En rupture avec la toute récente position des États-Unis au sujet des Palestiniens, le Canada vient de voter contre les prétentions d’Israël à l’ONU. Il a appuyé une résolution des Nations unies en faveur du droit des Palestiniens à l’autodétermination.
Il s’agit d’un vote historique, car il marque une volte-face majeure pour le Canada, qui avait refusé d’appuyer essentiellement la même résolution dans 14 votes consécutifs depuis 2006, depuis l’arrivée au pouvoir donc au Canada du premier ministre conservateur Stephen Harper.
La résolution de l’ONU a tout de même été défaite, mardi, par Israël, par les États-Unis et par trois petites nations insulaires du Pacifique, soit les îles Marshall, Nauru et les États fédérés de Micronésie.
Ces pays dépendent fortement de l’aide financière des États-Unis et ont l’habitude de se ranger derrière Washington à l’ONU.
Le Canada envoie un message clair
S’exprimant sur le contexte de la volte-face canadienne, un représentant du ministère Affaires mondiales explique que l’appui canadien au droit à l’autodétermination des Palestiniens envoie le message selon lequel le Canada n’est pas d’accord avec l’affirmation du secrétaire d’État américain Mike Pompeo.
Lundi, celui-ci a expliqué que les colonies israéliennes dans les territoires occupés ne sont « pas, en soi, incompatibles avec le droit international ».
Le fonctionnaire d’Affaires mondiales ajoute que le vote du Canada en faveur du droit à l’autodétermination des Palestiniens reflète la prise de position fondamentale du pays sur le conflit israélo-palestinien, soit l’adoption éventuelle d’une solution à deux États avec des frontières viables pour les deux peuples.
Elles sont toutes systématiquement contrées et défaites par les États-Unis au Conseil de sécurité de l’ONU.
Un revirement significatif pour le Canada
Le vote canadien représente un changement soudain dans l’orientation des politiques d’Ottawa au Moyen-Orient, qui avait commencé à dériver vers une position pro-israélienne sous l’ancien premier ministre libéral de Paul Martin avant 2006. Cette tendance s’est considérablement accélérée et est devenue une position 100 % pro-israélienne sous le gouvernement conservateur de Stephen Harper.
En 2014, dans les pages du plus grand quotidien canadien, près de 500 universitaires, juristes et défenseurs des droits de la personne ont publié une lettre dans laquelle ils accusaient le gouvernement de Stephen Harper de « discréditer » le Canada en adoptant une position « déséquilibrée et partisane » exagérément pro-israélienne dans le conflit avec la Palestine.
La résolution que le Canada a appuyée, mardi, ne comprend pas de dénonciations sévères d’Israël. Cependant, elle contient des termes qui critiquent le mur de séparation qu’Israël a construit à proximité (mais pas toujours sur) la ligne d’armistice de 1949 que la plupart des pays considèrent comme étant la véritable frontière du pays.
La résolution souligne également « l’urgence de mettre fin sans délai à l’occupation israélienne qui a commencé en 1967 » et appelle tous les États « à continuer à soutenir et à aider le peuple palestinien dans la réalisation rapide de son droit à l’autodétermination ».
Le représentant du ministère d’Affaires internationales Canada explique que, de toutes les résolutions, c’était la plus facile à appuyer. Le fonctionnaire indique que le Canada pourrait voter différemment de ce qu’il a fait récemment au sujet des résolutions concernant Israël qui seront présentées en novembre et en décembre, bien qu’il n’ait pas l’intention de le faire actuellement.
Une gifle à Donald Trump et à Mike Pompeo?
Ce changement de cap historique a été bien accueilli par l’organisme Les Canadiens pour la justice et la paix au Moyen-Orient, un groupe qui fait depuis longtemps pression pour ce qu’il appelle une approche plus équitable du conflit.
« Nous sommes extrêmement heureux que le gouvernement libéral ait voté en faveur de l’autodétermination des Palestiniens à l’ONU, déclare sa représentante Miranda Gallo. Il s’agit d’une mesure attendue depuis longtemps et qui est tout à fait cohérente avec le soutien du gouvernement à une solution à deux États en Israël-Palestine. En fait, le Canada ne pourrait pas appuyer une solution « à deux États » s’il n’appuyait pas la création d’un État palestinien. »
Notant que « le gouvernement libéral a changé sa position par rapport aux années précédentes », Gallo a ajouté : « Cela pourrait être une tape sur les doigts au gouvernement Trump pour communiquer que, compte tenu de la déclaration farfelue de Pompeo en faveur des colonies israéliennes illégales, le Canada estime que les États-Unis ne parviennent pas à exercer un leadership équitable dans le conflit israélo-palestinien. »
De fortes réactions au sein de la communauté juive du Canada
Le Centre pour Israël et les affaires juives a condamné le vote du Canada dans une déclaration écrite : « Cet après-midi, le Canada s’est joint au chœur anti-israélien à l’ONU […] L’appui du Canada à la résolution représente un changement dramatique par rapport aux 10 années d’opposition de principe aux résolutions de l’ONU qui condamnent Israël et ignorent l’intransigeance palestinienne et les provocations visant à saboter les efforts visant à faire progresser la paix et la réconciliation. »
Le coprésident national de cette organisation, Joel Reitman, a ajouté que « bien que la ministre canadienne des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, ait donné l’assurance qu’aucun autre changement de vote n’était envisagé, nous sommes très déçus que le gouvernement du Canada ne se soit pas fermement opposé au rituel annuel de dénigrement d’Israël à l’Assemblée générale des Nations unies.
« Ni cette résolution ni aucune autre actuellement à l’étude ne reconnaisse le barrage obscène de roquettes et de missiles lancés par les Palestiniens qui pleuvent sur la population civile israélienne, et ne reflète à quel point ces résolutions sont déformées et partiales. »
L’une des forces sous-jacentes aux relations bilatérales israélo-canadiennes réside dans les nombreux liens entre les gens.
Environ 20 000 citoyens canadiens vivent en Israël et de nombreux autres ont de la famille dans ce pays.
La communauté juive au Canada, laquelle comprend environ 350 000 membres, constitue un pont important entre le Canada et Israël.
Ces liens informels donnent lieu à une coopération substantielle entre les deux pays dans le secteur des affaires, de la philanthropie et du tourisme.
RCI avec les informations de Evan Dyer de CBC News, La Presse canadienne et la contribution de Radio-Canada
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