Réchauffement climatique : la forêt boréale ne capte plus autant de carbone qu’avant
Une étude publiée le 30 octobre 2023 dans la revue Nature Communications révèle que l’assèchement de l’atmosphère dû au changement climatique a des conséquences sur la croissance de la forêt boréale et sur sa capacité à capter du carbone.
Martin Girardin, chercheur à Ressources naturelles Canada, est l’un des coauteurs de cette étude qui concerne 3559 sites forestiers au Canada, dont une cinquantaine se trouvent dans les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon. Avec le réchauffement climatique et l’assèchement de l’atmosphère, appelé déficit de pression de vapeur atmosphérique (VPD), les différentes espèces de la forêt boréale canadienne réagissent différemment.
L’épinette noire en particulier est une espèce sensible à l’augmentation du VPD. L’équipe de chercheurs a découvert qu’en situation de grande chaleur, l’épinette noire ferme ses stomates, qui sont les pores à la surface des épines permettant les échanges gazeux.
Mais depuis 1951, « l’augmentation du VPD en été au Canada s’est accompagnée d’une diminution de la croissance des arbres, en particulier des espèces d’épicéas » peut-on lire dans l’étude. Plus de 80 % de l’aire de répartition mondiale de l’épinette noire se trouve au Canada.
Des puits de carbone moins efficaces
Avec le ralentissement de la croissance observée, l’étude révèle aussi que, sur le long terme, les forêts ne seront plus capables de capter autant de carbone que dans le passé.
« Avec le réchauffement climatique, on sait qu’il va y avoir une augmentation de la sécheresse atmosphérique dans les décennies, ce qui nuira au stockage du carbone, » explique M. Girardin.
Le changement climatique modifiera la capacité des forêts boréales à stocker le carbone, d’autant plus qu’elles sont dominées par des espèces tolérantes au froid et qu’elles se réchauffent plus rapidement que la plupart des autres zones terrestres.
« On s’attend à ce que le réchauffement modifie l’absorption annuelle nette de carbone par les forêts boréales en raison de changements dans les variables liées à la température (durée de la saison de croissance, gravité de la sécheresse, fréquence du gel) qui affectent la mortalité, le recrutement, la physiologie et la croissance des arbres », peut-on lire dans l’étude.
Dans la forêt boréale canadienne, la capacité de stockage du carbone varie en fonction des différences locales et régionales de climat, de végétation, de sols et de géologie notamment. La complexité et la diversité de l’environnement boréal expliquent les contrastes notables observés dans l’ensemble des sites au centre de cette étude.
Pour en arriver à cette conclusion, l’équipe de chercheurs a utilisé une méthodologie innovante en se basant sur les cernes d’arbres pour évaluer l’impact de la sécheresse atmosphérique sur la croissance des arbres.
Une première réduction de la croissance pour la saison en cours, suivie d’une deuxième réduction plus importante l’année suivante, a été constatée chez certaines espèces à la suite de l’augmentation du VPD. Cette tendance a été observée dans l’ensemble du Canada et est particulièrement prononcée chez les jeunes arbres.
Cette sensibilité de la croissance au VPD confirme que le réchauffement et l’assèchement ont un impact sur la croissance de la forêt boréale, et des données concernant plus d’une douzaine d’espèces montrent que l’acclimatation à des températures plus chaudes et à une humidité du sol plus faible entraîne un comportement qui économise plus d’eau au prix d’un gain de carbone plus faible, indique Martin Girardin.
Des prévisions néfastes
Les résultats de cette étude montrent que la croissance des arbres au Canada est fortement liée au VPD. Avec l’augmentation continue des températures, la capacité d’absorption du carbone par les forêts canadiennes sera nettement inférieure aux quantités de carbone assimilées au cours du XXe siècle.
« Nous prévoyons que la poursuite du réchauffement et des changements de précipitations au cours du siècle prochain continuera à entraver la croissance de ces espèces boréales communes, et donc à diminuer la résilience des forêts, leur capacité de stockage du carbone, la production de fibres et de bois, et les services environnementaux », conclut l’étude.
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