Revitaliser une langue autochtone à l’aide d’hologrammes

Un enfant regarde un grand écran qui montre l’image d’un homme assis.
Un enfant interagit avec la projection holographique de Walter Peters, un aîné de la Première Nation Na-Cho Nyäk Dun, pendant une présentation du projet « Kwän Dék’án’ Do ». Photo : CBC/Caitrin Pilkington

La Première Nation Na-Cho Nyäk Dun, au Yukon, s’appuie désormais sur les avancées technologiques pour revitaliser sa langue ancestrale.

Sa création, baptisée Kwän Dék’án’ Do (nourrir le feu), vise à employer la réalité virtuelle et des projections holographiques comme des outils pédagogiques. Elle est le fruit d’une collaboration avec l’Université Carleton, en Ontario, et le Bureau du commissaire aux langues autochtones.

« J’en ai la chair de poule! »

La semaine dernière, des représentants de l’Université étaient à Mayo pour présenter la technologie.

Cet appareil est attrayant parce qu’il projette une image en trois dimensions et réaliste, explique le professeur Ali Arya tandis qu’il se tient à côté d’une imposante boîte blanche.

Une dame et deux enfants regardent un grand écran.
Le 30 septembre dernier, des membres du corps professoral de l’Université Carleton étaient à Mayo, au Yukon, pour montrer la possibilité d’utiliser la réalité virtuelle comme outil éducatif. Photo : CBC/Caitrin Pilkington

Avec quelques glissements du doigt, il fait défiler des icônes représentant des aînés de la communauté. Il en sélectionne une et Walter Peter, un homme septuagénaire, apparaît sur l’écran et se met à conter une histoire, donnant l’impression d’être assis à l’intérieur de la boîte.

C’est incroyable! s’exclame Krystal Profeit, émerveillée. J’en ai la chair de poule!

S’appuyer sur les aînés

Selon la Première Nation, il ne reste qu’une douzaine de locuteurs du tutchone du Nord à Mayo, et la plupart sont âgés.

Bien qu’il conscient de cette situation, l’aîné Franklin Lee Patterson hésitait à s’impliquer dans ce projet. Il croyait que les jeunes seraient trop distraits par une autre forme de technologie pour que cela en vaille la peine.

Un portrait de Franklin Lee Patterson.
Franklin Lee Patterson est l’un des derniers locuteurs de la langue tutchone du Nord. Photo : CBC/Kate Kyle

Cependant, après y avoir réfléchi, il a réalisé qu’il avait un rôle important à jouer pour préserver la vitalité de la langue.

On doit s’impliquer pour en faire bénéficier les jeunes et leur enseigner à l’aide de ces hologrammes. Alors, je vais faire de mon mieux, affirme-t-il. Quand je quitterai ce monde, j’aurai insufflé cette machine de mes connaissances.

La question de l’appartenance de l’information accumulée est une autre préoccupation majeure dans ce projet.

Il y a une peur que d’autres personnes s’approprient nos informations et déforment notre communauté, mentionne Teresa Samson, directrice du patrimoine de Na-Cho Nyäk Dun.

Toutefois, cette dernière souligne que la longue relation de confiance entre la Première Nation et l’Université Carleton a favorisé l’émergence de ce projet ambitieux.

Un portrait de Teresa Samson.
Teresa Samson affirme que la diffusion de la technologie est importante pour que d’autres communautés puissent continuer à revitaliser leurs langues. Photo : CBC/Kate Kyle

Au-delà des hologrammes, les collaborateurs s’engagent dans la collecte d’archives. Ils veulent un jour créer un modèle de langage utilisant l’intelligence artificielle qui permettrait aux usagers d’avoir des conversations entières, de faire des traductions, de proposer des interprétations et de même de générer de nouveaux mots.

La Première Nation prévoit de protéger son information, mais elle veut aussi garder le logiciel libre, pour que d’autres communautés autochtones puissent en reproduire leur propre version.

Les langues autochtones menacées

Selon Ronald Ignace, commissaire aux langues autochtones, de nombreuses langues autochtones au pays sont menacées de disparition.

Si nous voulons élever nos esprits, blessés au fil des années, nous devons revitaliser nos langues.

« Les langues sont le berceau de notre esprit », souligne Ronald Ignace, commissaire aux langues autochtones.

Un portrait de Ronald Ignace.
Ronald Ignace, qui est le commissaire aux langues autochtones du Canada, a récemment assisté à une démonstration du projet d’hologrammes à Mayo. Photo : CBC Kate Kyle

C’est une pression que ressent l’équipe à l’origine du projet, révèle Troy Anderson, professeur à l’Université Carleton. En effet, le nombre de locuteurs du tutchone du Nord est en baisse.

Cela souligne l’urgence d’effectuer ce travail le plus rapidement possible, affirme-t-il.

L’un des chers défunts est l’aîné Jimmy Johnny.

Selon Teresa Samson, l’équipe a réussi à créer un hologramme de M. Johnny peu de temps avant sa mort.

Lorsque je l’ai allumé, les gens ont eu un choc, car c’était comme si Jimmy Johnny était avec nous dans la salle, raconte-t-elle les larmes aux yeux. Je suis heureuse de savoir qu’une partie de lui est encore présente.

Pour Franklin Lee Patterson, c’était l’occasion de revoir son meilleur ami.

Ça avait l’air tellement réel… C’est extraordinaire ce que la technologie peut accomplir.

Avec les informations de Caitrin Pilkington, de Kate Kyle et de Juanita Taylor

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