Le 8 janvier 2020, le Boeing 737-800 a été abattu peu après son décollage de l'aéroport international Imam Khomeini de Téhéran. Les autorités aériennes iraniennes ont d'abord nié que l'avion ait été touché par un missile et ont déclaré qu'une erreur technique en était la cause. Voici les visages de quelques unes des victimes qui devaient atterrir au Canada. (CBC)

L’Iran utiliserait-il son enquête sur le vol 752 pour soutirer des faveurs?

Dans un geste macabre, l’Iran se servirait-il de la tragédie du vol 752 pour rouvrir ses relations diplomatiques avec le Canada? La question est soulevée après de récentes déclarations iraniennes où Téhéran offre d’un côté de livrer les fameuses boîtes noires du Boeing 737 et de l’autre il annonce qu’il veut rétablir ses relations rompues avec le Canada.

Rappelons que l’écrasement du vol PS752 d’Ukraine International Airlines s’est produit le 8 janvier dernier alors qu’il venait de décoller de Téhéran en direction de Kiev. L’appareil qui devait ultimement se poser à Toronto a été abattu avec un missile par le Corps des gardiens de la révolution islamique. Les 176 passagers et membres d’équipage ont tous été tués, dont 55 Canadiens et Canadiennes.

Plus de six mois plus tard, l’enquête piétine. Le 12 mars, l’Iran avait accepté de remettre les enregistreurs de vol à l’Ukraine, mais la pandémie a retardé cette action. Le 11 juin, l’Iran a annoncé que les enregistreurs de vol seraient envoyés directement au Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile (BEA) en France.

Les responsables canadiens exhortent l’Iran à achever cette action « dès que possible », en citant les précédents retards dans la remise des enregistreurs. Mais des doutes persistent concernant les intentions réelles de Téhéran de remplir ses promesses et plusieurs soupçonnent le gouvernement iranien de vouloir utiliser les boîtes noires comme monnaie d’échange, notamment un rétablissement par le Canada de ses relations diplomatiques avec l’Iran.

Rappelons que le Canada a coupé ses liens diplomatiques avec l’Iran en 2012 en raison des inquiétudes concernant les violations des droits de la personne commises par le régime iranien. Le ministre canadien des Affaires étrangères d’alors, John Baird, avait déclaré qu’il considérait l’Iran comme la « plus importante menace pour la paix et la sécurité mondiales ».

Pressions opportunistes de Téhéran?

La semaine dernière, un porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères a déclaré que son pays avait parlé à ses homologues canadiens du renouvellement des relations diplomatiques entre les deux pays.

Dans un courriel adressé à CBC News, le ministère canadien des Affaires étrangères a confirmé que l’Iran avait bel et bien soulevé « la question du rétablissement des relations consulaires » avec les responsables canadiens, bien que le ministère déclare que son « objectif et sa priorité sont de faire des progrès sur les questions liées à PS752 ».

Le fait que l’Iran semble être tenté de tirer profit d’une tragédie dérange Reza Akbari, président de la Société du patrimoine iranien d’Edmonton dans la province canadienne de l’Alberta. Selon lui, le Canada devrait être prudent jusqu’à ce que les demandes concernant l’enquête sur le vol 752 soient satisfaites.

« En ce moment, ils (dirigeants iraniens) doivent faire preuve d’un certain niveau de coopération […] avant de commencer à parler de relations diplomatiques. »

Un troc qui serait inacceptable pour les familles

Au sein des familles canadiennes qui ont perdu l’un des leurs dans la tragédie, la colère est palpable. « C’est absolument inapproprié », déclare la mère d’Amir Hossein Saeedinia, un étudiant de l’Université d’Alberta tué à bord de l’avion.

Leila Latifi espère que le Canada ne permettra pas à l’Iran de rouvrir son ambassade à Ottawa. Elle a confié à CBC News qu’elle a le sentiment que l’Iran utilise cette tragédie pour améliorer de ses relations internationales.

