La télévision et les écrans d’ordinateur pourraient bien s’avérer néfastes pour les plus jeunes et pour les plus vieux. Les jeunes adultes pourraient aussi subir plus tard dans leur vie les séquelles d’une trop grande exposition à un flot d’images nécessitant peu ou pas d’interaction.
C’est ce qui semble de plus en plus ressortir de l’analyse des résultats de toute une nouvelle série d’enquêtes scientifiques notamment réalisées au Canada.
L’exposition à la télévision retarderait chez les plus jeunes le développement cognitif et entraînerait à plus ou moins court terme chez les personnes âgées le déclin de la mémoire verbale.
Il suffirait d’une exposition de courte durée pour que la télévision provoque ces carences.
D’abord, la télé dans les chambres d’enfants n’est pas une bonne idée
L’Association américaine de pédiatrie déconseillait déjà aux parents de ne pas exposer quotidiennement les enfants à la télévision. Or, selon une étude réalisée au Québec, il appert maintenant qu’utiliser la télé ou les jeux vidéo comme aide-gardienne ou comme compagnon de chambre ne rendent réellement pas service aux enfants d’âge préscolaire. Une surexposition compromettrait le développement mental et physique durant la petite enfance et favoriserait l’apparition d’autres problèmes plus tard.
« La petite enfance est un moment crucial du développement de l’enfant », explique Linda Pagani, professeure à l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal et chercheuse au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine.
En 2016, l’équipe de Linda Pagani avait montré l’existence d’un lien entre les jeunes enfants qui regardent trop la télévision et un risque plus élevé d’adopter un comportement agressif et antisocial à l’égard d’autres élèves à l’âge de 13 ans.
La nouvelle enquête, qui porte sur l’observation de 907 filles et 952 garçons, tend à montrer que la surexposition à un écran dans la chambre durant la petite enfance nuit au développement de compétences et favorise la survenue d’autres problèmes à l’adolescence. On parle de mauvaises habitudes alimentaires, d’une mauvaise condition physique (indice de masse corporelle élevé), de difficultés de sociabilisation, d’une détresse émotionnelle plus grande et de symptômes de dépression.
Voyez ce qu’en pensent les spécialistes québécois dans ce domaine
Les personnes âgées devraient-elles aussi s’abstenir de regarder trop la télé
Deux chercheurs de l’University College London viennent de publier les résultats d’une analyse portant sur près de 3700 personnes âgées de 50 ans et plus. Ils concluent qu’écouter plus de 3,5 heures de télévision par jour est associé à un déclin de la mémoire verbale des personnes âgées.
La mémoire verbale est cette capacité du cerveau à retenir des informations nouvellement acquises. Quelqu’un qui a des problèmes de mémoire verbale, par exemple, pourra poser des questions concernant des éléments discutés seulement quelques minutes plus tôt.
Selon les chercheurs britanniques, les personnes âgées qui écoutaient plus de 3,5 heures de télévision par jour ont subi un déclin de leur mémoire verbale au cours des six années suivantes. Ils ont mesuré chez ces personnes un déclin de 8 à 10 % de la mémoire verbale. Chez les participants qui écoutaient moins de 3,5 heures de télévision par jour, le déclin n’était que de 4 à 5 %. Les conclusions de cette étude sont publiées par le journal Scientific Reports.
Les chercheurs soutiennent, sans le prouver, que la nature passive de la télévision, comparativement à des activités plus interactives, contribue au déclin de la mémoire.
Une autre étude publiée dans les années 90 avait démontré pourtant qu’une perte de loisirs comptait parmi les signes les plus précoces d’un déclin cognitif qu’il est possible de détecter.
Le raisonnement est le suivant : si vous avez de moins en moins de loisirs, il y a de fortes chances que vous regardiez plus de télévision.
Les jeunes adultes millénariaux seraient eux aussi vulnérables aux effets de la télé
Une étude publiée il y a trois ans dans le Journal of the American Medical Association (JAMA) affirmait que les jeunes adultes qui regardent trop la télévision pourraient eux aussi connaître des problèmes cognitifs plus tard dans leur vie. En fait, selon les chercheurs américains, ils courraient deux fois plus de risques d’avoir des problèmes cognitifs.
Durant 25 ans, les chercheurs ont suivi 3247 personnes qui avaient au départ de 18 à 30 ans pour évaluer l’impact de leur activité physique et du temps passé devant la télévision sur leurs fonctions cognitives.
Les chercheurs ont testé leurs performances cognitives après 25 ans en utilisant trois tests destinés à analyser la rapidité de réflexion, les fonctions d’exécution et la mémoire verbale.
« Les participants avec les habitudes de vie les moins actives, c’est-à-dire avec peu d’activité physique et beaucoup de télévision, étaient les plus susceptibles d’avoir de mauvais résultats à ces tests cognitifs », souligne le rapport.
Le secret d’une meilleure santé cognitive passerait-il par certains jeux vidéo?
Une personne âgée de 55 à 75 ans qui joue à des jeux vidéo 3D, comme Super Mario 64, peut améliorer ses fonctions cognitives et possiblement prévenir la maladie d’Alzheimer. C’est ce qu’affirme Sylvie Belleville, directrice scientifique du Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal.
Elle se réfère à une étude de l’Université de Montréal qu’elle a codirigée, et dont les résultats ont été publiés à la fin de l’année 2017 dans la revue scientifique PLOS ONE. Notez cependant le très petit échantillon de personnes sondées.
Pour les besoins de cette étude, les chercheurs ont demandé à 33 personnes âgées de 55 à 75 ans de jouer à des jeux vidéo comme Super Mario 64 sur une console Wii. Les participants devaient jouer 30 minutes par jour, 5 jours par semaine.
Au terme de cette expérience, des tests d’imagerie par résonance magnétique ont été effectués auprès des participants. Les chercheurs ont découvert que la matière grise avait gagné en volume dans leur hippocampe, qui est le siège de la mémoire spatiale et épisodique.
Sylvie Belleville souligne que ce ne sont pas tous les jeux vidéo qui permettent de stimuler l’hippocampe. Les jeux vidéo 3D exigent de cette structure du cerveau qu’elle crée une carte cognitive, c’est-à-dire une représentation mentale de l’environnement virtuel des jeux que le cerveau apprend.
RCI avec La Presse canadienne, AFP et la contribution de Mathieu Dugal et de Patrick Masbourian de Radio-Canada
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