La sénatrice Lynn Beyak s'adresse à la Chambre rouge le 9 mai 2019. (CBC)

Cette sénatrice canadienne est suspendue sans salaire pour ses propos racistes

La sénatrice Lynn Beyak se présentait jeudi comme une défenseure de la liberté d’expression et une victime de la rectitude politique. Ses collègues sénateurs s’apprêtaient en effet à voter en bloc pour la suspendre sans salaire pour ses propos racistes dans des lettres désobligeantes sur les peuples autochtones et son refus d’en retirer la publication sur son site Internet officiel.

Les lettres de la sénatrice Beyak provenaient d’un discours qu’elle avait prononcé en 2018, dans lequel elle disait que les pensionnats avaient eu des effets positifs dans la vie des enfants autochtones.

Or, on sait maintenant que des milliers de ces enfants ont subi des sévices sexuels et physiques ou sont morts de maladies et de malnutrition.

Lynn Beyak, qui avait été nommée au Sénat en 2013 par l’ancien premier ministre conservateur canadien Stephen Harper, avait été expulsée du caucus conservateur l’an dernier en raison de ces fameuses lettres racistes.

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Une suspension aux effets limités

Cette suspension de la sénatrice à durée déterminée fera en sorte qu’elle pourra reprendre ses fonctions dès qu’une nouvelle session commencera, donc d’ici six mois après les élections fédérales du mois d’octobre.

Toutefois, si Mme Beyak devait s’entêter à ne pas retirer ses commentaires racistes ni à se conformer aux recommandations du comité d’éthique du Sénat, la Chambre haute pourrait envisager de sévir à nouveau contre elle.

Pendant la durée de sa suspension, elle ne recevra pas son salaire et n’aura pas accès au personnel et aux ressources du Sénat. Le Sénat a l’intention de retirer lui-même les lettres controversées de son site web officiel.

Page web officielle de la sénatrice (Sénat du Canada)

Un travail de sensibilisation et de rééducation de la sénatrice?

Dans un rapport publié le mois dernier, le comité d’éthique du Sénat avait notamment recommandé que Lynn Beyak soit suspendue et qu’elle suive, à ses propres frais, des « programmes éducatifs liés au racisme » contre les Autochtones. Le comité avait également suggéré qu’elle s’excuse par écrit au Sénat.

Dans un discours quelques minutes avant le vote d’hier, émue, loin de reculer, Mme Beyak a répété que ses lettres n’étaient pas racistes. « C’est un jour important. Soit les sénateurs sont libres de parler sans crainte de représailles, ou soit on ne l’est pas », a-t-elle soutenu.

Dans son discours de 15 minutes à la Chambre rouge jeudi, Mme Beyak a assimilé sa suspension temporaire au cauchemar totalitaire décrit par George Orwell dans son roman dystopique 1984.

« Ce type de peine est totalitaire et étranger à la tradition des nations libres comme le Canada, a dit Mme Beyak.  Les parlementaires n’ont pas vu leur liberté d’expression menacée de la sorte depuis les événements qui ont conduit à l’adoption de la Déclaration des droits par le Parlement anglais le 16 décembre 1689. »

Elle a tenté de convaincre au moins un de ses collègues de reporter les procédures, afin que les sénateurs réexaminent l’affaire. Personne ne s’est levé en sa faveur.

Réactions des Autochtones

Perry Bellegarde, chef de l’Assemblée des Premières Nations. (CBC)

Le chef national de l’Assemblée des Premières Nations, Perry Bellegarde, s’est félicité de la décision du Sénat de sanctionner Beyak.

« Il n’y a pas de place pour le racisme ou la discrimination nulle part au Canada, surtout aux tables de décision », a-t-il dit sur Twitter.

La sénatrice libérale de la Saskatchewan Lillian Dyck, présidente du Comité des peuples autochtones, a déposé pour sa part un rapport sénatorial sur l’histoire des peuples autochtones au Canada et les horreurs du système des pensionnats indiens.

La sénatrice Lillian Dyck (Radio-Canada)

Lillian Dyck dit qu’elle n’était pas surprise par le discours que Mme Beyak a prononcé jeudi pour défendre ses actions et ses lettres, compte tenu de ses antécédents au cours des deux dernières années sur ces questions.

« C’est un soulagement, en fait… Nous sommes deux sénateurs autochtones qui sommes assis juste en face d’elle [à la Chambre] et c’était un peu troublant de devoir l’affronter tous les jours, la regarder et penser que les choses qu’elle a affichées sur son site web étaient, à mon avis, terribles. Et elle ne pouvait le voir « , a dit Mme Dyck.

RCI avec La Presse canadienne et les informations de John Paul Tasker de CBC News 

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Catégories : Autochtones, Politique, Société
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