu’il a présenté en septembre. Environ 85 % de ces infrastructures sont en mauvais état.

L’indisponibilité systématique ou fréquente de l’eau potable […] constitue une violation du droit de la personne à l’eau potable. Dans ces cas, des informations publiques sur la non-potabilité de l’eau sont diffusées, mais elles ne suffisent pas à remplir l’obligation de garantir l’accès de tous à l’eau potable, écrit-il dans son rapport.

Il a également plaidé en faveur du droit à l’eau potable pour tous.

Lori Idlout, députée néo-démocrate du Nunavut, attribue le problème à un manque d’investissement du gouvernement fédéral.

Il existe déjà des instruments de droit international que le Canada a adoptés […] et il ne les respecte pas, a-t-elle affirmé.

M. Arrojo-Agudo a également souligné l’importance des savoirs traditionnels détenus par les femmes et les aînés, qui connaissent bien l’eau et l’environnement.

Il a fait référence à la contamination de l’eau à Iqaluit en 2021, où les femmes ont alerté sur l’évolution de la qualité de l’eau avant que quiconque ne s’en aperçoive.

Mme Idlout estime que l’on se fie encore trop aux experts scientifiques.

Nous devons accorder le même niveau de ressources aux aînés et aux femmes qui peuvent prendre des décisions tout aussi éclairées sur la manière d’influer sur les politiques et la législation, a-t-elle déclaré.

Un verre d'eau sous un robinet
Environ 85 % des infrastructures de traitement de l’eau au Nunavut sont en mauvais état. (Photo d’archives) Photo : Radio-Canada

Selon M. Hough, les consultations des communautés sont essentielles à toute décision prise par le gouvernement avant de procéder à de nouvelles constructions.

Après avoir parlé à CBC, Mme Idlout a soulevé la question des avis d’ébullition de l’eau au Nunavut à la Chambre des communes, mercredi dernier.

En réponse, le premier ministre Justin Trudeau a demandé au NPD de cesser de ralentir le projet de loi sur l’eau potable […] afin que nous puissions réellement fournir aux Canadiens l’eau dont ils ont besoin d’un océan à l’autre, y compris au Nunavut.

Il fait référence au projet de loi C-61, qui s’applique au soutien des systèmes publics d’approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées sur les terres des Premières Nations. Il ne concerne pas le Nunavut.

Dans une déclaration écrite à CBC, Services aux Autochtones Canada a précisé que « la responsabilité des services d’approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées dans les communautés du Nunavut a été entièrement transférée au gouvernement territorial ».

Par conséquent, le gouvernement du Nunavut est responsable du financement, de la supervision et de la réglementation de l’eau, ainsi que de l’approvisionnement en eau potable.

D’après un texte de Samuel Wat, de CBC

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