Un printemps précoce pourrait compromettre la capacité de la toundra arctique à stocker le carbone

La toundra est une formation végétale située dans les zones climatiques froides, polaires ou montagnardes, constituée d’une strate végétale unique principalement composée de graminées, de carex, de lichens, de mousses et de diverses variétés d’arbrisseaux. (Jamie Malbeuf/CBC)
Une nouvelle étude dirigée par une équipe de l’Université de San Diego a révélé qu’un changement de saison pourrait compromettre la capacité de la toundra à stocker le carbone et à l’empêcher d’entrer dans l’atmosphère. Les chercheurs se sont déplacés au cours des cinq dernières années en Alaska, au Canada, au Groenland et en Sibérie afin d’étudier les conséquences de la fonte précoce des neiges.

« Les modèles et la télédétection à grande échelle ont montré ce verdissement de l’Arctique », a expliqué Donatella Zona, biologiste qui a dirigé l’étude. « Mais on ne sait pas si cela se traduit réellement par une plus grande séquestration du carbone dans les écosystèmes de la toundra. »

L’experte a raconté que la plupart des études à grande échelle utilisent des données sur le terrain, mais pas autant que celle entreprise par son équipe. Il s’agit, dit-elle, d’une étude entièrement fondée sur des données concernant les écosystèmes de toundra les moins étudiés de l’Arctique.

L’étudiant en écologie Josh Hashemi a servi de technicien sur les sites de terrain en Alaska de 2017 à 2021. Il a indiqué que chaque année, lorsque le long et sombre hiver arctique commence à se retirer, l’écosystème de la toundra s’anime. « On passe d’un désert austère, sombre et glacial à un paysage verdoyant. »

Toutefois, en raison du changement climatique, la fonte des neiges intervient désormais plus tôt chaque année. Il en résulte une saison de croissance plus longue pour les plantes résistantes de la toundra, comme les arbustes et les carex : c’est ce que les experts nomment le « verdissement » de l’Arctique.

Si les plantes ne peuvent pas stocker davantage de carbone à cause d’un facteur qui limite la durée du stockage du carbone, alors nous avons quelque chose qui ne diminue pas le changement climatique, mais qui l’augmente.Étude de l'Université de San Diego

Le travail sur le terrain de M. Hashemi a consisté à parcourir la toundra du Grand Nord pour surveiller des instruments qui quantifient l’échange de CO2 à l’interface du sol, de la végétation et de l’air. « Nous mesurons le flux de carbone, a-t-il précisé, Il s’agit de la quantité de carbone atmosphérique qui entre dans le système et qui en sort. La quantité de CO2 produite par la toundra et les taux d’émission de la surface. »

La toundra arctique a longtemps été considérée comme un puits de carbone, une bonne chose, selon les experts, car la quantité de carbone stockée par les plantes photosynthétiques pendant l’été est supérieure à celle qui est perdue dans l’atmosphère.

L’étude, publiée dans la revue Scientific Reports, précise que les plantes finissent par se décomposer dans le sol, et les longs hivers empêchent le sol de libérer du dioxyde de carbone, ce qui permet de lutter contre le changement climatique. Il est important que les gens prennent conscience de l’importance du rôle que l’écosystème de la toundra peut jouer dans le bilan carbone mondial, ajoutent les scientifiques.

« La quantité totale de carbone dans le pergélisol est environ le double de la quantité présente dans l’atmosphère. Il est stocké là parce qu’il y fait froid, parce que la saison de croissance est très courte. Le reste du temps, tout est essentiellement gelé », a dit Mme Zona.

Or, l’étude a démontré que si la croissance des plantes et le stockage du carbone augmentent au début de la saison de croissance, en juin, et au plus fort de la saison, en juillet, ils commencent à diminuer vers la fin de la saison, en août. Les chercheurs tentent encore d’en comprendre le mécanisme, mais l’une des possibilités est que la fonte précoce des neiges entraîne un vieillissement et un dépérissement plus rapide des plantes.

« Nous montrons que la fonte des neiges précoce stimule l’absorption de carbone et la productivité des plantes au début et au milieu de l’été, mais qu’elle diminue en fin de saison. C’est un peu comme si vous vous réveilliez plus tôt, puis le soir, vous êtes fatigué plus tôt », a conclu Mme Zona.

Avec les informations de Susanne Clara Bard de l’Université de San Diego

Ismaël Houdassine, Regard sur l'Arctique

Ismaël Houdassine est diplômé en journalisme de l’Université de Montréal. Il commence sa carrière comme reporter et journaliste culturel. Avant de rejoindre l’équipe de Radio-Canada, il a collaboré durant plusieurs années pour plusieurs médias, notamment l’Agence QMI et Le HuffPost.

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