Une étude témoigne des mutations de la flore arctique

Au beau milieu d'une étendue herbeuse, une personne consulte une tablette électronique tandis qu'une autre personne se penche sur une structure quadrillée qui surplombe la végétation.
Des chercheurs collectent des données sur la biodiversité végétale de la toundra sur l’île Qikiqtaruk-Herschel, dans l’Arctique canadien. (Photo : Nature/Jeff Kerby)

Une récente étude publiée dans la revue Nature témoigne des effets du changement climatique sur la flore arctique. Cette étude se penche sur la composition de la flore dans plus 2000 sites à travers l’Arctique canadien, l’Alaska et la Scandinavie.

Quelque 54 chercheurs de 50 établissements différents ont collaboré à ce projet qui s’est étendu sur quatre décennies. En tout, 45 des lieux étudiés ont conservé les mêmes variétés de plantes, mais les autres ont vu la composition de leur flore évoluer en même temps que le changement climatique.

Environ 60 % des parcelles subissent ces changements et des renouvellements, explique Isla Myers-Smith, une des auteures de l’article et écologiste spécialisée dans le changement climatique global à l’Université de la Colombie-Britannique (UBC). Un des changements que l’on observe, c’est le gain de nouvelles variétés sur certaines parcelles, et des disparitions sur d’autres.

Les endroits les plus affectés par la hausse des températures pendant l’étude ont vu croître de nouveaux types de végétation, ajoute Isla Myers-Smith. Si certaines espèces répondent favorablement à un environnement plus chaud, d’autres ne le supportent pas.

Les arbustes sont devenus la variété dominante dans de nombreux endroits de l’étude, mais en raison de leur taille, ils ont nui à d’autres végétaux en absorbant la lumière à leur place.

Isla Myers-Smith a commencé à relever les espèces présentes sur un des lieux de l’étude en 2009. Son équipe et elle ont surveillé les changements qui se sont produits sur l’île Herschel-Qikiqtaruk, au Yukon, ces 16 dernières années.

Une scientifique étudie la végétation.
Isla Myers-Smith, écologiste à l’UBC, étudie les changements de la végétation dans le cadre d’un programme de surveillance à long terme sur l’île Qikiqtaruk. (Photo : Jeff Kerby)

Nous nous rendons chaque été sur Qikiqtaruk pour récolter des données sur la flore à la fin du mois de juillet, bravant les moustiques pour documenter la façon dont les écosystèmes sont en train de changer, explique-t-elle.

Sur Qikiqtaruk, Isla Myers-Smith et son équipe ont constaté que les espèces d’arbustes, plus spécialement les carex et des graminées, ont tendance à se multiplier, tandis que les lichens tendent à décroître. Cette modification de l’écosystème a aussi un impact sur la biodiversité dans l’île.

Il y aura toujours des gagnants et des perdants

Donald Reid, un biologiste à la retraite de la Wildlife Conservation Society Canada, dit que l’impact des arbustes, des carex et des graminées sur Qikiqtaruk dépend des variétés observées.

Les changements qui touchent les écosystèmes ne sont jamais totalement positifs ou négatifs pour quoi que ce soit de particulier, explique-t-il. Il y aura toujours des gagnants et des perdants.

Il donne l’exemple des castors, qui préfèrent ce type de végétation.

Ils se sont répandus au-delà du delta du fleuve Mackenzie, le long du versant nord du fleuve Yukon parce qu’ils y trouvent davantage de nourriture pour passer l’hiver.

Donald Reid dit aussi que les conséquences de ces changements sont particulièrement visibles sur les oiseaux migrateurs, plus particulièrement sur ceux qui nichent au sol et qui préfèrent les terrains ouverts et une végétation au ras de la terre.

Leur nombre sur Qikiqtaruk a diminué de façon spectaculaire ces quatre dernières décennies, dit-il en soupirant.

Un paysage qui change

Les conservateurs du parc à Qikiqtaruk ont leur propre programme d’observation des plantes de l’île. Ils assistent Isla Myers-Smith et son équipe dans ces recherches.

Richard Gordon est Inuvialuk et également conservateur supérieur du parc territorial de l’île d’Herschel-Qikiqtaruk. Il a observé l’évolution de la flore ces 25 dernières années. Chaque fois que nous posons le pied sur l’île, quelque chose a changé.

Il affirme que les étés deviennent de plus en plus chauds avec le temps et que les glaciers reculent, tandis que la flore se modifie. La linaigrette, qui dominait dans le paysage quand il a pris ses fonctions, a laissé sa place aux arbustes sur l’île ces dernières années.

Ces changements inquiètent les Inuvialuit des environs, car ils pourraient avoir des conséquences sur la migration des caribous, des animaux indispensables à ces communautés.

Un des changements les plus importants dont Richard Gordon a été témoin a été un glissement de terrain en août 2023.

Cela m’a ouvert les yeux sur ce qui est en train de se passer… On doit se préparer au changement. Cela modifie radicalement nos perspectives et la façon dont on envisage le futur, déclare-t-il.

Isla Myers-Smith continue ses études et a récemment reçu des fonds qui lui permettront de continuer à observer non seulement Qikiqtaruk, mais également le reste du territoire.

Avec les informations de Tori Fitzpatrick

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