Dans toutes les grandes villes du pays, la pandémie a accéléré les plans des municipalités pour redonner la rue aux piétons et aux cyclistes pour qu’ils aient plus d’espaces pour circuler en sécurité.
Ces mesures de distanciations au nom du mieux-vivre des citadins font pester les automobilistes, à Montréal particulièrement. On craint que sous le couvert de la pandémie, les autorités municipales soient en train d’enclencher, sans consultations ni études d’impacts sur le trafic, des décisions idéologiques irréversibles.
En tout, ce sont 327 kilomètres de voies aménagées qui doivent être ajoutés au réseau pour permettre aux Montréalais de profiter de la ville cet été.
Après avoir reçu plusieurs plaintes de citoyens, l’ombudsman de Montréal a annoncé, vendredi dernier, qu’il ouvrait une enquête sur la mise en place de ces nouvelles voies cyclables et piétonnes.
Au moment de révéler son plan de détournement routier, à la mi-mai, la mairesse de Montréal Valérie Plante se voulait rassurante. Elle faisait remarquer que la circulation automobile était alors deux fois moins importante qu’avant la pandémie et elle promettait que les changements n’étaient pas permanents.
« Avec la réduction de la circulation automobile au cours des dernières semaines et le fait que de nombreux Montréalais ont adopté la marche et le vélo pour leurs déplacements quotidiens, cela nous a fait repenser la façon dont nous partageons l’espace public. »

Graphique CBC News
Des changements permanents sous le couvert du temporaire?
Le plan présenté par la Ville de Montréal, de loin le plus ambitieux de toutes les grandes villes du pays, comprenait donc le déploiement d’un « réseau de transport actif » qui ajoutait des pistes cyclables sécuritaires et des espaces piétonniers plus larges à certaines des grandes artères, des connexions entre les grands parcs de la ville et des rues plus résidentielles fermées à la circulation automobile.
Selon le plan initial présenté, de longs tronçons de l’avenue du Mont-Royal, de la rue Wellington et de la rue de la Commune seraient réservés exclusivement aux piétons et aux cyclistes. Des changements majeurs se dessinaient aussi pour le boulevard Saint-Laurent, la rue Saint-Denis, l’avenue Christophe-Colombe, la rue Rachel et le boulevard Gouin.
Tout cela semblait faire le bonheur des piétons et de nombreux partisans du vélo qui espéraient que les pistes cyclables étendues seraient rendues permanentes. Ils soulignaient les avantages pour la santé, ainsi que l’impact sur l’environnement.
Aujourd’hui, les magasins de vélos rapportent des ventes en plein essor et les partisans de la bicyclette prônent un avenir post-pandémie sur deux roues.
Un effet domino sur les autres rues
Depuis la mi-mai toutefois, la circulation automobile revient graduellement à la normale parce que le déconfinement de la grande région montréalaise de trois millions et demi d’habitants s’accélère à la vitesse grand V. Refoulée la circulation automobile devient ainsi plus problématique.
Selon Francesco Miele, chef adjoint du parti d’opposition Ensemble Montréal, les nouvelles fermetures créent des effets de refoulement de la circulation automobile dans les quartiers lorsque les artères sont rétrécies ou complètement bloquées.
Frustrés, les automobilistes finissent par emprunter de plus petites rues résidentielles à grande vitesse et plusieurs résidents sont forcés de se garer à une plus grande distance de leur domicile.
L’expansion des espaces pour vélos et piétons est beaucoup moins ambitieuse à Toronto ou à Vancouver

Toronto

Vancouver
Un plan qui s’adapte aux circonstances et aux plaintes
Eric Alan Caldwell, membre du comité exécutif de la ville responsable de la mobilité, explique que l’idée était d’installer rapidement des mesures temporaires qui peuvent être adaptées selon les besoins sans passer par des étapes fastidieuses comme les études de trafic et les consultations qui accompagnent normalement ce type d’initiatives.
« Le plan évoluera avec l’évolution de cette crise et nous adapterons chaque situation en fonction des réactions que nous recevons sur le terrain », a-t-il déclaré.
La fermeture d’une section de la rue Rachel a suscité tant d’opposition qu’elle a été rapidement rouverte. Une proposition de projet similaire sur le boulevard Saint-Laurent, dans la Petite Italie, a été mise en boîte avant même d’être lancée après que les citoyens et commerçants se soient plaints.

Montréal ajoute plus de 300 kilomètres de « corridors sécuritaires » dans ses rues.
PHOTO : RADIO-CANADA / IVANOH DEMERS
La mairesse interpellée par l’opposition municipale
Francesco Miele estime que les fermetures de rues d’une telle ampleur ne peuvent pas être improvisées et qu’elles doivent être soigneusement étudiées par les urbanistes et discutées avec les citoyens et les propriétaires d’entreprises avant d’être mises en œuvre.
Le parti a donc déposé une motion demandant des consultations publiques immédiates et une date précise pour la réouverture des rues fermées en toute vitesse par la mairesse.
« Il est tout à fait anormal que cette administration mette tout sur le dos du COVID pour pouvoir faire quelques changements idéologiques et dogmatiques simplement pour combattre les voitures », dit M. Miele.
Il explique que 88 des 327 km de routes dont la fermeture complète ou partielle est prévue cet été étaient déjà considérés pour être des endroits réservés de façon permanente aux piétons.
« Maintenant, ils utilisent l’excuse de la crise COVID pour accélérer ces projets et éliminer le processus de consultation publique pour ces changements. »
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RCI avec CBC News et Radio-Canada
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