Des dizaines de milliers de poissons seraient broyés par le barrage de Whitehorse

Un arc-en-ciel se forme dans l'eau qui s'échappe du barrage hydroélectrique de Whitehorse.
Saumons quinnat, ombres communs, corégones et grands brochets mourraient par dizaines de milliers sous les pales des turbines du barrage de Whitehorse. (Photo d’archives) Photo : Radio-Canada / Vincent Bonnay

Une nouvelle étude suggère que des milliers de poissons pourraient être tués en descendant le courant par le barrage hydroélectrique de Whitehorse.

Ce rapport, commandé par Énergie Yukon à la société de conseil environnemental britanno-colombienne EcoFish, est lié au processus de renouvellement du permis du barrage devant l’Office des eaux du Yukon.

EcoFish a déjà étudié la mortalité des poissons liée au barrage. Ses dernières recherches permettent d’estimer le nombre de poissons qui pourraient y perdre la vie.

Ces recherches sont basées sur deux années de travail sur le terrain ainsi que sur des données collectées pendant plusieurs années (de 2013 à 2024). Elles suggèrent que beaucoup de poissons trouvent la mort lorsqu’ils sont aspirés par les pales des quatre turbines du barrage.

L’étude d’EcoFish estime que 25 063 poissons, y compris des corégones, des ombres communs et de grands brochets, passeraient dans les pales des turbines chaque année. Plus de la moitié d’entre eux, soit 15 470, y périraient.

Toujours selon cette étude, il conviendrait d’y ajouter les saumons quinnat, une espèce en danger, dont les alevins (estimés entre 43 000 et 203 000) entreraient chaque année dans les prises d’eau. La mortalité qui en découlerait est estimée entre 13 000 et 62 000 juvéniles, ce qui représente 30 % des jeunes saumons qui migrent dans la zone située en amont du barrage hydroélectrique de Whitehorse.

Un alevin de saumon quinnat mort flotte sur le dos.
Plus les alevins de saumons quinnat sont grands, moins ils ont de chances de sortir vivants des turbines. Photo : La Presse canadienne / Nathan Howard

L’étude estime que si 200 000 jeunes saumons descendent le courant, moins de 1 % d’entre eux seraient à même de revenir sur leur lieu de naissance pour s’y reproduire à cause de tous les dangers auxquels cette espèce doit faire face tout au long de sa vie.

Pièce d’infrastructure essentielle

Construit en 1958, le barrage hydroélectrique de la rivière Yukon est un élément d’infrastructure essentiel pour la région. Il fournit jusqu’à 80 % de l’électricité des résidents l’été, soit l’équivalent d’un million d’ampoules de 40 watts. Il compte quatre turbines et un déversoir ainsi qu’un passage aménagé pour les poissons.

Les poissons entraînés dans le barrage peuvent être tués de différentes façons.

Plusieurs saumons dans l'eau sont entourés de bulles d'air.
Le saumon quinnat termine sa montaison du fleuve Yukon avec la passe migratoire de Whitehorse, qui lui permet en théorie de contourner le barrage hydroélectrique. Des citernes vitrées permettent au public de voir les saumons passer. Photo : Énergie Yukon

Nous avons constaté que le risque de mortalité le plus élevé pour les poissons était dû aux collisions […], suivies des barotraumatismes et des blessures infligées par les pales, indique l’étude.

Un barotraumatisme est une blessure provoquée par des variations soudaines de pression de l’air ou de l’eau.

La dernière turbine a été installée en 1985. L’étude considère qu’il s’agirait de la plus dangereuse pour les poissons. 85 % des ombres communs et 99 % des grands brochets qui y sont entraînés seraient tués.

Les alevins de saumons quinnat ont été étudiés séparément des autres poissons. Les données suggéreraient que plus l’alevin est grand, plus ses chances de survie diminuent s’il est happé par les turbines du barrage. Pour un saumon quinnat juvénile d’un an, le taux de mortalité tournerait autour de 58 %.

L’étude montrerait également que les poissons sont davantage susceptibles d’être entraînés dans les turbines la nuit au printemps et l’été. On suggère donc d’ajuster l’utilisation du barrage en conséquence. Elle propose d’approfondir les recherches sur l’écologie du lac Schwatka, le réservoir du barrage, et de s’intéresser sérieusement aux turbines.

Le barrage hydroélectrique de Whitehorse.
Le barrage de Whitehorse compte quatre turbines dont la dernière a été installée en 1985. Photo : La Presse canadienne / JONATHAN HAYWARD

Toujours selon cette étude, le comportement des poissons peut être influencé et ces derniers peuvent se mettre à éviter des passages dangereux. Les tentatives d’éloigner les poissons à l’aide d’écrans, de déflecteurs de flux, de lumières, d’électricité et de rideaux de bulles auraient eu de bons résultats.

Un massacre inacceptable

Dans un entretien avec CBC/Radio-Canada, l’analyste de la faune à la Yukon Conservation Society, Sebastian Jones, a dit que ces recherches montrent et confirment la dangerosité du barrage pour les poissons.

Certaines turbines tuent la quasi-totalité des poissons d’eau douce qui passent entre leurs pales. C’est incroyable. C’est inacceptable, et je pense que c’est une conclusion raisonnable, s’est-il exclamé. Pas étonnant qu’il n’y ait plus de saumons dans la rivière McClintock, alors qu’autrefois, il y avait des camps de pêcheurs.

Environ 88 % de l’électricité du Yukon provient de sources renouvelables, en particulier de l’hydroélectricité. Ce territoire aspire depuis de nombreuses années à réduire ses émissions de gaz à effet de serre, le gouvernement affirmant que le territoire est sur la bonne voie grâce à ses trois barrages.

Pour Sebastian Jones, les barrages viennent avec un grave impact environnemental et ne sont pas écologiques. Alors que nous envisageons d’agrandir et de construire de nouveaux barrages, nous devons nous poser la question de savoir si nous voulons sacrifier les migrations de poissons. Les barrages sont nocifs pour [la faune] des rivières.

Avec les informations de Julien Greene

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