Leila Latifi et sa famille ont fui l’Iran en janvier et se sont réfugiées au Canada après avoir déclaré que l’armée les avait poussées à ne pas parler publiquement de la tragédie du vol 752.

Un ami de la famille a qualifié de « déchirant » tous les pourparlers visant à rétablir les liens diplomatiques. « L’Iran doit être poursuivi devant la Cour internationale de justice pour le crime tragique qu’il a commis, pour les nombreuses questions sans réponse. »

La tragédie a eu un écho profond dans la communauté iranienne d’Edmonton, qui avait des liens avec plus d’une douzaine de victimes, dont 10 membres du corps enseignant et du personnel de l’Université d’Alberta.

Les avocats des familles des victimes canadiennes demandent une indemnisation d’au moins 1,1 milliard de dollars.

The Associated Press

Une situation qui ne serait pas inhabituelle

Thomas Juneau, professeur associé des affaires internationales à l’Université d’Ottawa, explique à CBC News que les deux pays discutent périodiquement de l’état de leurs relations diplomatiques.

« Les deux parties ont dit qu’elles étaient ouvertes à la perspective de relancer ces discussions à un moment donné. Donc, si l’on parle en termes généraux, ce n’est pas nécessairement surprenant. »

Ce serait un faux pas à ses yeux de faire avancer ces discussions avant d’obtenir la libération des « boîtes noires »; de s’assurer qu’une enquête totalement transparente sera menée et d’obtenir enfin une compensation financière pour les familles des 55 victimes canadiennes.

« En ce moment, l’incitation à avoir finalement ce niveau de représentation diplomatique est l’une des seules sources de levier que nous avons avec l’Iran. Donc, donner cela, je pense que cela affaiblirait probablement notre main. »

Une chose est claire cependant, avec un million de Canadiens qui sont d’origine ukrainienne, le gouvernement canadien ne voudra pas un rapprochement avec l’Iran tant que l’Ukraine n’aura pas obtenu satisfaction et réparation dans cette affaire.

L’Ukraine perd patience envers l’Iran

Dans l’immédiat, Téhéran s’est embourbé dans un piétinement envers l’Ukraine qui pourrait lui coûter cher internationalement.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky vient de déclarer que l’Ukraine demandera justice devant les tribunaux internationaux si l’Iran ne tient pas ses promesses concernant la livraison des boîtes noires.

« J’espère que nous pourrons, à terme, compter sur une politique axée sur les résultats de la part du gouvernement iranien », a déclaré le président ukrainien dans une interview accordée au Globe and Mail, un grand quotidien canadien.

« Parce que non seulement ils ne nous rendent pas les boîtes noires. Il s’agit aussi de leurs [autres] promesses. Ils doivent présenter des excuses officielles. Ils doivent payer des compensations adéquates… Ils doivent faire ce qu’ils ont promis. Sinon, nous n’aurons pas d’autre choix – et ils connaissent notre position – que de recourir aux tribunaux internationaux. »

UR-PSR, l'avion impliqué dans l'incident, en octobre 2019 (UA)

UR-PSR, l’avion impliqué dans l’incident, en octobre 2019 (UA)

Des familles canadiennes maintiennent la pression sur Justin Trudeau

Des familles éprouvées au Canada ont formé une association pour que justice soit faite.

Elles affirment que si l’Iran continue à refuser de collaborer, ce pays devrait être traduit  devant la Cour pénale internationale en vertu de la Convention de Montréal sur le transport  aérien.

Ces familles canadiennes doivent rencontrer, cette semaine, le ministre des Affaires  étrangères François-Philippe Champagne.

Interrogé à ce sujet mardi dernier, le premier ministre canadien Justin Trudeau a précisé qu’il avait une nouvelle fois parlé de la question quelques jours plus tôt avec le président  ukrainien Volodymyr Zelensky.

Les boîtes noires sont censées être envoyées en France bientôt, mais l’Iran est en train  d’expliquer qu’à cause de la COVID, ils n’arrivent pas à le faire, a indiqué M. Trudeau.

