Des électeurs exigent que les minières opèrent de « la bonne manière » à Mayo-Tatchun

Des activités de la mine Hecla, près de Keno, en octobre 2025.
Des piles de résidus miniers sont visibles dans les opérations de la mine Hecla, voisin de la communauté de Keno. (Photo : Radio-Canada/Chloé Dioré de Périgny)

Dans la circonscription yukonnaise de Mayo-Tatchun, où le déversement de la mine d’or Eagle demeure encore dans les mémoires, des électeurs affirment ne pas s’opposer à l’industrie minière, mais ils demandent aux différents partis politiques d’obliger les entreprises « d’opérer de la bonne manière ».

À Keno, un village isolé au bout de la Silver Trail, à cinq heures de route de Whitehorse, l’atmosphère semble figée dans un autre temps. Des vestiges de l’âge d’or minier et des maisons de bois ayant l’air abandonnées rappellent l’histoire de cette communauté, qui ne compte aujourd’hui qu’une vingtaine d’âmes.

Sonia Stange-Hepner, qui dit avoir les mines dans le sang, comme la plupart des autres habitants d’ici, souligne toutefois une « ironie » : la communauté est aujourd’hui « complètement laissée de côté par l’industrie ».

Sonia Stange-Hepner à Keno en octobre 2025.
Sonia Stange-Hepner a travaillé dans les mines, comme la majorité des résidents de Keno. (Photo : Radio-Canada/Chloé Dioré de Périgny)

À quelques kilomètres, le géant américain Hecla Mining Company, basé en Idaho, exploite le district argentifère de Keno Hill, sur le territoire traditionnel des Na-Cho Nyäk Dun. L’entreprise y voit le potentiel de devenir le plus grand producteur d’argent du Canada.

Quand on a su que l’industrie revenait ici, tout le monde était enthousiaste. On pensait qu’il y aurait des gens qui allaient s’installer dans le village […], qu’ils allaient redonner à la communauté, se souvient Sonia Stange-Hepner.

« Empiétement » et site de contamination

Aujourd’hui, l’enthousiasme fait place à la frustration. Depuis une colline, où Sonia Stange-Hepner nous conduit, le village de Keno paraît minuscule face à l’étendue des opérations de la mine Hecla. Le bruit des camions résonne dans toute la vallée et les piles de résidus miniers sont visibles d’aussi loin que de là.

Où est notre mot à dire? Pourquoi n’est-on pas considérés comme des parties prenantes si on en subit les impacts? demande Sonia Stange-Hepner.

Keno City.
Le village de Keno City vu depuis la colline. (Photo : Radio-Canada/Chloé Dioré de Périgny)

Elle craint que Keno ne se transforme en site de contamination, comme la communauté voisine d’Elsa, où Hecla a également des activitéa.

Personne ici n’est contre les mines, dit Sonia Stange-Hepner, résidente de Keno. Mais notre communauté est en train de se transformer en site de contamination.

« Le gouvernement territorial a donné ce terrain à la mine plutôt que de permettre à la communauté de se développer. »

Nous aurions pu construire des maisons au bord du lac, un site de loisirs. Mais maintenant, tout cela a disparu. La mine aurait pu se faire ailleurs, mais c’est là que ça s’est passé.

Victoria Gold « a détruit notre survie »

Dans la région, ces inquiétudes sont décuplées depuis le désastre survenu à la mine Eagle, de Victoria Gold, près de Mayo. Un an après le déversement de millions de tonnes de minerai contaminé au cyanure dans l’environnement, la Première Nation Na-Cho Nyäk Dun en subit encore les séquelles environnementales.

Mon cœur est brisé quand je vois l’impact des destructions. […] Ça a détruit notre survie, ça a détruit nos élans, explique Sheila Hager, de la Première Nation, qui ne peut plus ni chasser ni pêcher.

Sheila Hager, à Mayo, en octobre 2025.
« Quand Victoria Gold était en activité, elle nous a empêchés d’entrer. On ne pouvait pas y aller, et nos zones de pêche ont été détruites. À ce jour, nous ne savons toujours pas ce qui se passe réellement », déplore Sheila Hager. (Photo : Radio-Canada/Chloé Dioré de Périgny)

Je ne veux plus de mine, raconte Sheila Hager. Victoria Gold a tout détruit. Aucune quantité d’or ne peut remplacer des vies et ne peut remplacer notre nourriture. On ne peut pas manger de l’or. Je ne veux plus de mine.

Des règles de « l’époque des pioches et des pelles »

Si la frustration et la colère sont encore vives, tous ne réclament pas l’arrêt total des opérations minières, mais un cadre plus juste et l’implication des communautés. C’est le cas de Frank Patterson, un aîné de la Première Nation Na-Cho Nyäk Dun.

L’industrie minière est la seule qu’il nous reste. C’est pour cela que je dis que je ne veux pas tout arrêter. […] On a juste besoin de le faire de la bonne manière, de pouvoir aller voir ce que [l’industrie] fait, et elle doit respecter notre terre, croit-il.

Il réclame un plan de gestion du territoire, attendu depuis 25 ans, qui permettrait de mieux réglementer ces opérations et d’y assurer la protection du territoire des Premières Nations.

Toutes les communautés du Yukon ont été dévastées par les mines qui sont venues s’installer et ont laissé derrière elles un désordre qu’on a dû ensuite nettoyer. Regardez Carmacks, regardez Dawson, la mine de cuivre à Whitehorse, regardez Faro, ou Mayo, la catastrophe de Keno Hill. Personne ne nettoie, c’est à nous de le faire.

Les règles qui encadrent les minières sont par ailleurs les mêmes depuis des centaines d’années, à l’époque des pioches et des pelles, dit-il. Or, les camions et les excavatrices causent aujourd’hui des dégâts considérables à la terre, selon lui.

La modernisation de la Loi sur les mines a déjà été amorcée, mais les élections et le changement possible de gouvernement risquent de perturber ces efforts.

Frank Patterson demande surtout à ce que les bénéfices et les emplois reviennent à la communauté, qui connaît le territoire et souhaite le préserver. 

Notre peuple, nos habitants locaux devraient être ceux qui y travaillent, pas des entreprises extérieures qui sont riches à millions, dit-il.

Une forêt entre Mayo et Keno City au Yukon, en octobre 2025.
Une forêt sur la route entre Mayo et Keno, un territoire convoité par les compagnies minières. (Photo : Radio-Canada/Chloé Dioré de Périgny)

Pour Sonia Stange-Hepner, à Keno, l’attente pour les élections est la même : le respect de la communauté et de l’environnement, pour une solution « gagnant-gagnant ».

Les promesses des partis :
Parti libéral du Yukon :
– Poursuivre la modernisation de la Loi sur les mines.
– Soutenir une industrie minière moderne, responsable et réactive en partenariat avec les Premières Nations.
– Accroître l’indépendance et la capacité des inspections, du suivi et de l’application de la Loi, notamment en explorant le transfert de la surveillance minière à l’Office des eaux du Yukon et l’alignement avec les Gardiens du territoire des Premières Nations.

Nouveau Parti démocratique du Yukon :
– Moderniser la Loi sur les mines avec les Premières Nations à la tête de la table des discussions.
– Augmenter les paiements de garantie exigés aux compagnies minières pour éviter que les contribuables payent pour des désastres comme celui de la mine Eagle.
– Augmenter les redevances des compagnies minières.

Parti du Yukon :
– Achever la modernisation de la Loi sur les mines en travaillant avec les Premières Nations et l’industrie.

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Chloé Dioré de Périgny, Radio-Canada

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