La mine Jeffrey à Abestos autrefois la plus grande source d'amiante au monde, a fermé ses portes en 2012. Photo : Jacques Proulx

Pour oublier l’amiante, mauvaise pour la santé, Asbestos va changer de nom

Une ancienne ville minière du Québec dont le nom apparaît ostracisé internationalement demande à ses 7000 résidents de soumettre des suggestions pour qu’elle puisse se choisir un nouveau nom en 2020.

La petite capitale mondiale de l’extraction du dangereux minerai qui serait responsable aujourd’hui au Canada du tiers de toutes les maladies pulmonaires liées au travail tente de changer de nom et d’image pour relancer son économie locale.

La respiration des fibres d’amiante peut être mortelle et causer différents types de cancer qui tuent des dizaines de milliers de personnes chaque année dans le monde.

La ville d’Asbestos et l’ancienne mine d’extraction du minerai sont situées à environ 150 kilomètres à l’est de Montréal.

Un nom maléfique qui ne peut être blanchi

PHOTO : RADIO-CANADA / JEAN-FRANÇOIS DUMAS

Les responsables de la ville affirment que le nom ne cause que des ennuis et qu’il est temps pour un changement.

Ce nom de la ville vient du mot anglais pour l’amiante, asbestos ou « asbeste » en ancien français, lui-même étant à l’origine un mot grec signifiant : incombustible.

« Il y a vraiment une perception négative au sujet de l’amiante », déclare le maire Hugues Grimard à CBC News, faisant référence au minerai largement interdit dans les pays développés et qui a été extraite dans cette région du Québec pendant plus d’un siècle.

« Nous avons perdu des entreprises qui ne veulent pas s’établir ici à cause du nom », ajoute-t-il.

Il explique qu’un jour, dans l’Ohio, un homme engagé dans le développement économique a refusé de saisir une carte d’affaires municipale à cause du nom de la ville.

Au cours des dernières années, les fonctionnaires ont essayé d’améliorer l’image de la ville avec un nouveau slogan et de nouvelles couleurs. Mais, malgré tous leurs efforts, le nom est chargé de connotations négatives, conclut le maire.

La ville d’Asbestos avec ses montagnes de résidus miniers Photo : Radio-Canada

Un changement de nom annoncé mercredi sur Facebook

L’annonce sur le réseau social a rapidement suscité des centaines de commentaires, certains soutenant l’idée et d’autres s’élevant contre la démarche du conseil municipal.

Plusieurs ont qualifié cette idée d’absurde ou d’insulte à l’histoire de la ville, mais Alain Perron-Grondin, de la ville voisine de Thetford Mines, était parmi ceux qui ont exprimé leur appui. Il l’a décrit comme un « geste courageux et logique ».

D’autres ont suggéré une gamme de noms de remplacement, du sérieux à l’humoristique. Parmi les suggestions, mentionnons Ville des Trois-Lacs, Nobestos, Amianteville, Asbestos 2.0 et Poumontousse.

Interdiction de l’amiante au Canada depuis 2018, mais en partie

Le Canada interdit maintenant l’amiante dans les nouvelles constructions et les rénovations. Ottawa a toutefois été lent à reconnaître les menaces posées par l’amiante, peut-être parce que pendant très longtemps, il se retrouvait au cœur du développement économique du Québec, en particulier.

Les mines d’amiante ont été exploitées au pays de la fin des années 1800 jusqu’en 2011. 

De nouvelles règles ont donc été adoptées par le Canada en 2018 concernant l’amiante, mais elles contiennent plusieurs exemptions… Une des exemptions va permettre l’exploitation de montagnes de résidus miniers qui contiennent encore jusqu’à 40 % de dangereuses fibres d’amiante.

Le gouvernement québécois a récemment confié un mandat d’enquête au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) visant à déterminer de manière scientifique si les 800 millions de tonnes de déchets laissés par l’industrie de l’amiante peuvent être commercialisés ou non de manière sécuritaire.

Voyez comment cette exemption au règlement sur l’interdiction de l’amiante au Canada promet cependant de relancer les économies des villes de Thetford Mines et d’Asbestos au Québec…

Scientifiques et médecins du monde pressent le Québec à renoncer à l’amiante

Des travailleurs manipulent de la l’amiante avec grande précaution. Photo : Reuters

Rappelons qu’il y a une dizaine de jours, une quarantaine de scientifiques, médecins et représentants d’organismes de partout dans le monde signaient une lettre adressée au premier ministre du Québec François Legault. Ils réclamaient que son gouvernement se dissocie de l’industrie mondiale de l’amiante, dont le Québec est encore un participant majeur.

Ils dénoncent le fait que l’Association internationale du chrysotile (AIC), le lobby mondial de l’amiante, soit enregistrée au Québec comme personne morale à but non lucratif (OBNL).

Selon les signataires, « la crédibilité du Québec est utilisée de manière immorale et destructrice pour répandre des informations faussement scientifiques qui mettent en danger la vie humaine ».

Selon les signataires, l’AIC répand « une désinformation dangereuse qui cause des dommages et des décès ». En entrevue à La Presse canadienne, elle ajoute que cette organisation détruit l’éducation, détruit la science et détruit la santé.

« L’AIC promeut l’affirmation fausse que l’amiante chrysotile est un excellent produit qui peut être utilisé de manière sécuritaire par les pays en voie de développement. Un produit que le Canada a interdit parce que c’est un produit dangereux qu’il n’est pas possible d’utiliser de façon sécuritaire », peut-on lire dans la lettre dont le texte fait cinq pages.

Les signataires réclament donc que le gouvernement mette fin à la « complicité » du Québec avec « la malfaisance indéfendable de l’industrie de l’amiante » en lui retirant son statut.

NOTRE DOSSIER POUR TOUT SAVOIR SUR L'AMIANTE : Jolie roche à couper le souffle : des millions de victimes pendant des générations à venir...

RCI avec les informations de Isaac Olson de CBC News, La Presse canadienne et la contribution de Radio-Canada

En complément

Interdiction de l’amiante : nouvelles règles minées par des exemptions – RCI 

Canada : la décision d’interdire l’amiante crée la discorde avec les milieux industriels – RCI 

Le magnésium pourrait relancer l’économie de la région de l’amiante au Québec – RCI 

Catégories : Économie, Environnement et vie animale, International, Santé
Mots-clés : , , , , , , ,

Vous avez remarqué une erreur ou une faute ? Cliquez ici !

Pour des raisons indépendantes de notre volonté et, pour une période indéterminée, l'espace des commentaires est fermé. Cependant, nos réseaux sociaux restent ouverts à vos contributions.