Dans un courriel envoyé à Radio-Canada, la porte-parole du ministre des Affaires étrangères explique que le Canada continue à demander à l’Iran de mener une enquête complète et transparente et de verser une compensation équitable, conformément aux précédents  internationaux, comme le stipule l’annexe 13 de la Convention relative à l’aviation civile internationale et comme l’Iran s’est engagé à le faire.

RCI avec CBC News, The Globe and Mail, Radio-Canada et Reuters

Vol 752 – Une tragédie canadienne… Voici notre couverture complète

Vol 752 : les enquêteurs étrangers, dont canadiens, enfin invités en sol iranien
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada confirme qu’il pourra se rendre sur le site de l’écrasement après avoir été invité par le Bureau des enquêtes sur les accidents d’aviation de l’Iran.Ali Abedzadeh, le chef de l’Organisation de l’aviation civile iranienne a invité le Canada et la Suède à coopérer dans l’enquête sur l’accident.

Rapatrier d’Iran les restes des victimes canadiennes du vol 752 s’annonce ardu
Le fait que le Canada ait rompu ses relations diplomatiques avec l’Iran il y a des années compliquera probablement le travail de recherche des causes de l’écrasement et le rapatriement des corps des Canadiens. Il y a aussi le problème que l’Iran ne reconnaît pas la double citoyenneté.

Iran : l’avion serait tombé sous des tirs de missiles iraniens
Le premier ministre du Canada confirme différentes sources de renseignements qui mentionnent que l’avion de la compagnie ukrainienne s’était écrasé suite à des tirs de missiles iraniens. Il a ensuite ajouté qu’il s’agit peut-être d’un « geste involontaire ». M. Trudeau a dit espérer qu’une enquête approfondie soit ouverte.

Écrasement de l’avion en Iran : images de ceux qui devaient revenir au Canada
Ils venaient tout juste de se marier : Arash Pourzarabi et sa nouvelle épouse, Pooneh Gorji, étaient tous deux chercheurs en informatique à l’Université de l’Alberta. Ils se sont mariés en Iran, au début janvier, et ils retournaient à Edmonton en Alberta pour poursuivre leurs études (Famille)

Écrasement de l’avion en Iran : les faits versus rumeurs, théories et complots
Sur les réseaux sociaux, les rumeurs vont bon train et des théories du complot se multiplient. Plusieurs dressent par exemple la liste des raisons pour lesquelles le vol PS752 aurait pu être abattu par accident. Voici les faits tels qu’ils se présentent en ce moment…

Pourquoi y avait-il tant de Canadiens dans l’avion qui s’est écrasé en Iran?
Des options de voyage très limitées, notamment causées par des sanctions économiques américaines, ont contribué à la perte de vies de tant de Canadiens. «Malheureusement, en raison des sanctions économiques américaines, la communauté irano-canadienne n’a pas beaucoup d’options pour se rendre en Iran, et celles qui sont disponibles ne sont pas très abordables…

Écrasement d’avion en Iran : condoléances du Canada aux familles des victimes
La nouvelle de l’écrasement du vol 752 d’Ukraine International Airlines a créé une onde de choc au Canada. Radio-Canada rapporte que 25 enfants figuraient parmi les 63 victimes canadiennes de cette tragédie survenue à l’ouest de Téhéran. Le gouvernement canadien a offert ses condoléances aux familles et affirmé la possibilité pour le Canada de participer aux enquêtes.

63 passagers canadiens meurent dans l’écrasement d’un Boeing ukrainien en Iran
Din Mohammad Qassemi, qui vit près du site de l’accident, a affirmé : « J’ai entendu une explosion massive et toutes les maisons ont commencé à trembler. Il y avait du feu partout. Au début, j’ai pensé que [les Américains] avaient frappé ici avec des missiles. Au bout d’un moment, je suis sorti et j’ai vu qu’un avion s’était écrasé là-bas. Il y avait des morceaux de corps partout. »

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