Collège nordique francophone : un plan d’affaires « ambitieux »

Le Collège nordique francophone a présenté son plan d’affaires 2025-2028, que son directeur général, Patrick Arsenault, décrit comme « ambitieux », mais « surtout nécessaire ». Il vise à transformer les défis géographiques des territoires nordiques en atouts collectifs.
Une ombre plane cependant sur le plan : le collège, situé à Yellowknife, recevra moins de financement du fédéral qu’espéré pour les trois prochaines années. C’est un coup dur pour ce premier et seul établissement postsecondaire francophone au-delà du 60e parallèle. Il a obtenu son accréditation l’an dernier et a de grandes ambitions.
Le financement provient de l’Entente Canada–Territoires du Nord-Ouest et offre des fonds constants et ponctuels pour des projets.
Malgré ce contexte, le plan d’affaires est resté presque intact. « On a choisi de garder la majorité des initiatives, même celles qui ne sont pas financées », indique Patrick Arsenault, qui se dit fier de l’audace de son équipe.
Il admet avoir envisagé de tout revoir pour être plus réaliste.
« On a refusé de baisser les bras », ajoute le directeur général.
Trois visées
Le plan s’articule autour de trois grandes visées et compte huit objectifs.
La première vise à offrir des parcours postsecondaires adaptés aux réalités nordiques, pour de petites cohortes réparties sur un vaste territoire, en s’appuyant sur des outils technologiques et sur l’accès amélioré à l’Internet.
La deuxième visée veut faire du collège un incubateur de talents et un centre d’innovation, souligne Patrick Arsenault.

Il compte notamment créer un réseau thématique international sur les cultures et langues en milieu minoritaire affilié à l’Université de l’Arctique, réseau duquel il est membre. Il estime que le collège pourrait y jouer un rôle de leader. « Le Canada est bilingue et, aux Territoires du Nord-Ouest, on a 11 langues officielles. On vit cette réalité », précise-t-il.
Le collège veut aussi offrir aux étudiants des trois territoires une communauté panterritoriale pour réduire l’isolement.
La troisième visée mise sur l’épanouissement des communautés minoritaires, entre autres grâce à la création de programmes crédités en langues et cultures autochtones en partenariat avec les nations autochtones.
Le collège veut également renforcer son positionnement en tant qu’établissement postsecondaire francophone. Patrick Arsenault mentionne qu’il collabore étroitement avec le Nunavut et le Yukon pour consolider l’offre.
En misant sur des partenariats pour partager ressources et coûts, le directeur général prévoit des économies d’échelle afin d’offrir des programmes plus riches ou impossibles autrement.
Un plan à risque
Face à la réduction des fonds ponctuels, Patrick Arsenault est clair : « la majorité des initiatives du plan sont menacées ». Seuls deux des huit objectifs seraient financés.
Les fonds ponctuels ont permis au collège de se développer, explique-t-il, et d’augmenter le nombre d’inscriptions. Cela a créé des besoins en locaux et en logiciels, des coûts qui restent même si le financement diminue. Ils ont depuis remercié quatre personnes et supprimé trois postes vacants.
Cela les place dans une situation précaire, croit-il.
Dans un courriel, Patrimoine canadien précise que le financement de projet est temporaire et que la baisse prévue en 2025-2026 résulte de la fin d’un projet ponctuel de renforcement institutionnel, sans réduction du financement régulier.
Patrick Arsenault assure que son équipe réduite se bat pour trouver des fonds. Il prévoit moins d’inscriptions ainsi qu’un déficit assez important cette année. L’une des personnes qui ont dû partir s’occupait d’ailleurs du recrutement.
« L’accréditation, ce n’était pas la ligne d’arrivée, mais la ligne de départ », dit-il.

La baisse du financement inquiète aussi la directrice générale de la Fédération franco-ténoise, Audrey Fournier, dont l’organisme est derrière la création du Collège nordique.
Le problème, selon elle, est qu’il faut plus de financement permanent, qu’il soit fédéral ou territorial.
« Soumettre sans cesse des projets temporaires pour obtenir du financement n’est pas soutenable à long terme », dit-elle, tout en félicitant le collège d’avoir conservé un plan d’affaires ambitieux.
Les droits d’inscription ne suffisent pas pour financer un collège en région éloignée avec une petite communauté, assure-t-elle.
Une culture à changer
Le directeur de Réseau pour le développement de l’alphabétisme et des compétences, Denis Desgagné, se dit « très déçu » par le manque de soutien du fédéral.
Son organisme a soumis un mémoire à Ottawa, en août, pour dénoncer le sous-financement des compétences des francophones en contexte minoritaire et appelant à un financement équitable.
Le Collège nordique, dit-il, est « un collège en émergence » qui a su mobiliser et faire ses preuves, mais dont l’élan vient d’être « brisé ».
Denis Desgagné prévoit de collaborer avec le collège pour solliciter des fonds auprès d’autres ministères et ainsi soutenir ses ambitions. Il critique le fait qu’on le renvoie souvent vers Patrimoine canadien pour les projets francophones.
Il appelle à un changement de culture à Ottawa.
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