Jusqu’où ira Trump avec le Groenland? La question hante le Danemark plus que jamais

Les réunions d’urgence se multiplient à Copenhague entre la classe politique et la classe économique danoise, avec en toile de fond une question qui les hante et demeure sans réponse ferme : jusqu’où ira Donald Trump pour s’emparer du Groenland?
« Nous allons probablement être confrontés à une période longue et difficile »
, écrivait la première ministre du Danemark, Mette Frederiksen, dans un long message publié sur le réseau social Facebook quelques heures avant l’assermentation, lundi, du nouveau président des États-Unis.
Mais peu importe ce qu’il dira dans son discours, je m’attends à ce que nous, Européens, devions naviguer dans une nouvelle réalité.
Le Danemark et le territoire autonome qui lui appartient, le Groenland, n’ont pas été mentionnés dans le discours d’investiture du président à Washington, comme l’a été le Panama.
Mais une fois installé dans le bureau ovale, en soirée, Donald Trump a réaffirmé devant les journalistes son intérêt pour ce territoire nordique, comme il l’avait fait une semaine plus tôt.
Le Groenland est un endroit merveilleux et nous en avons besoin pour des raisons de sécurité. Et je suis convaincu que le Danemark finira par accepter, affirme Donald Trump.
Nous ne pouvons pas avoir un ordre mondial dans lequel les pays, s’ils sont assez grands, […] peuvent se servir à leur guise, a mis en garde Lars Løkke Rasmussen.
Quelques heures plus tard, un élu républicain, Andy Ogles, annonçait sur Fox News son intention de déposer un projet de loi pour demander au Congrès de soutenir des négociations entre le président Trump et le Danemark en vue de l’acquisition immédiate du Groenland.
Cela peut paraître fou, mais ça fait plus de 100 ans que nous convoitons le Groenland. Il est à notre porte, dans notre zone d’opération, et nous sommes le prédateur dominant, a-t-il déclaré, en évoquant les dangers que représentent la Chine et la Russie dans l’Arctique.
Si la classe politique au parlement danois reste polie dans l’espoir de raisonner le président américain , l’euro-député danois Anders Vistisen y est allé d’un avertissement plus clair, mercredi au parlement européen, qui lui a valu d’être rappelé à l’ordre.
Cher président Trump, écoutez très attentivement : le Groenland fait partie du royaume danois depuis 800 ans. Il fait partie intégrante de notre pays et n’est pas à vendre. Laissez-moi vous le dire avec des mots que vous pourriez comprendre : Monsieur Trump, allez vous faire foutre!
Mette Frederiksen en était ressortie ébranlée. Lors de cette conversation d’une heure, le président aurait réitéré ses menaces d’une guerre commerciale si jamais le Danemark ne lui cédait pas le Groenland.
Donald Trump aurait aussi, selon la première ministre, refusé de retirer son commentaire du 7 janvier, voulant qu’il n’écarte pas la possibilité de recourir à la force pour l’annexer.
Le président Trump semble faire abstraction du fait que le Groenland n’est ni à vendre ni à donner.
La plus grande île du monde, de plus en plus prisée pour ses richesses naturelles, est un territoire autonome et maître de son destin
, ont répété à plusieurs reprises les autorités danoises et celle du Groenland (où les États-Unis disposent déjà d’une base militaire stratégique).
Le nouveau président a clairement lié le sort et l’avenir du Groenland à des sanctions économiques contre le Danemark, voire à une sorte d’action militaire. C’est une situation que nous n’avons jamais vue auparavant de la part d’un président américain, jamais, a martelé Lukas Lausen, analyste et chef des exportations et de l’investissement à la Confédération de l’Industrie danoise.Et c’est, bien sûr, quelque chose qui nous préoccupe énormément.
Même répéter les menaces du président Trump à voix haute lui paraît complètement absurde, car les États-Unis représentent le premier marché d’exportation du Danemark, en plus d’être un allié stratégique depuis les années 1940 en matière de défense et de sécurité.
En plus, les deux pays sont membres fondateurs de l’OTAN.
Quoi qu’il en soit, tout indique que l’île est devenue l’un des principaux pions de la politique expansionniste et des menaces tarifaires de l’administration Trump.
Le Danemark est devenu en quelque sorte le symbole du conflit commercial que le nouveau président semble vouloir avoir avec l’Europe. C’est une situation grave.
Et il est, selon lui, absolument nécessaire de régler la situation dès les premières semaines de l’administration Trump pour éviter qu’elle dégénère et pour que le sort du Groenland soit reconnu comme étant entre les seules mains des Groenlandais.
Le libre-échange entre les trois partenaires commerciaux que sont l’Union européenne, les États-Unis et le Danemark ne peut pas être remis en question en jouant avec l’avenir du Groenland, conclut-il.
Tout comme le Canada, à qui le président Trump menace d’imposer des tarifs sur ses exportations, le Danemark prépare sa riposte en cas de conflit commercial.
À titre de membre de l’Union européenne, le Danemark ne peut qu’espérer une mobilisation de ses alliés, dont plusieurs, comme la France et l’Allemagne, sont eux aussi menacés de voir leurs exportations soumises à de nouveaux tarifs.
L’Union européenne s’est d’ailleurs munie, il y a deux ans, d’une politique pour contrer en bloc toute tentative de coercition économique d’un pays tiers.
La politique permet aux 27 pays membres d’adopter des contre-mesures si le pays visé n’arrive pas à désamorcer la crise.
Reste à voir s’il y a une ouverture pour négocier avec Donald Trump, qui maintient avoir besoin du Groenland pour des raisons stratégiques.
En attendant, le gouvernement danois s’est engagé auprès des États-Unis à renforcer la défense du Groenland, à hauteur d’un milliard et demi d’euros.
Toutefois, la suite demeure imprévisible, tout comme l’agenda européen du nouveau président et la forme que prendra sa doctrine de l’Amérique d’abord et à tout prix.
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